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renferme dans son manteau: il n'y a point de rues ni de galeries si embarrassées et si remplies de monde, où il ne trouve moyen de passer sans effort, et de se couler sans être aperçu. Si on le prie de s'asseoir, il se met à peine sur le bord d'un siège: il parle bas dans la conversation, et il articule mal: libre néanmoins sur les affaires publiques, chagrin contre le siècle, médiocrement prévenu des ministres et du ministère. Il n'ouvre la bouche que pour répondre: il tousse, il se mouche sous son chapeau, il crache presque sur soi, et il attend qu'il soit seul pour éternuer, ou si cela lui arrive, c'est à l'insu de la compagnie, il n'en coûte à personne ni salut, ni compliment. Il est pauvre.

DU MÉRITE PERSONNEL.

Que faire d'Égésippe qui demande un emploi? Le mettra-t-on dans les finances ou dans les troupes? Cela est indifférent, et il faut que ce soit l'intérêt seul qui en décide, car il est aussi capable de manier de l'argent ou de dresser des comptes, que de porter les armes. Il est propre à tout, disent ses amis; ce qui signifie toujours qu'il n'a pas plus de talent pour une chose que pour une autre, ou en d'autres termes qu'il n'est propre à rien. Ainsi la plupart des hommes occupés d'eux seuls dans leur jeunesse, corrompus par la paresse ou par le plaisir, croient faussement dans un âge plus avancé qu'il leur suffit d'être inutiles ou dans l'indigence, afin que la république soit engagée à les placer ou à les secourir; et ils profitent rarement de cette leçon très importante, que les hommes devraient employer les premières années de leur vie à devenir tels par leurs études et par leur travail que la république elle-même eût besoin de leur industrie et de leurs lumières; qu'ils fussent, comme une pièce nécessaire à tout son édifice et qu'elle se trouvât portée par ses propres avanta

ges à faire leur fortune ou à l'embellir.

Nous devons travailler à nous rendre très dignes de quelque emploi; le reste ne nous regarde point, c'est l'affaire des autres.

Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi-seul, ou renoncer à se faire valoir: maxime inestimable et d'une ressource infinie dans la pratique, utile aux faibles, aux vertueux, à ceux qui ont de l'esprit, qu'elle rend maîtres de leur fortune ou de leur repos: pernicieuse pour les grands; qui diminuerait leur cour, ou plutôt le nombre de leurs esclaves; qui ferait tomber leur morgue avec une partie de leur autorité et les réduirait presque à leurs entremets et à leurs équipages; qui les priverait du plaisir qu'ils sentent à se faire prier, presser, solliciter, à faire attendre ou à refuser, à promettre et à ne pas donner; qui les traverserait dans le goût qu'ils ont quelquefois à mettre les sots en vue et à anéantir le mérite, quand il leur arrive de le discerner; qui bannirait des cours les brigues, les cabales, les mauvais offices, la bassesse, la flatterie, la fourberie; qui ferait d'une cour orageuse pleine de mouvements et d'intrigues comme une pièce comique ou même tragique, dont les sages ne seraient que les spectateurs; qui remettrait de la dignité dans les différentes conditions des hommes et de la sérénité sur leur visage; qui étendrait leur liberté; qui réveillerait en eux avec les talents naturels l'habitude du travail et de l'exercice, qui les exciterait à l'émulation, au désir de la gloire, à l'amour de la vertu; qui, au lieu de courtisans vils, inquiets, inutiles, souvent onéreux à la république, en ferait ou de sages économes ou d'excellents pères de famille ou des juges intègres ou de grands capitaines ou des orateurs ou des philosophes; et qui ne leur attirerait à tous nul autre inconvénient que celui peut-être de laisser à leurs héritiers moins de trésors que de bons exemples.

Herrig, La France litt.

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LA ROCHEFOUCAULD.

François VI, duc le La Rochefoucauld, naquit en 1613, et mourut à Paris en 1680. Il se fit remarquer, par son esprit, sa connaissance des hommes et ses intrigues. Pour plaire à la duchesse de Longueville, il se jeta dans la guerre de la Fronde. Il n'y éprouva que des déceptions. Revenu de ses illusions, il tomba dans un découragement moral, dans une misanthropie chagrine et égoiste, qui est le caractère de ses

Maximes. Il passa les dernières années de sa vie dans l'intimité de Madame de la Fayette et de Madame de Sévigné. La première édition des Maximes parut à Paris, en 1665, pet. in-12, sous le titre de Réflexions ou sentences et maximes morales. La Rochefoucauld a encore laissé des Mémoires, dont la première édition parut en 1662.

MAXIMES.

Ce que nous prenons pour des vertus, n'est souvent qu'un assemblage de diverses actions et de divers intérêts que la fortune ou notre industrie savent arranger; et ce n'est pas toujours par valeur et par chasteté que les hommes sont vaillants et que les femmes sont chastes.

L'amour-propre est le plus grand de tous les flatteurs.

Quelques découvertes que l'on ait faites dans le pays de l'amour-propre, il y reste encore bien des terres in

connues.

L'amour-propre est plus habile que le plus habile homme du monde.

Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours. Elles sont comme un art de la nature dont les règles sont infaillibles; et l'homme le plus simple qui a de la passion, persuade mieux que le plus éloquent qui n'en a point.

Quelque soin que l'on prenne de couvrir ses passions par des apparences de pitié et d'honneur, elles paraissent toujours au travers de ces voiles.

La modération des personnes heureuses vient du calme que la bonne fortune donne à leur humeur.

Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui.

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Ceux qu'on condamne au supplice, affectent quelquefois une constance et un mépris de la mort, qui n'est en effet que la crainte de l'envisager; de sorte qu'on peut dire que cette constance et ce mépris sont à leur esprit ce que le bandeau est à leurs yeux.

Lorsque les grands hommes se laissent abattre par la longueur de leurs infortunes, ils font voir qu'ils ne les

soutenaient que par la force de leur ambition, non par celle de leur âme; et qu'à une grande vanité près, les héros sont faits comme les autres hommes.

Il faut de plus grandes vertus pour soutenir la bonne fortune que la mauvaise.

Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.

On fait souvent vanité des passions, même les plus criminelles; mais l'envie est une passion timide et honteuse que l'on n'ose jamais avouer.

Si nous n'avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir à en remarquer dans les autres.

Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres.

L'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé.

On n'est jamais si heureux ni si malheureux qu'on se l'imagine.

Quoique les hommes se flattent de leurs grandes actions, elles ne sont pas souvent les effets d'un grand dessein, mais les effets du hazard.

Tout le monde se plaint de sa mémoire, et personne ne se plaint de son jugement.

On ne donne rien si libéralement que ses conseils.

Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus fin que les autres.

Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités; il en faut avoir l'économie. Nous oublions aisément nos fautes, lorsqu'elles ne sont sues que de nous. Ce qui paraît générosité n'est souvent qu'une ambition déguisée qui méprise de petits intérêts pour aller à de plus grands.

La véritable éloquence consiste à dire | phoses, et des raffinements ceux de la tout ce qu'il faut et à ne dire que ce chimie. qu'il faut.

La petitesse de l'esprit fait l'opiniâtreté: nous ne croyons pas aisément ce qui est au-delà de ce que nous voyons. Quand nous exagérons la tendresse que nos amis ont pour nous, c'est souvent moins par reconnaissance que par le désir de faire juger de notre mérite.

Nous aimons toujours ceux qui nous admirent, et nous n'aimons pas toujours ceux que nous admirons.

Quelque bien qu'on nous dise de nous, on ne nous apprend rien de nou

veau.

L'envie est plus irréconciliable que la haine.

L'humilité est la véritable preuve des vertus chrétiennes: sans elle nous conservons tous nos défauts, et ils sont seulement couverts par l'orgueil, qui les cache aux autres et souvent à nousmêmes.

Le plus grand effort de l'amitié n'est pas de montrer nos défauts à un ami, c'est de lui faire voir les siens.

On ne doit pas juger du mérite d'un homme par ses grandes qualités, mais par l'usage qu'il en sait faire.

Quelque méchants que soient les hommes, ils n'oseraient paraître ennemis de la vertu; et lorsqu'ils la veulent persécuter, ils feignent de croire qu'elle est fausse, ou ils lui supposent des crimes.

L'AMOUR-PROPRE.

L'amour-propre est l'amour de soimême et de toutes choses pour soi: il rend les hommes idolâtres d'eux-mêmes, et les rendrait tyrans des autres, si la fortune leur en donnait les moyens. Il ne se repose jamais hors de soi, et ne s'arrête dans les sujets étrangers que comme les abeilles sur les fleurs, pour en tirer ce qui lui est propre. Rien n'est si impétueux que ses désirs, rien de si caché que ses desseins, rien de si habile que ses conduites; ses souplesses ne se peuvent représenter; ses transformations passent celles des metamor

On ne peut sonder la profondeur ni percer les ténèbres de ses abîmes. Là, il est à couvert des yeux les plus pénétrants; il fait mille insensibles tours et retours. Là, il est souvent invisible à lui même; il y conçoit, il y nourrit et y élève, sans le savoir, un grand nombre d'affections et de haines: il en forme de si monstrueuses que, lorsqu'il les a mises au jour, il les méconnaît ou ne peut se résoudre à les avouer. De cette nuit qui le couvre naissent les ridicules persuasions qu'il a de luimême. De là viennent ses erreurs, ses ignorances, ses grossièretés et ses niaiseries sur son sujet; de là vient qu'il croit que ses sentiments sont morts lorsqu'ils ne sont qu'endormis, qu'il s'imagine n'avoir plus envie de courir dès qu'il se repose, et qu'il pense avoir perdu tous les goûts qu'il a rassasiés.

Mais cette obscurité épaisse qui le cache à lui-même n'empêche pas qu'il ne voie parfaitement ce qui est hors de lui; en quoi il est semblable à nos yeux, qui découvrent tout et sont aveugles seulement pour eux-mêmes. En effet, dans ses plus grands intérêts et dans ses plus importantes affaires, où la violence de ses souhaits appelle toute son attention, il voit, il sent, il entend, il imagine, il soupçonne, il pénètre, il devine tout; de sorte qu'on est tenté de croire que chacune de ses passions a une espèce de magie qui lui est propre.

Rien n'est si intime et si fort que ses attachements, qu'il essaie de rompre inutilement à la vue des malheurs extrêmes qui le menacent. Il est tous les contraires: il est impérieux et obéissant, sincère et dissimulé, miséricordieux et cruel, timide et audacieux. II a de différentes inclinations, selon la diversité des tempéraments qui le tourmentent et le dévouent tantôt à la gloire, tantôt aux richesses, tantôt aux plaisirs. Il en change selon le changement de nos âges, de nos fortunes et de nos expériences; mais il lui est indifférent d'en avoir plusieurs ou de n'en avoir qu'une, parce qu'il se partage en plusieurs, et

se ramasse en une quand il le faut et
comme il lui plait. Il est inconstant,
et, outre les changements qui viennent
des causes étrangères, il y en a une
infinité qui naissent de lui et de son
propre fond.
Il est inconstant d'in-
constance, de légèreté, d'amour, de nou-
veauté, de lassitude et de dégoût. Il
est capricieux, et on le voit quelquefois
travailler avec le dernier empressement
et avec des travaux incroyables à obtenir
des choses qui ne lui sont point avan-
tageuses et qui même lui sont nui-
sibles, mais qu'il poursuit parce qu'il

les veut.

Il est bizarre, et met souvent toute son application dans les emplois les plus frivoles; il trouve tout son plaisir dans les plus fades, et conserve toute sa fierté dans les plus méprisables. Il est dans tous les états de la vie et dans toutes les conditions; il vit partout et il vit de tout; il vit de rien; il s'accommode des choses et de leur privation; il passe même dans le parti des gens qui lui font la guerre, il entre

dans leurs desseins, et, ce qui est admirable, il se hait lui-même avec eux, il conjure sa perte, il travaille lui-même à sa ruine; enfin il ne se soucie que d'être, et pourvu qu'il soit il veut bien être son ennemi.

Il ne faut donc pas s'étonner s'il se joint quelquefois à la plus rude austérité, et s'il entre hardiment en société avec elle pour se détruire, parce que, dans le même temps qu'il se ruine en un endroit, il se rétablit en un autre. Quand on pense qu'il quitte son plaisir, il ne fait que le suspendre ou le changer; et, lors même qu'il est vaincu et qu'on croit en être défait, on le retrouve qui triomphe dans sa propre défaite. Voilà la peinture de l'amour-propre, dont toute la vie n'est qu'une grande et longue agitation. La mer en est une image sensible, et l'amour-propre trouve dans le flux et le reflux de ses vagues continuelles une fidèle expression de la succession turbulente de ses pensées et de ses éternels mouvements.

JACQUES BÉNIGNE DE BOSSUET.

Voyez sa notice dans l'histoire de la littérature, p. 104. Voici la liste de ses ouvrages: Réfutation du catéchisme de Paul Ferry, 1665; Panégyrique de Saint-Paul; Oraison funèbre de Cornet, grand-maître de Navarre; Exposition de la doctrine catholique, 1668: Sermons; Oraison funèbre de la reine d'Angleterre, 1670; de Madame, 1671; d'Anne d'Autriche, de Marie-Thérèse, 1683; de la princesse palatine, Anne de Gonzague, 1685; de Le Tellier, 1686; de Condé, 1687; Sermon pour la profession de Mademoiselle de la Vallière; Discours sur l'Histoire universelle; la Politique tirée de l'Écriture sainte, Traité de la connaissance de Dieu et de soimeme; Prières; Catéchisme de Meaux; Méditations sur l'Évangile; Elévations sur les Mystères; Traité de la Communion sous les deux espèces; Histoire des Variations de l'Eglise protestante: Commentaire sur l'ApocaJypse: Traité contre la Comédie; Discours prononcé à l'Académie française, 8 juin, 1671; Règlement du Séminaire des Filles de la propagation de la Foi, établies à Metz; Lettre de M. l'évêque de Condon à M. Dubourdieu sur les protestants; Conférence avec M. Claude sur la matière de l'Église; Lettre pastorale aux nouveaux catholiques du diocèse de Meaux; Défense de l'Histoire des Variations contre la réponse de M. Basnage; Explication de quelques difficultés sur les prières de la Messe; Prières ecclésiastiques pour aider le chrétien à bien entendre le service de sa paroisse; Pièces et Mémoires touchant l'abbaye de Jouarre: Statuts et ordonnances synodales pour le diocèse de Meaux; Liber psalmorum, additis canticis, cum notis: Lettre sur l'adoration de la Croix; Libri Salomonis; Lettres écrites par J. B. Bossuet; Ordonnance et instruction pastorale sur les états

d'Oraison; Méditation sur la rémission des péchés, etc.; Epistolæ quinque ecclesiæ præsulum; Instruction sur les états d'Oraison; Déclaration sur le livre intitulé: Maximes des Saints; Réponse à quatre lettres de Mr. de Cambrai; Relation sur le Quiétisme; Trois traités sur le Mysticisme; Remarques sur la réponse de Mr. de Cambrai à la Relation sur le Quiétisme; Réponse aux préjugés décisifs pour Mr. de Cambrai; Les Passages éclaircis sur le même sujet; Mandement pour la publication de la constitution du pape Innocent XII, portant condamnation du livre intitulé: Maximes des Saints; Relation d'actes et de délibérations sur le même sujet; Ordonnance synodale pour la célébration des fêtes; Statuts synodaux et ordonnances, 1789; Instruction pastorale sur les promesses de l'Eglise (contre Jurieu); Seconde instruction pastorale sur le même sujet; OrdonInance et instruction contre la version du Nouveau Testament, imprimée à Trévoux par Richard Simon; Explication de la prophétie d'Éзaie sur l'enfantement de la Sainte-Vierge; Lettre à la R. mère et aux religieuses de Port-Royal, touchant la signature du Formulaire; Avertissement sur le Nouveau Testament du P. Quesnel; Justification des réflexions sur le Nouveau-Testament; Traité du libre arbitre et de la concupiscence; Défense de la doctrine de Saint-Augustin touchant la grâce efficace; Traité de l'amour de Dieu; Lettres spirituelles à Mr. de Cornuau; Abrégé de l'histoire de France (jusqu'à Charles IX); Opuscules; Notes sur la Genèse et les Prophètes; Sur la ruine de Babylone; Défense de la Tradition des saints Pères; Tradition défendue sur la matière de la Communion, sous une espèce; De la vraie tradition de la théologie mystique; Lettres de

Spiritualité; Lettre à un non-conformiste; Lettres sur plusieurs matières de controverse; Remarques sur la Bibliothèque des auteurs classiques de M. Dupin;

Logique composée pour l'éducation du Dauphin: Traité concernant les lois et les coutumes particulières du royaume de France; Poésies chrétiennes.

ORAISON FUNÈBRE DE HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE, DUCHESSE D'ORLÉANS. Prononcée à Saint-Denis le 21e jour d'août 1670.

Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes; vanitas vanitatum, et omnia vanitas.

Vanité des vanités, a dit l'Ecclésiaste: vanité des vanités, et tout est vanité. (Ecclés. 1, 2.)

MONSEIGNEUR.1

J'étais donc encore destiné à rendre ce devoir funèbre à très haute et très puissante princesse Henriette - Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans. Elle, que j'avais vue si attentive pendant que je rendais le même devoir à la reine sa mère, devait être sitôt après le sujet d'un discours semblable; et ma triste voix était réservée à ce déplorable ministère! O vanité! ô néant! ô mortels ignorants de leurs destinées! L'eût-elle cru, il y a dix mois? Et vous, messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versait tant de larmes en ce lieu, qu'elle dût sitôt vous y rassembler pour la pleurer elle-même? Princesse, le digne objet de l'admiration de deux grands royaumes, n'était-ce pas assez que l'Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort? et la France qui vous revit avec tant de joie, environnée d'un nouvel éclat, n'avait-elle plus d'autres pompes et d'autres triomphes pour vous, au retour de ce voyage fameux, d'où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles espérances?,,Vanité des vanités, et tout est vanité." C'est la seule parole qui me reste; c'est la seule réflexion que me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur. Aussi n'ai-je point parcouru les livres sacrés, pour y trouver quelque texte que je pusse appliquer à cette princesse. J'ai pris, sans étude et sans choix, les premières paroles que me présente l'Ecclésiaste, où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l'est pas

1 Le Duc d'Orléans.

encore assez à mon gré pour le dessein que je me propose. Je veux dans un seul malheur déplorer toutes les calamités du genre humain, et dans une seule mort faire voir la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines. Ce texte, qui convient à tous les états et à tous les événements de notre vie, par une raison particulière devient propre à mon lamentable sujet, puisque jamais les vanités de la terre n'ont été si clairement découvertes, ni si hautement confondues. Non, après ce que nous venons de voir, la santé n'est qu'un nom, la vie n'est qu'un songe, la gloire n'est qu'une apparence, les grâces et les plaisirs ne sont qu'un dangereux amusement: tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que nous faisons devant Dieu de nos vanités, et le jugement arrêté qui nous fait mépriser tout ce

que nous sommes.

Mais dis-je la vérité? L'homme, que Dieu a fait à son image, n'est-il qu'une ombre? Ce que Jésus-Christ est venu chercher du ciel en la terre, ce qu'il a cru pouvoir, sans se ravilir, acheter de tout son sang, n'est-ce qu'un rien? Reconnaissons notre erreur. Sans doute ce triste spectacle des vanités humaines nous imposait; et l'espérance publique, frustrée tout à coup par la mort de cette princesse, nous poussait trop loin. Il ne faut pas permettre à l'homme de se mépriser tout entier, de peur que, croyant, avec les impies, que notre vie n'est qu'un jeu où règne le hasard, il ne marche sans règle et sans conduite, au gré de ses aveugles désirs. pour cela que l'Ecclésiaste, après avoir commencé son divin ouvrage par les paroles que j'ai récitées, après en avoir rempli toutes les pages du mépris des choses humaines, veut enfin montrer à l'homme quelque chose de plus solide, et conclut tout son discours en lui disant: „Crains Dieu, et garde ses commandements; car c'est là tout l'homme: et sache que le Seigneur examinera dans son jugement tout ce que nous aurons

C'est

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