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Il en rapporta davantage.

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Enfin se sentant près de terminer ses jours, D'argent, point de caché. Mais le père fut Mes chers enfants, dit-il, je vais où sont

sage

De leur montrer avant sa mort Que le travail est un trésor.

LE VIEILLARD ET SES ENFANTS.

Toute puissance est faible à moins que d'être unie,

Écoutez là-dessus l'esclave de Phrygie.
Si j'ajoute du mien à son invention,
C'est pour peindre nos mœurs, et non point
par envie;

Je suis trop au-dessous de cette ambition,

Phèdre enchérit souvent par un motif de gloire;

Pour moi, de tels pensers me seraient malséants.

Mais venons à la fable, ou plutôt à l'histoire

De celui qui tâcha d'unir tous ses enfants.

Un vieillard près d'aller où la mort l'appelait, Mes chers enfants, dit-il, (à ses fils il parlait)

1 La moisson.

nos pères.

Adieu, promettez-moi de vivre comme frères; Que j'obtienne de vous cette grâce en mou

rant.

Chacun de ses trois fils l'en assure en pleu

rant.

Il prend à tous les mains; il meurt; et les trois frères

Trouvent un bien fort grand, mais fort mêlé d'affaires.

Un créancier saisit, un voisin fait procès. D'abord notre trio s'en tire avec succès. Leur amitié fut courte, autant qu'elle était

rare.

Le sang les avait joints, l'intérêt les sépare.

L'ambition, l'envie, avec les consultants, Dans la succession entrent en même temps. On en vient au partage, on conteste, on chicane.

Le juge sur cent points tour à tour les condamne. Créanciers et voisins reviennent aussitôt; Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défaut.

Les frères désunis sont tous d'avis contraire,

L'un veut s'accommoder, l'autre n'en veut rien faire.

Tous perdirent leur bien; et voulurent trop | LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS EN SOCIÉTÉ AVEC LE LION.

tard

Profiter de ces dards unis et pris à part.

LE COCHET, LE CHAT, ET LE SOURICEAU. Un souriceau tout jeune, et qui n'avait rien vu, Fut presque pris au dépourvu. Voici comme il conta l'aventure à sa mère. J'avais franchi les monts qui bornent cet état;

Et trottais comme un jeune rat

Qui cherche à se donner carrière;

La génisse, la chèvre et leur sœur la brebis,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dom-
mage.

Dans les lacs de la chèvre un cerf se trouva pris.

Vers ses associés aussitôt elle envoie.
Eux venus, le lion par ses ongles compta,
Et dit: Nous sommes quatre partager la

proie;

Puis, en autant de parts le cerf il dépéça:

Lorsque deux animaux m'ont arrêté les Prit pour lui la première en qualité de

yeux;

L'un doux, bénin et gracieux;

Et l'autre turbulent et plein d'inquiétude.

Il a la voix perçante et rude;

Sur la tête un morceau de chair,

Sire:

Elle doit être à moi, dit-il, et la raison

C'est que je m'appelle lion:

A cela on n'a rien à dire.

La seconde par droit me doit échoir encor:

Une sorte de bras dont il s'élève en l'air, Ce droit, vous le savez, c'est le droit du

Comme pour prendre sa volée;

La queue en panache étalée.

Or c'était un cochet dont notre souriceau
Fit à sa mère le tableau,

Comme d'un animal venu de l'Amérique.
Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,
Faisant tel bruit et tel fracas,
Que moi, qui grâce aux Dieux de courage
me pique,

En ai pris la fuite de peur,
Le maudissant de très bon cœur.
Sans lui j'aurais fait connaissance
Avec cet animal qui m'a semblé si doux.
Il est velouté comme nous,
Marqueté, longue queue, une humble con-
tenance;

Un modeste regard, et pourtant l'œil luisant;

Je le crois fort sympathisant Avec messieurs les rats; car il a des oreilles En figure aux nôtres pareilles. Je l'allais aborder; quand d'un son plein d'éclat

L'autre m'a fait prendre la fuite. Mon fils, dit la souris, ce doucet est un

chat,

Qui sous son minois hypocrite
Contre toute ta parenté
D'un malin vouloir est porté.
L'autre animal tout au contraire,
Bien éloigné de nous malfaire,
Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au chat; c'est sur nous qu'il fonde
sa cuisine.

Garde-toi tant que tu vivras
De juger des gens sur la mine.

plus fort. sième,

Comme le plus vaillant je prétends la troi

Si quelqu'une de vous touche à la quatrième,

Je l'étranglerai tout d'abord.

LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE.

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son
nom),

Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient
frappés;

On n'en voyait point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie;
Nul mets n'excitait leur envie.
Ni loups, ni renard n'épiaient
La douce et l'innocente proie;
Les tourterelles se fuyaient:

Plus d'amour, partout plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit: Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis

Pour nos péchés cette infortune: Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux:

Peut-être il obtiendra la guérison com

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Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons, | Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples J'ai dévoré force moutons.

mâtins,

Que m'avaient-ils fait? nulle offense: Au dire de chacun, étaient de petits saints. Même il m'est arrivé quelquefois de manger L'âne vint à son tour, et dit: J'ai souve

Le berger.

Je me dévoûrai donc, s'il le faut: mais je
pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que
moi;

Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.
Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien manger moutons, canaille, sotte
espèce,

Est-ce un péché? Non, non. Vous leur fites, seigneur,

En les croquant, beaucoup d'honneur; Et, quant au berger, l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Étant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire. Ainsi dit le renard, et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir

Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puis

sances

Les moins pardonnables offenses.

nance

Qu'en un pré de moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,

Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue;

Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler

net.

A ces mots, on cria haro sur le baudet. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue

Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal,
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui! quel crime abo-
minable!

Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc au noir.

JEAN DE LA BRUYÈRE.

Jean de La Bruyère naquit au village de Roinville, près de Dourdan, en Normandie, en 1644. Il ne nous reste presque aucun détail sur la vie de cet homme illustre: on sait seulement qu'il venait d'acheter une charge de trésorier de France à Caen, lorsque Bossuet le plaça auprès du duc de Bourgogne, pour lui enseigner l'histoire. Il passa le reste de ses jours à l'hôtel de Condé, à Versailles, attaché au prince en qualité d'homme de lettres. On le représente comme

PAMPHILE OU LE VANITEUX.

Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l'idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité: il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s'en enveloppe pour se faire valoir; il dit: Mon ordre, mon cordon bleu; il l'étale ou il le cache par ostentation: un Pamphile, en un mot, veut être grand; il croit l'être, il ne l'est pas. Si quelquefois il sourit à un homme du dernir ordre, à un homme d'esprit, il choisit son temps si juste qu'il n'est jamais pris sur le fait; aussi la rougeur lui monterait-elle au

un philosophe doux, modeste, exempt d'ambition, ne songeant qu'à vivre tranquille avec des amis et des livres. Reçu membre de l'Académie française, le 15 juin 1693, La Bruyère mourut d'apoplexie le 10 mai 1696. Outre les Caractères ou les Mœurs de ce siècle, on a de La Bruyère: Caractères de Théophraste, traduits du groc; Discours de réception à l'Académie française; Dialogues sur le Quiétisme.

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visage s'il était malheureusement surpris dans la moindre familiarité avec quelqu'un qui n'est ni opulent, ni puissant, ni ami d'un ministre, ni son allié, ni son domestique. Il est sévère et inexorable à qui n'a point encore fait sa fortune: il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit; et le lendemain, s'il vous trouve en un endroit moins public, ou, s'il est public, en la compagnie d'un grand, il vient à vous, et il vous dit: Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir. Tantôt il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis; et

tantôt, s'il les trouve avec vous en conversation, il vous coupe et vous les enlève. Vous l'abordez une autre fois, et il ne s'arrête pas; il se fait suivre, vous parle si haut que c'est une scène pour ceux qui passent. Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre: gens nourris dans le faux, et qui ne haïssent rien tant que d'être naturels; vrais personnages de comédie, de Floridors, des Mondoris.

On ne tarit point sur les Pamphiles: ils sont bas et timides devant les princes et les ministres, pleins de hauteur et de confiance avec ceux qui n'ont que de la vertu, muets et embarrassés avec les savants; vifs, hardis et décisifs avec ceux qui ne savent rien. Ils parlent de guerre à un homme de robe, et de politique à un financier; ils savent l'histoire avec les femmes; ils sont poètes avec un docteur, et géomètres avec un poète. De maximes, ils ne s'en chargent pas; de principes, encore moins: ils vivent à l'aventure, poussés et entraînés par le vent de la faveur et par l'attrait des richesses. Ils n'ont point d'opinion qui soit à eux, qui leur soit propre: ils en empruntent à mesure qu'ils en ont besoin; et celui à qui ils ont recours n'est guère un homme sage, ou habile, ou vertueux; c'est un homme à la mode.

LE FAT.

L'or éclate, dites-vous, sur les habits de Philémon: il éclate de même chez les marchands. Il est habillé des plus belles étoffes: le sont-elles moins toutes déployées dans les boutiques et à la pièce? Mais la broderie et les ornements y ajoutent encore la magnificence: je loue donc le travail de l'ouvrier. Si on lui demande quelle heure il est, il tire une montre qui est un chef-d'œuvre: la garde de son épée est un onyx: il a au doigt un gros diamant qu'il fait briller aux yeux, et qui est parfait: il ne lui manque aucune de ces curieuses bagatelles que l'on porte sur soi autant pour la vanité que pour l'usage; et il ne se plaint non plus toute sorte de parure qu'un jeune homme qui a épousé

une riche vieille. Vous m'inspirez enfin de la curiosité, il faut voir du moins des choses si précieuses: envoyez-moi cet habit et ces bijoux de Philémon, je vous quitte de la personne.

Tu te trompes, Philémon, si avec ce carrosse brillant, ce grand nombre de coquins qui te suivent, et ces six bêtes qui te traînent, tu penses que l'on t'en estime davantage. L'on écarte tout cet attirail qui t'est étranger, pour pénétrer jusques à toi, qui n'es qu'un fat.

L'HOMME UNIVERSEL.

Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi; c'est un homme universel, et il se donne pour tel: il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle à table d'un grand d'une cour du nord, il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce qu'ils en savent : il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire: il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes: il récite des historiettes qui y sont arrivées, il les trouve plaisantes et il en rit jusqu'à éclater. Quelqu'un se hasarde de le contredire et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies: Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur: Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original, je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés lui dit: c'est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive fraîchement de son ambassade.

LES PARVENUS.

Ni les troubles, Zénobie, qui agitent votre empire, ni la guerre que vous

soutenez virilement contre une nation | éternue fort haut: il dort le jour, il dort puissante, depuis la mort du roi votre la nuit, et profondément; il ronfle en époux, ne diminuent rien de votre compagnie. Il occupe à table et à la magnificence; vous avez préféré à toute promenade plus de place qu'un autre; autre contrée les rives de l'Euphrate, il tient le milieu en se promenant avec pour y élever un superbe édifice; l'air ses égaux, il s'arrête et l'on s'arrête, il y est sain et tempéré, la situation en continue de marcher et l'on marche, est riante; un bois sacré l'ombrage du tous se règlent sur lui: il interrompt, côté du couchant; les dieux de Syrie, il redresse ceux qui ont la parole: on qui habitent quelquefois la terre, n'y ne l'interrompt pas, on l'écoute aussi auraient pu choisir une plus belle de- longtemps qu'il veut parler, on est de meure; la campagne autour est couverte son avis, on croit les nouvelles qu'il d'hommes qui taillent et qui coupent, débite. S'il s'assied, vous le voyez qui vont et qui viennent, qui roulent s'enfoncer dans un fauteuil, croiser les ou qui charrient le bois du Liban, l'ai- jambes l'une sur l'autre, froncer le rain et le porphyre: les grues et les sourcil, abaisser son chapeau sur ses machines gémissent dans l'air, et font yeux pour ne voir personne, ou le reespérer à ceux qui voyagent vers l'Ara- lever ensuite et découvrir son front bie, de revoir à leur retour en leurs par fierté et par audace. Il est enjoué, foyers ce palais achevé, et dans cette grand rieur, impatient, présomptueux, splendeur où vous désirez de le porter, colère, libertin, politique, mystérieux avant de l'habiter vous et les princes sur les affaires du temps: il se croit vos enfants. N'y épargnez rien, grande des talents et de l'esprit. Il est riche. reine: employez-y l'or et tout l'art des plus excellents ouvriers; que les Phidias et les Zeuxis de votre siècle déploient toute leur science sur vos plafonds et sur vos lambris: tracez-y de vastes et de délicieux jardins, dont l'enchantement soit tel qu'ils ne paraissent pas faits de la main des hommes: épuisez vos trésors et votre industrie sur cet ouvrage incomparable; et après que vous y aurez mis, Zénobie, la dernière main, quelqu'un de ces pâtres qui habitent les sables voisins de Palmyre, devenu riche par les péages de vos rivières, achètera un jour à deniers comptants cette royale maison, pour l'embellir et la rendre plus digne de lui et de sa fortune.

LE RICHE ET LE PAUVRE.

Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l'œil fixe et assuré, les épaules larges, l'estomac haut, la démarche ferme et délibérée: il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l'entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu'il lui dit: il déploie un ample mouchoir, et se mouche avec grand bruit: il crache fort loin, et il

Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre: il dort peu et d'un sommeil fort léger: il est abstrait, rêveur, et il a avec de l'esprit l'air d'un stupide: il oublie de dire ce qu'il sait, ou de parler d'évènements qui lui sont connus; et s'il le fait quelquefois, il s'en tire mal, il croit peser à ceux à qui il parle, il conte brièvement, mais froidement, il ne se fait pas écouter, il ne fait point rire: il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent, il est de leur avis, il court, il vole pour leur rendre de petits services: il est complaisant, flatteur, empressé: il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur: il est superstitieux, scrupuleux, timide: il marche doucement et légèrement, il semble craindre de fouler la terre: il marche les yeux baissés, et il n'ose les lever sur ceux qui passent. Il n'est jamais du nombre de ceux qui forment un cercle pour discourir, il se met derrière celui qui parle, recueille furtivement ce qui se dit, et il se retire si on le regarde. Il n'occupe point de lieu, il ne tient point de place, il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux pour n'être point vu, il se replie et se

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