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artisans de toute espèce l'y suivirent en foule. On vit pour la première fois de grands vaisseaux russes sur la mer Noire, dans la Baltique, et dans l'Océan; des bâtiments d'une architecture régulière et noble furent élevés au milieu des huttes moscovites. Il établit des collèges, des académies, des imprimeries, des bibliothèques: les villes furent policées; les habillements, les coutumes changèrent peu à peu, quoique avec difficulté: les Moscovites connurent par degrés ce que c'est que la société. Les superstitions même furent abolies; la dignité de patriarche fut éteinte: le czar se déclara le chef de la religion; et cette dernière entreprise, qui aurait coûté le trône et la vie à un prince moins absolu, réussit presque sans contradiction, et lui assura le succès de toutes les autres nouveautés.

Après avoir abaissé un clergé ignorant et barbare, il osa essayer de l'instruire; et par là même il risqua de le rendre redoutable: mais il se croyait assez puissant pour ne pas le craindre. Il a fait enseigner dans le peu de cloitres qui restent la philosophie et la théologie: il est vrai que cette théologie tient encore de ce temps sauvage dont Pierre Alexiowitz a retiré sa patrie. Un homme digne de foi m'a assuré qu'il avait assisté à une thèse publique où il s'agissait de savoir si l'usage du tabac à fumer était un péché: le répondant prétendait qu'il était permis de s'enivrer d'eau-de-vie, mais non de fumer, parce que la très sainte Écriture dit que ce qui sort de la bouche de l'homme le souille, et que ce qui y entre ne le souille point.

Les moines ne furent pas contents de la réforme. A peine le czar eut-il établi des imprimeries qu'ils s'en servirent pour le décrier: ils imprimèrent qu'il était l'Antéchrist; leurs preuves étaient qu'il ôtait la barbe aux vivants, et qu'on faisait dans son académie des dissections de quelques morts. Mais un autre moine, qui voulait faire fortune, réfuta ce livre, et démontra que Pierre n'était pas l'Antéchrist; parce que le nombre 666 n'était pas dans son nom. L'auteur du libelle fut roué, et celui

de la réfutation fut fait évêque de Rezan.

Le réformateur de la Moscovie a surtout porté une loi sage qui fait honte à beaucoup d'états policés; c'est qu'il n'est permis à aucun homme au service de l'état, ni à un bourgeois établi, ni surtout à un mineur, de passer dans un cloître.

Ce prince comprit combien il importe de ne point consacrer à l'oisiveté des sujets qui peuvent être utiles, et de ne point permettre qu'on dispose à jamais de sa liberté dans un âge où l'on ne peut disposer de la moindre partie de sa fortune. Cependant l'industrie des moines élude tous les jours cette loi faite pour le bien de l'humanité; comme si les moines gagnaient en effet à peupler les cloîtres aux dépens de la patrie.

Le czar n'a pas assujetti seulement l'église à l'état, à l'exemple des sultans turcs; mais, plus grand politique, il a détruit une milice semblable à celle des janissaires; et ce que les Ottomans ont vainement tenté, il l'a exécuté en peu de temps: il a dissipé les janissaires moscovites, nommés strélitz, qui tenaient les czars en tutelle. Cette milice, plus formidable à ses maîtres qu'à ses voisins, était composée d'environ trente mille hommes de pied, dont la moitié restait à Moscou, et l'autre était répandue sur les frontières: un strélitz n'avait que quatre roubles par an de paie; mais des privilèges ou des abus le dédommageaient amplement. Pierre forma d'abord une compagnie d'étrangers, dans laquelle il s'enróla lui-même, et ne dédaigna pas de commencer par être tambour, et d'en faire les fonctions; tant la nation avait besoin d'exemples! Il fut officier par degrés. Il fit petit à petit de nouveaux régiments: et enfin, se sentant maître de troupes disciplinées, il cassa les strélitz, qui n'osèrent désobéir.

La cavalerie était à peu près ce qu'est la cavalerie polonaise, et ce qu'était autrefois la française, quand le royaume de France n'était qu'un assemblage de fiefs. Les gentilshommes russes montaient à cheval à leurs dépens, et combattaient sans discipline, quelquefois sans autres armes qu'un sabre ou un

carquois, incapables d'être commandés, et par conséquent de vaincre.

Pierre le Grand leur apprit à obéir par son exemple, et par les supplices; car il servait en qualité de soldat et d'officier subalterne, et punissait rigoureusement en czar les boyards, c'est-àdire les gentilshommes, qui prétendaient que le privilège de la noblesse était de ne servir l'état qu'à leur volonté. Il établit un corps régulier pour servir l'artillerie, et prit cinq cents cloches aux églises pour fondre des canons. Il a eu treize mille canons de fonte en l'année 1714. Il a formé aussi des corps de dragons, milice très convenable au génie des Moscovites, et à la forme de leurs chevaux qui sont petits. La Moscovie a aujourd'hui (en 1738) trente régiments de dragons, de mille hommes chacun, bien entre

tenus.

C'est lui qui a établi des hussards en Russie. Enfin il a eu jusqu'à une école d'ingénieurs dans un pays où personne ne savait avant lui les éléments de la géométrie.

Il était bon ingénieur lui-même; mais surtout il excellait dans tous les arts de la marine; bon capitaine de vaisseau, habile pilote, bon matelot, adroit charpentier, et d'autant plus estimable dans ces arts qu'il était né avec une crainte extrême de l'eau; il ne pouvait dans sa jeunesse passer sur un pont sans frémir; il faisait fermer alors les volets de bois de son carrosse: le courage et le génie domptèrent en lui cette faiblesse machinale.

Il fit construire un beau port auprès d'Azoph, à l'embouchure du Tanaïs: il voulait y entretenir des galères; et dans la suite, croyant que ces vaisseaux longs, plats, et légers, devaient réussir dans la mer Baltique, il en a fait construire plus de trois cents dans sa ville favorite de Pétersbourg: il a montré à ses sujets l'art de les bâtir avec du simple sapin, et celui de les conduire. Il avait appris jusqu'à la chirurgie; on l'a vu dans un besoin faire la ponction à un hydropique: il réussissait dans les mécaniques, et instruisait les artisans.

Les finances du czar étaient à la vérité peu de chose par rapport à l'immensité de ses états; il n'a jamais eu vingt-quatre millions de revenu, à compter le marc à près de cinquante livres, comme nous faisons aujourd'hui, et comme nous ne ferons peut-être pas demain; mais c'est être très riche chez soi que de pouvoir faire de grandes choses. Ce n'est pas la rareté de l'argent, mais celle des hommes et des talents, qui rend un empire faible.

La nation russe n'est pas nombreuse; Pierre lui-même, en poliçant ses états, a malheureusement contribué à leur dépopulation: de fréquentes recrues dans des guerres longtemps malheureuses, des nations transplantées des bords de la mer Caspienne à ceux de la mer Baltique, consumées dans les travaux, détruites par les maladies, les trois quarts des enfants mourants en Moscovie de la petite vérole, plus dangereuse en ces climats qu'ailleurs, enfin les tristes suites d'un gouvernement longtemps sauvage, et barbare même dans sa police, sont cause que cette grande partie du continent a encore de vastes déserts. On compte à présent en Russie cinq cent mille familles de gentilshommes, deux cent mille de gens de loi, un peu plus de cinq millions de bourgeois et de paysans payant une espèce de taille; six cent mille hommes dans les provinces conquises sur la Suède: les Cosaques de l'Ukraine, et les Tartares vassaux de la Moscovie, ne se montent pas à plus de deux millions; enfin l'on a trouvé que ces pays immenses ne contiennent pas plus de quatorze millions d'hommes, c'est-àdire un peu plus de deux tiers des habitants de la France.

Le czar Pierre, en changeant les mœurs, les lois, la milice, la face de son pays, voulait aussi être grand par le commerce, qui fait à la fois la richesse d'un état et les avantages du monde entier. Il entreprit de rendre la Russie le centre du négoce de l'Asie et de l'Europe; il voulait joindre par des canaux, dont il dressa le plan, la Duine, le Volga, le Tanaïs, et s'ouvrir des chemins nouveaux de la mer Baltique

au Pont-Euxin et à la mer Caspienne, et de ces deux mers à l'Océan septentrional.

Le port d'Archangel, fermé par les glaces neuf mois de l'année, et dont l'abord exigeait un circuit long et dangereux, ne lui paraissait pas assez commode: il avait dès l'an 1700 le dessein de bâtir sur la mer Baltique un port qui deviendrait le magasin du nord, et une ville qui serait la capitale de son empire.

Il cherchait déjà un passage par les mers du nord-est à la Chine; et les manufactures de Paris et de Péking devaient embellir sa nouvelle ville.

Un chemin par terre de sept cent cinquante-quatre verstes, pratiqué à travers des marais qu'il fallait combler, conduit de Moscou à sa nouvelle ville. La plupart de ses projets ont été exécutés par ses mains: et deux impératrices, qui lui ont succédé l'une après l'autre, ont encore été au-delà de ses vues quand elles étaient praticables, et n'ont abandonné que l'impossible.

Il a voyagé toujours dans ses états, autant que ses guerres, l'ont pu permettre; mais il a voyagé en législateur et en physicien, examinant partout la nature cherchant à la corriger ou à la perfectionner, sondant lui-même les profondeurs des fleuves et des mers, ordonnant des écluses, visitant des chantiers, faisant fouiller des mines, éprouvant les métaux, faisant lever des cartes exactes, et y travaillant de sa main.

Il a bâti dans un lieu sauvage la ville impériale de Pétersbourg, qui contient aujourd'hui soixante mille maisons, où s'est formée de nos jours une cour brillante, et où enfin on connaît les plaisirs délicats. Il a bâti le port de Cronstadt sur la Néva, Sainte-Croix sur les frontières de la Perse, des forts dans l'Ukraine, dans la Sibérie; des amirautés à Archangel, à Pétersbourg, à Astracan, à Asoph; des arsenaux, des hôpitaux. Il faisait toutes ses maisons petites et de mauvais goût; mais il prodiguait pour les maisons publiques la magnificence et la grandeur.

Les sciences, qui ont été ailleurs le fruit tardif de tant de siècles, sont ve

nues par ses soins dans ses états toutes perfectionnées. Il a créé une académie sur le modèle des sociétés fameuses de Paris et de Londres: les Delisle, les Bulffinger, les Hermann, les Bernouilli, le célèbre Wolf, homme excellent en tout genre de philosophie, ont été appelés à grands frais à Pétersbourg. Cette académie subsiste encore, et il se forme enfin des philosophes moscovites.

BATAILLE DE NARVA.

Il ne restait plus à Charles XII, pour achever sa première campagne, que de marcher contre son rival de gloire, Pierre Alexiowitz. Il était d'autant plus animé contre lui qu'il y avait encore à Stockholm trois ambassadeurs moscovites qui venaient de jurer le renouvellement d'une paix inviolable. Il ne pouvait comprendre, lui qui se piquait d'une probité sévère, qu'un législateur comme le czar se fît un jeu de ce qui doit être si sacré: le jeune prince plein d'honneur ne pensait pas qu'il y eût une morale différente pour les rois et pour les particuliers. L'empereur de Moscovie venait de faire paraître un manifeste qu'il eût mieux fait de supprimer: il alléguait pour raison de la guerre qu'on ne lui avait pas rendu assez d'honneurs lorsqu'il avait passé incognito à Riga, et qu'on avait vendu les vivres trop cher à ses ambassadeurs: c'étaient là les griefs pour lesquels il ravageait l'Ingrie avec quatre-vingt mille hommes.

Il parut devant Narva à la tête de cette grande armée, le premier octobre, dans un temps plus rude en ce climat que ne l'est le mois de janvier à Paris. Le czar, qui dans de pareilles saisons faisait quelquefois quatre cents lieues en poste, à cheval, pour aller visiter lui-même une mine ou quelque canal, n'épargnait pas plus ses troupes que lui-même: il savait d'ailleurs, que les Suédois, depuis le temps de GustaveAdolphe, faisaient la guerre au cœur de l'hiver comme dans l'été: il voulut accoutumer aussi ses Moscovites à ne point connaître de saisons, et les rendre

On était déjà au 15 de novembre, quand le czar apprit que le roi de Suède, ayant traversé la mer avec deux cents vaisseaux de transport, marchait pour secourir Narva. Les Suédois n'étaient que vingt mille; le czar n'avait que la supériorité du nombre. Loin donc de mépriser son ennemi, il employa tout ce qu'il avait d'art pour l'accabler. Non content de quatre-vingt mille hommes, il se prépara à lui opposer encore une autre armée, et à l'arrêter à chaque pas. Il avait déjà mandé près de trente mille hommes, qui s'avançaient de Pleskow à grandes journées. Il fit alors une démarche qui l'eût rendu méprisable, si un législateur qui a fait de si grandes choses pouvait l'être. Il quitta son camp, où sa présence était nécessaire, pour aller chercher ce nouveau corps de troupes, qui pouvait très bien arriver sans lui, et sembla, par cette démarche, craindre de combattre dans un camp retranché un jeune prince sans expérience, qui pouvait venir l'attaquer.

un jour pour le moins égaux aux Sué- | armée innombrable n'avait pu la réduire dois. Ainsi, dans un temps où les en dix semaines. glaces et les neiges forcent les autres nations, dans des climats tempérés, à suspendre la guerre, le czar Pierre assiégeait Narva à trente degrés du pôle; et Charles XII s'avançait pour la secourir. Le czar ne fut pas plutôt arrivé devant la place qu'il se hâta de mettre en pratique tout ce qu'il venait d'apprendre dans ses voyages: il traça son camp, le fit fortifier de tous côtés, éleva des redoutes de distance en distance et ouvrit lui-même la tranchée. Il avait donné le commandement de son armée au duc de Croï, Allemand, général habile, mais peu secondé alors par les officiers russes: pour lui, il n'avait dans ses propres troupes que le rang de simple lieutenant. Il avait donné l'exemple de l'obéissance militaire à sa noblesse, jusque-là indisciplinable, laquelle était en possession de conduire sans expérience et en tumulte des esclaves mal armés. Il n'était pas étonnant que celui qui s'était fait charpentier à Amsterdam pour avoir des flottes, fût lieutenant à Narva pour enseigner à sa nation l'art de la guerre.

Les Russes sont robustes, infatigables, peut-être aussi courageux que les Suédois; mais c'est au temps à aguerrir les troupes, et à la discipline à les rendre invincibles. Les seuls régiments dont on pût espérer quelque chose, étaient commandés par des officiers allemands; mais ils étaient en petit nombre: le reste était composé de barbares arrachés à leurs forêts, couverts de peaux de bêtes sauvages, les uns armées de flèches, les autres de massues: peu avaient des fusils; aucun n'avait vu un siège régulier; il n'y avait pas un bon canonnier dans toute l'armée. Cent cinquante canons, qui auraient dû réduire la petite ville de Narva en cendres, y avaient à peine fait brèche, tandis que l'artillerie de la ville renversait à tout moment des rangs entiers dans les tranchées. Narva était presque sans fortifications: le baron de Hoorn, qui y commandait, n'avait pas mille hommes de troupes réglées; cependant cette

Quoi qu'il en soit, il voulait enfermer Charles XII entre deux armées. Ce n'était pas tout; trente mille hommes, détachés du camp devant Narva, étaient postés à une lieue de cette ville sur le chemin du roi de Suède; vingt mille strélitz étaient plus loin sur le même chemin; cinq mille autres faisaient une garde avancée. Il fallait passer sur le ventre à toutes ces troupes avant que d'arriver devant le camp qui était muni d'un rempart et d'un double fossé. Le roi de Suède avait débarqué à Parnaw, dans le golfe de Riga, avec environ seize mille hommes d'infanterie, et un peu plus de quatre mille chevaux. De Pernaw il avait précipité sa marche jusqu'à Reval, suivi de toute sa cavalerie, et seulement de quatre mille fantassins. Il marchait toujours en avant, sans attendre le reste de ses troupes. Il se trouva bientôt, avec ses huit mille hommes seulement, devant les premiers postes des ennemis. Il ne balança pas à les attaquer tous les uns après les autres, sans leur donner le temps d'ap

prendre à quel petit nombre ils avaient affaire. Les Moscovites, voyant arriver les Suédois à eux, crurent avoir toute une armée à combattre. La garde avancée de cinq mille hommes, qui gardait entre des rochers un poste où cent hommes résolus pouvaient arrêter une armée entière, s'enfuit à la première approche des Suédois. Les vingt mille hommes qui étaient derrière voyant fuir leurs compagnons, prirent l'épouvante, et allèrent porter le désordre dans le camp. Tous les postes furent emportés en deux jours; et ce qui en d'autres occasions eût été compté pour trois victoires, ne retarda pas d'une heure la marche du roi. Il parut donc enfin, avec ses huit mille hommes fatigués d'une si longue marche, devant un camp de quatre-vingt mille Russes, bordé de cent cinquante canons. A peine ses troupes eurent-elles pris quelque repos que, sans délibérer, il donna ses ordres pour l'attaque.

Le signal était deux fusées, et le mot en allemand: „Avec l'aide de Dieu." Un officier-général lui ayant représenté la grandeur du péril: "Quoi! vous doutez," dit-il, „qu'avec mes huit mille braves Suédois je ne passe sur le corps à quatre-vingt mille Moscovites?" Un moment après, craignant qu'il n'y eût un peu de fanfaronnade dans ses paroles, il courut lui-même après cet officier. „N'êtes-vous donc pas de mon avis?" lui dit-il. „N'ai-je pas deux avantages sur les ennemis: l'un que leur cavalerie ne pourra leur servir, et l'autre que, le lieu étant resserré, leur grand nombre ne fera que les incommoder? et ainsi je serai réellement plus fort qu'eux." L'officier n'eut garde d'être d'un autre avis, et on marcha aux Moscovites à midi, le 30 novembre 1700.

Dès que le canon des Suédois eut fait brèche aux retranchements, ils avancèrent la baïonnette au bout du fusil, ayant au dos une neige furieuse qui donnait au visage des ennemis. Les Russes se firent tuer pendant une demiheure sans quitter le revers des fossés. Le roi attaquait à la droite du camp, où était le quartier du czar; il espérait

le rencontrer, ne sachant pas que l'empereur lui-même avait été chercher ces quarante mille hommes qui devaient arriver dans peu. Aux premières décharges de la mousqueterie ennemie, le roi reçut une balle à la gorge; mais c'était une balle morte qui s'arrêta dans les plis de sa cravate noire, et qui ne lui fit aucun mal. Son cheval fut tué sous lui. M. de Spaar m'a dit que le roi sauta légèrement sur un autre cheval en disant: „Ces gens-ci me font faire mes exercices;" et continua de combattre et de donner les ordres avec la même présence d'esprit. Après trois heures de combat, les retranchements furent forcés de tous côtés. Le roi poursuivit la droite jusqu'à la rivière de Narva avec son aile gauche, si l'on peut appeler de ce nom environ quatre mille hommes qui en poursuivaient près de quarante mille. Le pont rompit sous les fuyards: la rivière fut en un moment couverte de morts; les autres, désespérés, retournèrent à leur camp sans savoir où ils allaient. Ils trouvèrent quelques baraques, derrière lesquelles ils se mirent; là, ils se défendirent encore, parce qu'ils ne pouvaient pas se sauver: mais enfin leurs généraux Dolgorouky, Gollofkin, Fédérowitz, vinrent se rendre au roi, et mettre leurs armes à ses pieds. Pendant qu'on les lui présentait, arriva le duc de Croï, général de l'armée, qui venait se rendre lui-même avec trente officiers.

Charles reçut tous ces prisonniers d'importance avec une politesse aussi aisée et un air aussi humain que s'il leur eût fait dans sa cour les honneurs d'une fête. Il ne voulut garder que les généraux. Tous les officiers subalternes et les soldats furent conduits désarmés jusqu'à la rivière de Narva: on leur fournit des bateaux pour la repasser, et pour s'en retourner chez eux. pendant la nuit s'approchait; la droite des Moscovites se battait encore: les Suédois n'avaient pas perdu six cents hommes; dix-huit mille Moscovites avaient été tués dans leurs retranchements; un grand nombre était noyé; beaucoup avaient passé la rivière; il en restait encore assez dans le camp

Ce

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