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Pascal, des Arnaud, des Nichol, des Boileau, des Racine, il auroit été forcé de changer de ton. On eût été indigné à Port-Royal des plaisanteries irréligieuses de Ferney; on n'y aimoit pas les ouvrages faits à la hâte; on y travailloit avec loyauté, et l'on n'eût pas voulu, pour tout au monde, tromper le public, en lui donnant un poëme, qui n'eût pas coûté au moins douze bonnes années de labeur.

Ce qu'il y avoit de très-merveilleux, c'est qu'au milieu de tant d'occupations, ces excellens hommes trouvoient encore le secret de remplir les plus petits devoirs de la religion, et de porter dans la société l'urbanité de leur grand siècle.

C'étoit une telle école qu'il falloit à M. de Voltaire. Il est bien malheureux d'avoir eu ce double génie qui force à-la-fois à l'admirer et à le haïr. Il édifie et détruit; il donne les exemples et les préceptes les plus contraires; il élève aux nues le siècle de Louis XIV, et attaque ensuite en détail la réputation des grands hommes de ce siècle tour-à-tour il admire et dénigre l'antiquité; il poursuit, à travers soixantedix volumes, ce qu'il appelle l'infame, et les morceaux les plus beaux de ses écrits sont empruntés de la religion. Tandis que son imagination vous ravit, il fait luire

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une fausse raison qui détruit le merveil leux, rapetisse l'ame, et raccourcit la vue. Excepté dans quelques-uns de ses chefsd'œuvres, il n'apperçoit par-tout que le côté ridicule des choses et des temps, et montre trop souvent, sous un jour hideusement gai, l'homme à l'homme. Il charme et fatigue par sa mobilité; il vous enchante et dégoûte; on ne sait quelle est la forme qui lui est propre il seroit insensé s'il n'étoit si sage, et méchant si sa vie n'étoit remplie de traits de bienfaisance. Au milieu de toutes ses impiétés, on peut remarquer qu'il haïssoit les sophistes. Il aimoit si naturellement les beaux-arts, les lettres et la grandeur, qu'il n'est pas rare de le surprendre dans une sorte d'admiration pour la cour de Rome. Son amourpropre lui a fait jouer toute sa vie un rôle pour lequel il n'étoit point fait, et auquel il étoit fort supérieur. Il n'avoit rien, en effet, de commun avec MM. Diderot, Raynal, Helvétius. L'élégance de sa vie, ses belles manières, son goût pour la bonne société, et sur-tout son humanité, l'auroient vraisemblablement rendu un des ennemis les plus violens du règne révolutionnaire. Il est trèsdécidé en faveur de l'ordre social, sans s'appercevoir toutefois qu'il le sappe par les fondemens, en attaquant l'ordre religieux. Ce

qu'on peut dire de lui de plus raisonnable, c'est que son incrédulité l'a empêché d'atteindre aussi haut qu'il l'eût pu faire, et que ses ouvrages (excepté ses poésies fugitives) sont demeurés au-dessous de son véritable talent; exemple qui doit à jamais. effrayer quiconque se mêle d'écrire. M. de Voltaire n'a flotté parmi tant d'erreurs et d'inégalités de style et de jugement, que parce qu'il a manqué du grand contrepoids. de la religion; il n'a que trop prouvé que des mœurs graves, et une pensée pieuse, sont encore plus nécessaires dans le commerce des Muses qu'un beau génie.

DU CHRISTIANISME,

OU

BEAUTÉS

POÉTIQUES ET MORALES

DE

LA RELIGION CHRÉTIENNE.

SECONDE PARTIE. POÉTIQUE DU CHRISTIANISME.

LIVRE SECOND.

ROÉSIE, DANS SES RAPPORTS AVEC LES HOMMES. CARACTÈRES.

CHAPITRE PREMIER.

Caractères naturels.

PASSONS de cette vue générale des Epopées, où le christianisme est employé comme merveilleux, aux détails des compositions

poétiques. Considérons d'abord les caractères naturels, avant de traiter des caractères sociaux, et partons d'un principe incontestable.

Le christianisme est une religion, pour ainsi dire, double s'il s'occupe de la nature de l'être intellectuel, il s'occupe aussi de notre propre nature. Il fait marcher de front les mystères de la Divinité, et les mystères du cœur humain; en dévoilant le véritable Dieu il fait connoître le véritable homme.

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Une telle religion est donc plus favorable à la peinture des caractères, qu'un culte qui ne se mêle en rien des passions. Dans les tableaux que les anciens nous ont laissés, les dipe, les Oreste, les Didon, les Andromaque, doivent tout à la nature et au génie du poëte; rien à la religion. La plus belle moitié de la poésie, la moitié dramatique, ne recevoit aucun secours du polythéisme; la morale étoit séparée de la mythologie. Un Dieu montoit sur son char, un prêtre offroit un sacrifice; mais ni le Dieu ni le prêtre n'enseignoit ce que c'étoit que l'homme, d'où il vient, où il va, quels sont ses penchans, ses vices, ses vertus, ses fins dans cette vie, ses fins dans l'autre. Le christianisme est précisément l'opposé de ce culte. Chez nous, la religion et la

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