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plus habiles généraux des rois de Syrie, | vie et la mort du très haut et très venait tous les ans, comme le moindre puissant prince Henri de la Tour-d'Audes Israélites, réparer avec ses mains vergne, vicomte de Turenne, maréchal triomphantes les ruines du sanctuaire, général des camps et armées du roi, et et ne voulait d'autre récompense des colonel général de la cavalerie légère? services qu'il rendait à sa patrie que Où brillent avec plus d'éclat les effets l'honneur de l'avoir servie. Če vaillant glorieux de la vertu militaire, conduites homme poussant enfin, avec un courage d'armées, sièges de places, prises de invincible, les ennemis qu'il avait ré- villes, passages de rivières, attaques duits à une fuite honteuse, reçut le hardies, retraites honorables, campecoup mortel, et demeura comme ense- ments bien ordonnés, combats soutenus, veli dans son triomphe. Au premier batailles gagnées, ennemis vaincus par bruit de ce funeste accident, toutes les la force, dissipés par l'adresse, lassés villes de Judée furent émues, des ruis- et consumés par une sage et noble seaux de larmes coulèrent des yeux de patience? Où peut-on trouver tant et tous leurs habitants. Ils furent quelque de si puissants exemples que dans les temps saisis, muets, immobiles. Un actions d'un homme sage, modeste, effort de douleur rompant enfin ce long libéral, désintéressé, dévoué au service et morne silence, d'une voix entre- du prince et de la patrie; grand dans coupée de sanglots que formaient dans l'adversité par son courage, dans la leurs cœurs la tristesse, la pitié, la prospérité par sa modestie, dans les crainte, ils s'écrièrent: „,Comment est difficultés par sa prudence, dans les mort cet homme puissant, qui sauvait périls par sa valeur, dans la religion le peuple d'Israël!" A ces cris Jérusa- par sa piété? lem redoubla ses pleurs; les voûtes du temple s'ébranlèrent, le Jourdain se troubla, et tous ses rivages retentirent du son de ces lugubres paroles: "Comment est mort cet homme puissant, qui sauvait le peuple d'Israël!"

Chrétiens, qu'une triste cérémonie assemble en ce lieu, ne rappelez-vous pas en votre mémoire ce que vous avez vu, ce que vous avez senti il y a cinq mois? Ne vous reconnaissez-vous pas dans l'affliction que j'ai décrite, et ne mettez-vous pas dans votre esprit, à la place du héros dont parle l'Écriture, celui dont je viens vous parler? La vertu et le malheur de l'un et de l'autre sont semblables; et il ne manque aujourd'hui à ce dernier qu'un éloge digne de lui. O si l'esprit divin, l'esprit de force et de vérité, avait enrichi mon discours de ces images vives et naturelles qui représentent la vertu, et qui la persuadent tout ensemble, de combien de nobles idées remplirais-je vos esprits, et quelle impression ferait sur vos cœurs le récit de tant d'actions édifiantes et glorieuses!

Quelle matière fut jamais plus disposée à recevoir tous les ornements d'une grave et solide éloquence que la

PREMIÈRE PARTIE.

Avant sa quatorzième année, il commença de porter les armes. Des sièges et des combats servirent d'exercice à son enfance, et ses premiers divertissements furent des victoires. Sous la discipline du prince d'Orange, son oncle maternel, il apprit l'art de la guerre en qualité de simple soldat, et ni l'orgueil ni la paresse ne l'éloignérent d'aucun des emplois où la peine et l'obéissance sont attachées. On le vit en ce dernier rang de la milice ne refuser aucune fatigue et ne craindre aucun péril; faire par honneur ce que les autres faisaient par nécessité, et ne se distinguer d'eux que par un plus grand attachement au travail, et par une plus noble application à tous ses devoirs.

Ainsi commençait une vie dont les suites devaient être si glorieuses, semblable à ces fleuves qui s'étendent à mesure qu'ils s'éloignent de leur source, et qui portent enfin partout où ils coulent la commodité et l'abondance. Depuis ce temps il a vécu pour la gloire et pour le salut de l'État. Il a rendu tous les services qu'on peut

attendre d'un esprit ferme et agissant, quand il se trouve dans un corps robuste et bien constitué. Il a eu dans la jeunesse toute la prudence d'un âge avancé, et dans un âge avancé toute la vigueur de la jeunesse. Ses jours ont été pleins,' selon les termes de l'Écriture; et comme il ne perdit pas ses jeunes années dans la mollesse et dans la volupté, il n'a pas été contraint de passer les dernières dans l'oisiveté et dans la faiblesse.

Quel peuple ennemi de la France n'a pas ressenti les effets de sa valeur, et quel endroit de nos frontières n'a pas servi de théâtre à sa gloire? Il passe les Alpes, et dans les fameuses actions de Casal, de Turin, de la route de Quiers, il se signale par son courage et par sa prudence; et l'Italie le regarde comme un des principaux instruments de ces grands et prodigieux succès qu'on aura peine à croire un jour dans l'histoire. Il passe des Alpes aux Pyrénées, pour assister à la conquête de deux importantes places' qui mettent une de nos plus belles provinces à couvert de tous les efforts de l'Espagne. Il va recueillir au-delà du Rhin les débris d'une armée défaite; il prend des villes, et contribue au gain des batailles. Il s'élève ainsi par degrés, et par son seul mérite, au suprême commandement, et fait voir dans tout le cours de sa vie ce que peut pour la défense d'un royaume un général d'armée qui s'est rendu digne de commander en obéissant, et qui a joint à la valeur et au génie l'application et l'expérience. Ce fut alors que son esprit et son cœur agirent dans toute leur étendue. Soit qu'il fallût préparer les affaires, ou les décider, chercher la victoire avec ardeur, ou l'attendre avec patience; soit qu'il fallût prévenir les desseins des ennemis par la hardiesse, ou dissiper les craintes et les jalousies des alliés par la prudence; soit qu'il fallût se modérer dans les prospérités, ou se soutenir dans les malheurs de la guerre,

1 Dies pleni inveniuntur in eis. (Psalm. LXXII, 10.) Perpignan et Collioure.

3 Trèves, Aschaffembourg, etc.

4 Combat de Fribourg, bataille de Nordlingen.

son âme fut toujours égale. Il ne fit que changer de vertus quand la fortune changeait de face: heureux sans orgueil, malheureux avec dignité, et presque aussi admirable lorsque, avec jugement et avec fierté, il sauvait les restes des troupes battues à Mariandal, que lorsqu'il battait lui-même les Impériaux et les Bavarois, et qu'avec des troupes triomphantes i forçait toute l'Allemagne à demander la paix à la France.1

SECONDE PARTIE.

La valeur n'est qu'une force aveugle et impétueuse, qui se trouble et se précipite, si elle n'est éclairée et conduite par la probité et par la prudence; et le capitaine n'est pas accompli, s'il ne renferme en soi l'homme de bien et l'homme sage. Quelle discipline peut établir dans un camp celui qui ne sait régler ni son esprit ni sa conduite? Et comment saura calmer ou émouvoir, selon ses desseins, dans une armée, tant de passions différentes, celui qui ne sera pas maître des siennes? Aussi l'Esprit de Dieu nous apprend dans l'Écriture que l'homme prudent l'emporte sur le courageux, que la sagesse vaut mieux que les armes des gens de guerre, et que celui qui est patient et modéré est quelquefois plus estimable que celui qui prend des villes et qui gagne des batailles.* . . .

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(La sagesse de M. de Turenne) entretenait cette union des soldats avec leur chef, qui rend une armée invincible; elle répandait dans les troupes un esprit de force, de courage et de confiance, qui leur faisait tout souffrir, tout entreprendre dans l'exécution de ses desseins; elle rendait enfin des hommes grossiers capables de gloire; car, messieurs, qu'est-ce qu'une armée? C'est un corps animé d'une infinité de passions différentes, qu'un homme habile fait mouvoir pour la défense de la pa

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trie; c'est une troupe d'hommes armés les moyens de s'avancer, de vaincre qui suivent aveuglément les ordres d'un leur malheur, ou de réparer leurs fautes; chef, dont ils ne savent pas les inten- par ce désintéressement qui le portait tions; c'est une multitude d'âmes, pour à préférer ce qui était plus utile à la plupart viles et mercenaires, qui, l'État à ce qui pouvait être plus glorisans songer à leur propre réputation, eux pour lui-même; par cette justice travaillent à celle des rois et des con- qui, dans la distribution des emplois, quérants; c'est un assemblage confus ne lui permettait pas de suivre son de libertins qu'il faut assujettir à l'obéis- inclination au préjudice du mérite; par sance, de lâches qu'il faut mener au cette noblesse de cœur et de sentiments, combat, de téméraires qu'il faut retenir, qui l'élevait au-dessus de sa propre d'impatients qu'il faut accoutumer à la grandeur, et par tant d'autres qualités constance. Quelle prudence ne faut-il qui lui attiraient l'estime et le respect pas pour conduire et réunir au seul de tout le monde.... intérêt public tant de vues et de volontés différentes! Comment se faire craindre sans se mettre en danger d'être haï, et bien souvent abandonné? Comment se faire aimer, sans perdre un peu de l'autorité, et relâcher de la discipline nécessaire?

Qui trouva jamais mieux tous ces justes tempéraments,' que ce prince que nous pleurons? Il attacha par des noeuds de respect et d'amitié ceux qu'on ne retient ordinairement que par la crainte des supplices, et se fit rendre par sa modération une obéissance aisée et volontaire. Il parle, chacun écoute ses oracles; il commande, chacun avec joie suit ses ordres; il marche, chacun croit courir à la gloire. On dirait qu'il va combattre des rois confédérés avec sa seule maison, comme un autre Abraham; que ceux qui le suivent sont ses soldats et ses domestiques; et qu'il est et général et père de famille tout ensemble. Aussi rien ne peut soutenir leurs efforts: ils ne trouvent point d'obstacles qu'ils ne surmontent; point de difficultés qu'ils ne vainquent; point de péril qui les épouvante; point de travail qui les rebute; point d'entreprise qui les étonne; point de conquète qui leur paraisse difficile.

Par quelle invisible chaîne entraînaitil ainsi les volontés? Par cette bonté avec laquelle il encourageait les uns, il excusait les autres, et donnait à tous

1 Ce mot rend exactement l'expression de Tacite Egregium principatus temperamentum. (Histor. II, 5.) -Ce mot commence à être détourné de sa véritable acception. Il signifie modération, équilibre, comme intempérance désigne un excès quelconque.

2 Gen. XIV.

Herrig, La France litt.

TROISIÈME PARTIE.

Suivons ce prince dans ses dernières campagnes, et regardons tant d'entreprises difficiles, tant de succès glorieux, comme des preuves de son courage et des récompenses de sa piété.... Il passe le Rhin, et trompe la vigilance d'un général habile et prévoyant. Il observe les mouvements des ennemis. Il relève le courage des alliés. Il ménage la foi suspecte et chancelante des voisins. Il ôte aux uns la volonté, aux autres les moyens de nuire; et, profitant de toutes ces conjonctures importantes qui préparent les grands et glorieux évènements, il ne laisse rien à la fortune de ce que le conseil et la prudence humaine lui peuvent ôter. Déjà frémissait dans son camp l'ennemi confus et déconcerté. Déjà prenait l'essor pour se sauver dans les montagnes cet aigle, dont le vol hardi avait d'abord effrayé nos provinces. Ces foudres de bronze que l'enfer a inventés pour la destruction des hommes tonnaient de tous côtés pour favoriser et pour précipiter cette retraite; et la France en suspens attendait le succès d'une entreprise qui, selon toutes les règles de la guerre, était infaillible.

Hélas! nous savions tout ce que nous pouvions espérer, et nous ne pensions pas à ce que nous devions craindre. La Providence divine nous cachait un malheur plus grand que la perte d'une bataille. Il en devait coûter une vie que chacun de nous eût voulu racheter de la sienne propre; et tout ce que

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nous pouvions gagner ne valait pas tout ce que nous allions perdre. O Dieu terrible,' mais juste en vos conseils sur les enfants des hommes, vous disposez et des vainqueurs et des victoires. Pour accomplir vos volontés et faire craindre vos jugements, votre puissance renverse ceux que votre puissance avait élevés. Vous immolez à votre souveraine grandeur de grandes victimes, et vous frappez, quand il vous plaît, ces têtes illustres que vous avez tant de fois couronnées.

N'attendez pas, messieurs, que j'ouvre ici une scène tragique; que je représente ce grand homme étendu sur ses propres trophées; que je découvre ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encore la foudre qui l'a frappé; que je fasse crier son sang comme celui d'Abel, et que j'expose à vos yeux les tristes images de la religion et de la patrie éplorée. Dans les pertes médiocres, on surprend ainsi la pitié des auditeurs; et, par des mouvements étudiés, on tire au moins de leurs yeux quelques larmes vaines et forcées. Mais on décrit sans art une mort qu'on pleure sans feinte. Chacun trouve en soi la source de sa douleur, et rouvre luimême sa plaie; et le cœur, pour être touché, n'a pas besoin que l'imagination soit émue.

Peu s'en faut que je n'interrompe ici mon discours. Je me trouble, messieurs: Turenne meurt, tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s'éloigne, les bonnes intentions des

alliés se ralentissent, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance; tout le camp demeure immobile. Les blessés pensent à la perte qu'ils ont faite, et non pas aux blessures qu'ils ont reçues. Les pères mourants envoient leurs fils pleurer sur leur général mort. L'armée en deuil est occupée à lui rendre les devoirs funèbres; et la Renommée, qui se plaît à répandre dans l'univers les accidents extraordinaires, va remplir toute l'Europe du récit glorieux de la vie de ce prince, et du triste regret de sa mort.

Que de soupirs alors, que de plaintes que de louanges retentissent dans les villes, dans la campagne! L'un, voyant croître ses moissons, bénit la mémoire de celui à qui il doit l'espérance de sa récolte. L'autre, qui jouit encore en repos de l'héritage qu'il a reçu de ses pères, souhaite une éternelle paix à celui qui l'a sauvé des désordres et des cruautés de la guerre. Ici, l'on offre le sacrifice adorable de Jésus-Christ pour l'âme de celui qui a sacrifié sa vie et son sang pour le bien public. Là, on lui dresse une pompe funèbre, où l'on s'attendait de lui dresser un triomphe. Chacun choisit l'endroit qui lui paraît le plus éclatant dans une si belle vie. Tous entreprennent son éloge; et chacun, s'interrompant lui-même par ses soupirs et par ses larmes, admire le passé, regrette le présent, et tremble pour l'avenir. Ainsi tout le royaume pleure la mort de son défenseur; et la perte d'un homme seul est une calamité publique.

CINQUIÈME PÉRIODE.

XVIIIme Siècle.

Nous avons vu quel était l'éclat des esprits à la mort de Louis XIV. Rien ne pouvait plus rappeler le respect pour la monarchie, qui était tombé avec le grand roi. Le duc d'Orléans, régent de France,

1 Ps. LXV.

fit monter la licence sur le trône. Louis XV joignit bientôt à la honte de sa politique extérieure le scandale de sa vie privée. Les dignités ecclésiastiques étaient le prix de l'intrigue ou le privilège exclusif de la naissance. Corrompus par la cour, trop de membres du haut clergé étaient sans fo

comme sans mœurs, et ne savaient plus défendre la religion dont ils étaient les organes que par de mesquines tracasseries et de timides persécutions. Les parlements animés d'un étroit esprit de corps, suivaient le siècle d'un pas inégal: aujourd'hui avec lui, dans leur résistance aux folles prodigalités de la cour ou aux abus de la société des jésuites; demain en plein moyen-âge, quand ils prononçaient quelqu'une de ces sentences qui déshonoraient encore la justice criminelle.

Dans cette décrépitude de tous les anciens pouvoirs une seule puissance continuait de grandir, celle de l'opinion publique, dont la littérature se fit l'interprète et le guide. Les écrivains soumirent à l'examen et à l'analyse, d'abord la religion, comme on l'avait fait au XVIe siècle, puis la politique, la législation, le gouvernement tout entier. Cette application de la pensée aux intérêts publics de la nation, lui donna un caractère nouveau, qui sépare profondément les écrivains du XVIIIe siècle de ceux des âges précédents.

L'importance que prit la littérature multiplia prodigieusement les écrivains; et, d'un autre côté, le grand nombre des écrivains contribua à étendre leur influence. Flattés

par les souverains du Nord, émancipés du joug de la foi religieuse, enivrés de leur indépendance et de leurs conquêtes, ils crurent avoir atteint les limites de la science et ils songèrent à élever le monument du triomphe prétendu de la raison humaine. L'Encyclopédie parut. L'autorité qui aurait dû chercher à diriger l'Encyclopédie, la persécuta, parce que ceux qui profitaient des abus redoutèrent de voir porter la lumière dans l'édifice vermoulu de la vieille monarchie. La discorde entre les opinions et les institutions n'en fut que plus flagrante. Bientôt elle devint une lutte acharnée qui ensanglanta les dernières années du XVIIIe siècle. Attaquées de toutes parts, les institutions croulèrent enfin toutes à la fois, et leur chute, en ébranlant l'Europe, lui ouvrit une ère nouvelle. C'est à tort que l'on a attribué cet immense résultat à la littérature, il était préparé depuis longtemps; mais, comme nous l'avons dit, elle obéit aux opinions qui l'amenèrent, elle les seconda, les formula, et par là même ajouta à leur énergie.

Remplis d'admiration pour les chefsd'œuvre du siècle de Louis XIV, les Anglais avaient imité la littérature française. Au XVIIIe siècle, c'est l'Angleterre qui influe sur la France; mais, tandis que l'imitation des Anglais avait particulièrement porté sur les formes extérieures des ouvra

ges et sur l'art de la composition, l'influence britannique sur l'esprit français est tout entière dans les idées et les sentiments. Liberté de tout examiner et de tout dire, application de la littérature aux intérêts politiques et économiques de la nation, sciences exactes, philosophie, couleur prosaïque et un peu vulgaire des productions de l'esprit: voilà ce que la France du XVIIIe siècle doit à l'Angleterre.

Prose didactique, Philosophie, Politique,
Critique, etc.

Le rôle que nous allons voir jouer à Voltaire avait semblé offert par la destinée à un homme que les plus brillantes qualités et une vie séculaire ne purent élever qu'au second rang. Bernard le Bouvier de Fontenelle (1657 à 1757) était un esprit très fin et très étendu; hardi par la pensée, circonspect de caractère, ennemi du bruit et amoureux de la célébrité; philosophe ayant plutôt le goût que la passion de la vérité; versé dans les sciences, capable seulement de les comprendre et de présenter sous un jour nouveau les connaissances éparses qu'il rassemblait avec un art merveilleux.

Passons à l'homme qui régna sur le XVIIIe siècle. François Marie Arouet, qui prit le nom de Voltaire, était fils d'un trésorier de la chambre des comptes. Il naquit à Paris en 1694, et fut mís au collège des jésuites. Il passa de là à une autre école, dans la société de Ninon, où l'introduisit son parrain l'abbé de Châteauneuf. C'est là qu'il se familiarisa avec les principes de l'élégant et spirituel épicuréisme moderne, qu'y professaient Lafare, Chaulieu, le prince de Conti et le grand prieur de Vendôme. Le père du jeune Arouet, effrayé de voir son fils en si bonne compagnie, fit tous ses efforts pour l'en arracher; mais le génie de Voltaire s'était déjà fait connaître, et à son retour à Paris, il avait acquis assez bonne renommée pour qu'on l'accusât d'être l'auteur d'une satire contre Louis XIV, qui venait de terminer sa longue carrière. On le jeta dans les prisons de la Bastille, où le jeune poète ébaucha la Henriade, et corrigea sa tragédie d'Edipe, commencée longtemps auparavant. Edipe fut joué à Paris, et de ce jour date la célébrité de Voltaire. Une querelle qu'il eut avec un grand seigneur, chose qu'on ne pardonnait guère alors à un roturier, le fit mettre de nouveau à la Bastille: au bout de six mois, on lui rendit la liberté en lui ordonnant de quitter Paris. Voltaire choisit l'Angleterre pour

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