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10. Dans l'enfance de tous les peuples, comme dans celle des particuliers, le sentiment a toujours précédé la réflexion, et en a été le premier maître. 11. Qui considérera la vie d'un seul homme y trouvera toute l'histoire du genre humain, que la science et l'expérience n'ont pu rendre bon.

12. Le fruit du travail est le plus doux des plaisirs.

13. Ce n'est point un grand avantage d'avoir l'esprit vif, si on ne l'a juste. La perfection d'une pendule n'est pas d'aller vite, mais d'être réglée.

14. Il est faux que l'égalité soit une loi de la nature. La nature n'a rien d'égal. Sa loi souveraine est la subordination et la dépendance.

15. Il ne faut point juger des hommes par ce qu'ils ignorent, mais par ce qu'ils savent, et par la manière dont ils le savent.

16. Il nous est plus facile de nous teindre d'une infinité de connaissances, que d'en bien posséder un petit nombre.

17. Ce que nous appelons une pensée brillante n'est ordinairement qu'une expression captieuse, qui, à l'aide d'un peu de vérité, nous impose une erreur qui nous étonne.

18. Il n'y a point de contradictions dans la nature.

19. Nul n'est ambitieux par raison, ni vicieux par défaut d'esprit.

20. Il n'y a rien que la crainte et l'espérance ne persuadent aux hommes. 21. Il y a peu de choses que nous sachions bien.

22. L'adversité fait beaucoup de coupables et d'imprudents.

23. Il ne faut pas tenter de contenter les envieux.

24. On promet beaucoup pour se dispenser de donner peu.

25. Lorsque notre âme est pleine de sentiments, nos discours sont pleins d'intérêt.

26. La vérité est le soleil des intelligences.

27. Ceux qui méprisent l'homme ne sont pas de grands hommes.

J. B. MASSILLON.

Jean Baptiste Massillon, naquit, le 24 juin 1663, de François Massillon, notaire, à Hières en Provence. Entré fort jeune au collège de l'Oratoire, il ne tarda pas à révéler ses heureuses dispositions, et fut admis dans la congrégation, en 1681. Il ne se croyait pas né pour la prédication; cependant, après avoir entendu quelques-uns de ses panégyriques, ses supérieurs le destinèrent, malgré son avis, à la chaire évangélique. Mais Massillon craignait les séductions du monde, et il courut s'ensevelir dans le monastère des SeptFonts, d'où le tira le cardinal de Noailles. Après avoir professé les belles lettres et la théologie à Pézénas, à Montbrison, à Vienne, et composé quelques oraisons funèbres. il fut appelé, en 1696, à Paris, comme directeur du séminaire de Saint-Magloire; il y composa ses premières conférences ecclésiastiques. Chargé d'une mission à l'époque des controverses ouvertes par les ordres de Louis XIV, qui s'occupait alors autant de la religion que du gouvernement, il fut accueilli avec la plus grande faveur à Montpellier. Sa réputation le fit rappeler à Paris où il prêcha le carême, en 1699, dans l'église de l'Oratoire. La même année, Louis XIV le chargea de prêcher l'avent à Versailles,

SUR L'AUMÔNE.

Jésus prit les pains; et ayant rendu grâces, il les distribua aux disciples, et les disciples à ceux qui étaient assis. St. Jean, 6, 11.

Ce n'est pas sans mystère que JésusChrist associe aujourd'hui les disciples

et un peu plus tard le carême. En 1709, il prononça l'oraison funèbre du prince de Conti; l'année suivante, il rendit les mêmes honneurs au dauphin. Resté seul des orateurs du grand siècle, il paya, en 1715, les derniers tributs de la France à la mémoire de Louis XIV. Après plus de vingt années de travaux, Massillon fut chargé par le régent de prêcher un nouveau carême devant le jeune roi Louis XV. Il composa en six semaines, à la campagne, les dix sermons connus sous le nom de Petit Carême. Le régent promut enfin Massillon à l'évêché de Clermont, mais il fut obligé de payer les bulles du nouveau prélat qui n'avait pas de quoi suffire à cette dépense. En 1719, Massillon fut reçu à l'Académie française. Tout le reste de sa vie fut consacré à l'éloquence, aux devoirs de l'épiscopat, à l'enseignement religieux, aux œuvres de charité. Mais on découvre à regret, dans une si belle vie, une tache que l'on voudrait pouvoir effacer: la faiblesse qui entraîna l'évêque de Clermont à une triste complaisance envers le cardinal Dubois qui osait vouloir occuper le siège de Fénelon. Massillon mourut des suites d'une apoplexie, le 18 septembre 1732.

au prodige de la multiplication des pains. et qu'il se sert de leur ministère pour distribuer la nourriture miraculeuse à un peuple pressé de faim et de misère. Il pouvait sans doute encore faire pleuvoir la manne dans le désert, et épar

gner à ses disciples le soin d'une si pénible distribution.

En se servant aujourd'hui de l'entremise des apôtres, pour distribuer aux troupes le pain miraculeux, son dessein est d'accoutumer tous ses disciples à la miséricorde et à la libéralité envers les malheureux: il vous établit les ministres de sa Providence; et ne multiplie les biens de la terre entre vos mains, qu'afin que de là ils se répandent sur cette multitude d'infortunés qui vous environne.

Il pourrait, sans doute, les nourrir lui-même: comme il nourrit autrefois les Pauls et les Élies dans le désert: il pourrait, sans votre entremise, soulager des créatures qui portent son image: lui dont la main invisible prépare la nourriture aux petits corbeaux mêmes, qui l'invoquent dans leur délaissement: mais il veut vous associer au mérite de sa libéralité: il veut que vous soyez placés entre lui et les pauvres, comme des nuées fécondes, toujours prêtes à répandre sur eux les rosées bienfaisantes que vous n'avez reçues que pour eux. Tel est l'ordre de sa Providence: il fallait ménager à tous les hommes des moyens de salut: les richesses corrompraient le cœur, si la charité n'en expiait les abus: l'indigence lasserait la vertu, si les secours de la miséricorde n'en adoucissaient l'amertume: les pauvres facilitent aux riches le pardon de leurs plaisirs, les riches animent les pauvres à ne pas perdre le mérite de leurs souffrances.

Appliquez-vous donc, qui que vous soyez, à toute la suite de cet évangile. Si vous gémissez sous le joug de l'indigence, la tendresse et l'attention de Jésus-Christ sur les besoins d'un peuple errant et dépourvu, vous consolera, si vous êtes nés dans l'opulence, l'exemple des disciples va vous instruire. Vous y verrez en premier lieu, les prétextes qu'on oppose au devoir de l'aumône confondus! vous y apprendrez en second lieu, quelles doivent en être les règles. On ne met guère en question dans le monde, si la loi de Dieu nous fait un précepte de l'aumône: l'Évangile est. si précis sur ce devoir: l'esprit et le

fond de la religion y conduisent si naturellement; la seule idée que nous avons de la providence, dans la dispensation des choses temporelles, laisse si peu de lieu sur ce point à l'opinion et au doute, que, quoique plusieurs ignorent toute l'étendue de cette obligation, il n'est personne néanmoins qui ne convienne du fond et de la règle.

Qui l'ignore en effet, que le Seigneur, dont la Providence a réglé toutes choses avec un ordre si admirable, et préparé leur nourriture même aux animaux, n'aurait pas voulu laisser des hommes créés à son image en proie à la faim et à l'indigence, tandis qu'il répandrait à pleines mains sur un petit nombre d'heureux, la rosée du ciel et la graisse de la terre; s'il n'avait prétendu que l'abondance des uns suppléât à la nécessité des autres?

Qui l'ignore, que tous les biens appartenaient originairement à tous les hommes en commun; que la simple nature ne connaissait, ni de propriété, ni de partage, et qu'elle laissait d'abord chacun de nous en possession de tout l'univers: mais que pour mettre des bornes à la cupidité, et éviter les dissensions et les troubles, le commun consentement des peuples établit que les plus sages, les plus miséricordieux, les plus intègres, seraient aussi les plus opulents: qu'outre la portion du bien que la nature leur destinait, ils se chargeraient encore de celles des faibles, pour en être les dépositaires, et la défendre contre les usurpations et les violences: de sorte qu'ils furent établis par la nature même, comme les tuteurs des malheureux: et que ce qu'ils eurent de trop, ne fut plus que l'héritage de leurs frères, confié à leurs soins et à leur équité?

Qui l'ignore enfin, que les liens de la religion ont encore resserré ces premiers noeuds que la nature avait formés parmi les hommes; que la grâce de Jésus-Christ, qui enfanta les premiers fidèles, non-seulement n'en fit qu'un cœur et qu'une âme, mais encore qu'une famille, d'où toute propriété fut bannie: et que l'Évangile, nous faisant une loi d'aimer nos frères comme nous-mêmes,

ne nous permet plus ou d'ignorer leurs | la simplicité de ceux qui vivent au fond besoins, ou d'être plus insensibles à des champs, et de la plus obscure poleurs peines? pulace: je le sais.

Mais il en est du devoir de l'aumône, comme de tous les autres devoirs de la loi: en général, en idée on n'ose en contredire l'obligation: la circonstance de l'accomplir est-elle arrivée? on ne manque jamais de prétexte, ou pour s'en dispenser tout-à-fait, ou pour ne s'en acquitter qu'à demi. Or, il semble que l'esprit de Dieu a voulu nous marquer tous ces prétextes dans les réponses que font les disciples à Jésus-Christ, pour s'excuser de secourir cette multitude affamée qui l'avait suivi au désert.

En premier lieu, ils le font souvenir qu'à peine ont-ils de quoi fournir à leurs propres besoins, et qu'il ne leur reste que cinq pains d'orge, et deux poissons: et voilà le premier prétexte que la cupidité oppose au devoir de la miséricorde. A peine a-t-on le nécessaire; on a un nom et un rang à soutenir dans le monde, des enfants à établir, des créanciers à satisfaire, des fonds à dégager, des charges publiques à supporter, mille frais de pure bienséance auxquels il faut fournir: or, qu'est-ce qu'un revenu qui n'est pas infini, pour des dépenses de tant de sortes? Ainsi parle tous les jours le monde, et le monde le plus brillant et le plus somp

tueux.

Or, mes frères, je sais que les bornes du nécessaire ne sont pas les mêmes pour tous les états; qu'elles augmentent à proportion du rang et de la naissance; qu'une étoile, comme parle l'apôtre, doit différer en clarté d'une autre étoile; que même, dès les siècles apostoliques, on voyait dans l'assemblée des fidèles des hommes revêtus d'une robe de distinction, et portant au doigt un anneau d'or; tandis que les autres d'une condition plus obscure, se contentaient de simples vêtements pour couvrir leur nudité; qu'ainsi la religion ne confond pas les états: et que si elle défend à ceux qui habitent les palais des rois la mollesse des mœurs et le faste indécent des vêtements: elle ne leur ordonne pas aussi la pauvreté et

Mais, m. f., c'est une vérité incontestable que ce qu'il y a de superflu dans vos biens ne vous appartient pas, que c'est la portion des pauvres; et que vous ne devez compter à vous de vos revenus, que ce qui est nécessaire pour soutenir l'état où la Providence vous a fait naître. Je vous demande donc, est-ce l'Évangile ou la cupidité, qui doit régler ce nécessaire? Oseriez-vous prétendre que toutes les vanités dont l'usage vous fait une loi, vous fussent comptées devant Dieu comme des dépenses inséparables de votre condition? prétendre que tout ce qui vous flatte, vous accommode, nourrit votre orgueil, satisfait vos caprices, corrompt votre cœur, vous soit pour cela nécessaire....

Si cela est ainsi, m. f., si vous ne comptez pour superflu que ce qui peut échapper à vos plaisirs, à vos profusions, à vos caprices, vous n'avez donc qu'à être voluptueux, capricieux, dissolu, prodigue, pour être dispensé du devoir de l'aumône. Plus vous aurez de passions à satisfaire, plus l'obligation d'être charitable diminuera: et vos excès que le Seigneur vous ordonnait d'expier par la miséricorde, seront eux-mêmes le privilège qui vous en décharge. Il faut donc qu'il y ait ici une règle à observer, et des bornes à se prescrire, différentes de celles de la cupidité: et la voici la règle de la foi. Tout ce qui ne tend qu'à nourrir la vie des sens, qu'à flatter les passions, qu'à autoriser les pompes et les abus du monde; tout cela est superfiu pour un chrétien; c'est ce qu'il faut retrancher et mettre à part: voilà le fonds et l'héritage des pauvres: vous n'en êtes que le dépositaire, et ne pouvez y toucher sans usurpation et sans injustice. L'Évangile, m. f., réduit à peu le nécessaire du chrétien, quelque élevé qu'il soit dans le monde; la religion retranche bien des dépenses; et si nous vivions tous selon les règles de la foi, nos besoins, qui ne seraient plus multipliés par nos passions, seraient moindres; nous trouverions la plus grande partie de nos biens inutiles; et

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Et pour donner à cette vérité toute l'étendue que le demande le sujet que nous traitons; je vous demande en second lieu, m. f., l'élévation et l'abondance où vous êtes nés, vous dispensent-elles de la simplicité, de la frugalité, de la modestie évangélique? Pour être nés grands, vous n'en êtes pas moins chrétiens. En vain, comme ces Israélites dans le désert avez-vous amassé plus de manne que vos frères; vous n'en pouvez garder pour votre usage, que la mesure prescrite par la loi. Hors de là, Jésus-Christ n'aurait défendu le faste, les pompes, les plaisirs, qu'aux pauvres et aux malheureux; eux à qui l'infortune de leur condition rend cette défense fort inutile.

Or, cette vérité capitale supposée: si selon la règle de la foi, il ne vous est pas permis de faire servir vos richesses à la félicité de vos sens; si le riche est obligé de porter sa croix, de ne chercher pas sa consolation en ce monde, et de se renoncer sans cesse soi-même comme le pauvre; quel a pu être le dessein de la Providence, en répandant sur vous les biens de la terre, et quel avantage peut-il vous en revenir à vousmêmes? Serait-ce de fournir à vos passions désordonnées? Mais vous n'êtes plus redevables à la chair, pour vivre selon la chair. Serait-ce de soutenir l'orgueil du rang et de la naissance? mais tout ce que vous donnez à la vanité, vous le retranchez de la charité. Serait-ce de thésauriser pour vos neveux; mais votre trésor ne doit être que dans le ciel. Serait-ce de passer la vie plus agréablement? mais si vous ne pleurez, si vous ne souffrez, si vous ne combattez, vous êtes perdus. Seraitce de vous attacher plus à la terre? mais le chrétien n'est pas de ce monde,

Herrig, La France litt.

il est citoyen du siècle à venir. Seraitce d'agrandir vos possessions et vos héritages? mais vous n'agrandiriez jamais que le lieu de votre exil; et le gain du monde entier vous serait inutile, si vous veniez à perdre votre âme. Serait-ce de charger vos tables de mets plus exquis? mais vous savez que l'Évangile n'interdit pas moins la vie sensuelle et voluptueuse au riche, qu'à l'indigent. Repassez sur tous les avantages que vous pouvez retirer selon le monde de votre prospérité, ils vous sont presque tous interdits par la loi de Dieu.

Ce n'a donc pas été son dessein de vous les ménager, en vous faisant naître dans l'abondance: ce n'est donc pas pour vous que vous êtes nés grands: ce n'est pas pour vous, comme le disait autrefois Mardochée à la pieuse Esther, que le seigneur vous a élevée à ce point de grandeur et de prospérité qui vous environne; c'est pour son peuple affligé; c'est pour être la protectrice des infortunés. Si vous ne répondez pas à ce dessein de Dieu sur vous, continuait ce sage Juif, il se servira de quelque autre qui lui sera plus fidèle: il lui transportera cette couronne qui vous était destinée; il saura bien pourvoir par quelqu'autre voie, à l'affliction de son peuple; car il ne permet pas que les siens périssent; mais vous et la maison de votre père, périrez. Vous n'êtes donc, dans les desseins de Dieu, que les ministres de sa Providence envers les créatures qui souffrent; vos grands biens ne sont donc que des dépôts sacrés que sa bonté a mis entre vos mains, pour y être plus à couvert de l'usurpation et de la violence, et conservés plus sûrement à la veuve et à l'orphelin: votre abondance dans l'ordre de sa sagesse, n'est donc destinée qu'à suppléer à leur nécessité: votre autorité, qu'à les protéger: vos dignités, qu'à venger leurs intérêts; votre rang, qu'à les consoler par vos offices: tout ce que vous êtes, vous ne l'êtes que pour eux, votre élévation ne serait plus l'ouvrage de Dieu, et il vous aurait maudit en répandant sur vous les biens de la terre, s'il vous les avait donnés pour un autre usage.

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Ah! ne nous alléguez donc plus, pour excuser votre dureté envers vos frères, des besoins que la loi de Dieu condamne; justifiez plutôt sa Providence envers les créatures qui souffrent: faites leur connaître en rentrant dans son ordre, qu'il y a un Dieu pour elles comme pour vous: et bénir les conseils adorables de sa sagesse dans sa dispensation des choses d'ici bas, qui leur a ménagé dans votre abondance des ressources si consolantes.

Mais d'ailleurs, m. f., que peuvent retrancher à ces besoins que vous nous alléguez tant, les largesses modiques qu'on vous demande? Le Seigneur n'exige pas de vous une partie de vos fonds et de vos héritages, quoiqu'ils lui appartiennent tout entiers, et qu'il ait droit de vous en dépouiller: il vous laisse tranquilles possesseurs de ces terres, de ces palais qui vous distinguent dans votre peuple, et dont la piété de vos ancêtres enrichissait autrefois nos temples: il ne vous ordonne pas, comme à ce jeune homme de l'Évangile, de renoncer à tout, de distribuer tout votre bien aux pauvres, et de le suivre: il ne vous fait pas une loi, comme autrefois aux premiers fidèles, de venir porter tous vos trésors aux pieds de vos pasteurs: il ne vous frappe pas d'anathème, comme il frappa Ananie et Saphire, pour avoir osé seulement retenir une portion d'un bien qu'ils avaient reçu de leurs pères, vous qui ne devez peutêtre qu'aux malheurs publics, et à des gains odieux ou suspects, l'accroissement de votre fortune; il consent que Vous appeliez les terres de vos noms, comme dit le prophète, et que vous transmettiez à vos enfants les possessions qui vous sont venues de vos ancêtres: il veut seulement que vous en retranchiez une légère portion pour les infortunés qu'il laisse dans l'indigence: il veut que tandis que vous portez sur l'indécence et le faste de vos parures, la nourriture d'un peuple entier de malheureux, vous ayez de quoi couvrir la nudité de ses serviteurs qui n'ont pas où reposer leur tête: il veut que de ces tables voluptueuses, où vos grands biens peuvent à peine suffire à votre

sensualité, et aux profusions d'une délicatesse insensée, vous laissiez du moins tomber quelques miettes pour soulager des Lazares pressés de la faim et de la misère; il veut enfin que tandis que vous n'épargnerez rien pour satisfaire la fureur d'un jeu outré, et que tout ira fondre dans ce gouffre, vous ne veniez pas supputer votre dépense, mesurer vos forces, nous alléguer la médiocrité de votre fortune, et l'embarras de vos affaires, quand il s'agira de consoler l'affliction d'un chrétien. Il le veut; et n'a-t-il pas raison de le vouloir? Quoi! vous seriez riche pour le mal, et pauvre pour le bien? vos revenus suffiraient pour vous perdre, et ils ne suffiraient pas pour vous sauver, et pour acheter le ciel? et parce que vous outrez l'amour de vous-mêmes, il vous serait permis d'être barbares envers votre frère?

Mais, m. f., d'où vient que c'est ici la seule circonstance, où vous diminuez vous-mêmes l'opinion qu'on a de vos richesses: Partout ailleurs, vous voulez qu'on vous croie puissants: vous vous donnez pour tels: vous cachez même quelquefois sous des dehors encore brillants, des affaires déjà ruinées, pour soutenir cette vaine réputation d'opulence. Cette vanité ne vous abandonne donc, que lorsqu'on vous a fait souvenir du devoir de la miséricorde: alors peu contents d'avouer la médiocrité de votre fortune, vous l'exagérez: et la dureté l'emporte dans votre cœur, non-seulement sur la vérité, mais encore sur la vanité. Ah! le Seigneur reprochait autrefois à un évêque dans l'apocalypse: Vous dites, je suis riche, je suis comblé de biens: et vous ne savez pas que vous êtes pauvre, nu, et misérable à mes yeux. Mais il devrait aujourd'hui changer ce reproche à votre égard, et vous dire: Oh! vous vous plaignez que vous êtes pauvre, et dépourvu de tout: et vous ne voulez pas voir que vous êtes riche, comblé de biens, et que dans un temps où presque tous ceux qui vous environnent souffrent, vous seul ne manquez de rien à mes yeux.

Et c'est ici le second prétexte qu'on oppose au devoir de l'aumône: la misère

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