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des souvenirs plus sévères honorent à jamais son nom; et la patrie l'inspira mieux que Laure elle-même."

„Il ranima l'antiquité par ses veilles; et, loin que son imagination mit obstacle aux études les plus profondes, cette puissance créatrice, en lui soumettant l'avenir, lui révéla les secrets des siècles passés. Il éprouva que connaître sert beaucoup pour inventer; et son génie fut autant plus original, que, semblable aux forces éternelles, il sut être présent à tous les temps."

,,Notre air serein, notre climat riant, ont inspiré l'Arioste. C'est l'arc-en-ciel qui parut après nos longues guerres, brillant et varié comme ce messager du beau temps, il semble se jouer familièrement avec la vie; et sa gaîté légère et douce est le sourire de la nature, et non pas l'ironie de l'homme."

,,Michel-Ange, Raphaël, Pergolèse, Galilée, et vous, intrépides voyageurs, avides de nouvelles contrées, bien que la nature ne pût vous offrir rien de plus beau que la vôtre, joignez aussi votre gloire à celle des poètes! Artistes, savants, philosophes, vous êtes comme eux enfants de ce soleil qui tour à tour développe l'imagination, anime la pensée, excite le courage, en dort dans le bonheur, et semble tout promettre ou tout faire oublier."

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Connaissez-vous cette terre, où les orangers fleurissent, que les rayons des cieux fécondent avec amour? Avez-❘ vous entendu les sons mélodieux qui célèbrent la douceur des nuits? avezvous respiré ces parfums, luxe de l'air déjà si pur et si doux? Répondez, étrangers, la nature est-elle chez vous belle et bienfaisante?"

„Ailleurs, quand des calamités sociales affligent un pays, les peuples doivent s'y croire abandonnés par la Divinité: mais ici nous sentons toujours la protection du ciel; nous voyons qu'il s'intéresse à l'homme, et qu'il a daigné le traiter comme une noble créature."

„Ce n'est pas seulement de pampres et d'épis que notre nature est parée; mais elle prodigue sous les pas de l'homme, comme à la fête d'un souverain, une abondance de fleurs et de

plantes inutiles qui, destinées à plaire, ne s'abaissent point à servir."

Les plaisirs délicats, soignés par la nature, sont goûtés par une nation digne de les sentir; les mets les plus simples lui suffisent; elle ne s'enivre point aux fontaines de vin que l'abondance lui prépare; elle aime son soleil, ses beauxarts, ses monuments, sa contrée tout à-la-fois antique et printanière; les plaisirs raffinés d'une société brillante, les plaisirs grossiers d'un peuple avide, ne sont pas faits pour elle."

,,Ici, les sensations se confondent avec les idées; la vie se puise tout entière à la même source, et l'âme, comme l'air, occupe les confins de la terre et du ciel. Ici le génie se sent à l'aise, parce que la rêverie y est douce; s'il s'agite, elle calme; s'il regrette un but, elle lui fait don de mille chimères; si les hommes l'oppriment, la nature est là pour l'accueillir."

„Ainsi, toujours elle répare, et sa main secourable guérit toutes les blessures. Ici l'on se console des peines mêmes du cœur, en admirant un Dieu de bonté, en pénétrant le secret de son amour: les revers passagers de notre vie éphémère se perdent dans le sein fécond et majestueux de l'immortel univers."

Čorinne fut interrompue pendant quelques moments par les applaudissements les plus impétueux.

Puis elle reprit sa lyre, fit rentrer dans le silence toute l'assemblée par les sons touchants et prolongés qu'elle tira de son instrument, et recommença ainsi:

,,Il est des peines cependant que notre ciel consolateur ne saurait effacer; mais dans quel séjour les regrets peuventils porter à l'âme une impression plus douce et plus noble que dans ces lieux?"

„Ailleurs, les vivants trouvent à peine assez de place pour leurs rapides courses et leurs ardents désirs; ici, les ruines, les déserts, les palais inhabités, laissent aux ombres un vaste espace. Rome maintenant n'est-elle pas la patrie des tombeaux ?"

„Le Colisée, les obélisques, toutes les merveilles qui, du fond de l'Égypte et de la Grèce, de l'extrémité des siècles, depuis Romulus jusqu'à Léon X, se sont

réunies ici, comme si la grandeur attirait la grandeur, et qu'un même lieu dût renfermer tout ce que l'homme a pu mettre à l'abri du temps; toutes ces merveilles sont consacrées au monuments funèbres. Notre indolente vie est à peine aperçue: le silence des vivants est un hommage pour les morts: ils durent, et nous passons."

„Eux seuls sont honorés, eux seuls sont encore célèbres; nos destinées obscures relèvent l'éclat de nos ancêtres, notre existence actuelle ne laisse debout que le passé; il ne se fait aucun bruit autour des souvenirs. Tous nos chefsd'œuvre sont l'ouvrage de ceux qui ne sont plus; et le génie lui-même est compté parmi les illustres morts."

„Peut-être un des charmes secrets de Rome est-il de réconcilier l'imagination avec le long sommeil. On s'y résigne pour soi; l'on en souffre moins pour ce qu'on aime. Les peuples du Midi se représentent la fin de la vie sous des couleurs moins sombres que les habitants du Nord. Le soleil, comme la gloire, réchauffe même la tombe."

„Le froid et l'isolement du sépulcre sous ce beau ciel, à côté de tant d'urnes funéraires, poursuivent moins les esprits effrayés. On se croit attendu par la foule des ombres; et, de notre ville solitaire à la ville souterraine, la transition semble assez douce."

„Ainsi la pointe de la douleur est émoussée, non que le cœur soit blasé, non que l'âme soit aride; mais une harmonie plus parfaite, un air plus odoriférant, se mêlent à l'existence. On s'abandonne à la nature avec moins de crainte, à cette nature dont le Créateur a dit: Les lis ne travaillent ni ne filent; et cependant, quels vêtements des rois pourraient égaler la magnificence dont j'ai revêtu ces fleurs!"

La plupart des Italiens ont, en lisant les vers, une sorte de chant monotone, appelé cantilène, qui détruit toute émotion. C'est en vain que les paroles sont diverses; l'impression reste la même, puisque l'accent, qui est encore plus intime que les paroles, ne change presque point. Mais Corinne récitait avec une variété de tons qui ne détruisait pas le

charme soutenue de l'harmonie; c'était comme des airs différents joués tous par un instrument céleste.

Le son de voix touchant et sensible de Corinne, en faisant entendre cette langue italienne, si pompeuse et si sonore, produisit sur Oswald une impression tout à fait nouvelle. La prosodie anglaise est uniforme et voilée; ses beautés naturelles sont toutes mélancoliques; les nuages ont formé ses couleurs, et le bruit des vagues sa modulation: mais quand ces paroles italiennes, brillantes comme un jour de fête, retentissantes comme les instruments de victoire que l'on a comparés à l'écarlate, parmi les couleurs; quand ces paroles, encore tout empreintes des joies qu'un beau climat répand dans tous les cœurs, sont prononcées par une voix émue, leur éclat adouci, leur force concentrée, fait éprouver un attendrissement aussi vif qu'imprévu. L'intention de la nature semble trompée, ses bienfaits inutiles, ses offres repoussées; et l'expression de la peine, au milieu de tant de jouissances, étonne, et touche plus profondément que la douleur chantée dans les langues du Nord, qui semblent inspirées par elle.

Le sénateur prit la couronne de myrte et de laurier qu'il devait placer sur la tête de Corinne. Elle détacha le schall qui entourait son front; et tous ses cheveux, d'un noir d'ébène, tombèrent en boucles sur ses épaules. Elle s'avança la tête nue, le regard animé par un sentiment de plaisir et de reconnaissance qu'elle ne cherchait point à dissimuler. Elle se remit une seconde fois à genoux, pour recevoir la couronne, mais elle paraissait moins troublée et moins tremblante que la première fois; elle venait de remplir son âme des plus nobles pensées; l'enthousiasme l'emportait sur la timidité. n'était plus une femme craintive, mais une prêtresse inspirée, qui se consacrait avec joie au culte du génie.

Ce

Quand la couronne fut placée sur la tête de Corinne, tous les instruments se firent entendre, et jouèrent ces airs triomphants qui exaltent l'âme d'une manière si puissante et si sublime. Le

bruit des timbales et des fanfares émut | raient s'ennuyer assez pour retourner de nouveau Corinne; ses yeux se rem- avec plus de plaisir encore dans le plirent de larmes; elle s'assit un mo- monde. ment, et couvrit son visage de son mouchoir.

Le prince Castel-Forte vint prendre sa main, pour l'accompagner du Capitole à son char.

FÊTE D'INTERLAKEN.

Pour aller à la fête, il fallait s'embarquer sur l'un de ces lacs dans lesquels les beautés de la nature se réfléchissent, et qui semblent placés au pied des Alpes pour en multiplier les ravissants aspects. Un temps orageux nous dérobait la vue distincte des montagnes; mais, confondues avec les nuages, elles n'en étaient que plus redoutables. La tempête grossissait; et, bien qu'un sentiment de terreur s'emparât de mon âme, j'aimais cette foudre du ciel qui confond l'orgueil de l'homme. Nous nous reposâmes un moment dans une espèce de grotte avant de nous hasarder à traverser la partie du lac de Thun qui est entourée de rochers inabordables. C'est dans un lieu pareil que Guillaume Tell sut braver les abîmes et s'attacher à des écueils pour échapper à ses tyrans. Nous aperçûmes alors dans le lointain cette montagne qui porte le nom de Vierge (Jungfrau); aucun voyageur n'a jamais pu gravir jusqu'à son sommet; elle est moins haute que le mont Blanc, et cependant elle inspire plus de respect, parce qu'on la sait inaccessible.

Nous arrivâmes à Unterseen; et le bruit de l'Aar, qui tombe en cascade autour de cette petite ville, disposait l'âme à des impressions rêveuses. Les étrangers, en grand nombre, étaient logés dans les maisons de paysans, fort propres, mais rustiques. Il était assez piquant de voir se promener, dans la rue d'Unterseen, de jeunes Parisiens tout à coup transportés dans la vallée de la Suisse; ils n'entendaient plus que le bruit des torrents; ils ne voyaient plus que des montagnes, et cherchaient si dans ces lieux solitaires ils pour

Le soir qui précéda la fête, on alluma des feux sur les montagnes; c'est ainsi que jadis les libérateurs de la Suisse donnèrent le signal de leur sainte conspiration. Ces feux placés sur les sommets ressemblaient à la lune lorsqu'elle se lève derrière les montagnes, et qu'elle se montre à la fois ardente et paisible. On eût dit que des astres nouveaux venaient assister au plus touchant spectacle que notre monde puisse encore offrir. L'un de ces signaux enflammés semblait placé dans le ciel, d'où il éclairait les ruines du château d'Unspunnen, autrefois possédé par Berthold, le fondateur de Berne, en mémoire de qui se donnait la fête. Des ténèbres profondes environnaient ce point lumineux; et les montagnes, qui pendant la nuit ressemblent à de grands fantômes, apparaissaient comme l'ombre gigantesque des morts qu'on voulait célébrer.

Le jour de la fête, le temps était doux, mais nébuleux; il fallait que la nature répondit à l'attendrissement de tous les coeurs. L'enceinte choisie pour les jeux est entourée de collines parsemées d'arbres, et des montagnes à perte de vue sont derrière ces collines. Tous les spectateurs, au nombre de près de six mille, s'assirent sur les hauteurs en pente, et les couleurs variées des habillements ressemblaient dans l'éloignement à des fleurs répandues sur la prairie. Jamais un aspect plus riant ne put annoncer une fête; mais quand les regards s'élevaient, des rochers suspendus semblaient, comme la destinée, menacer les humains au milieu de leurs plaisirs.

Lorsque la foule des spectateurs fut réunie, on entendit venir de loin la procession de la fête, procession solennelle en effet, puisqu'elle était consacrée au culte du passé. Une musique agréable l'accompagnait; les magistrats paraissaient à la tête des paysans; les jeunes paysannes étaient vêtues selon le costume ancien et pittoresque de chaque canton; les hallebardes et les

bannières de chaque vallée étaient portées en avant de la marche par des hommes à cheveux blancs, habillés précisement comme on l'était il y a cinq siècles, lors de la conjuration de Rutli. Une émotion profonde s'emparait de l'âme en voyant ces drapeaux si pacifiques qui avaient pour gardiens des vieillards. Le vieux temps était représenté par ces hommes âgés pour nous, mais si jeunes en présence des siècles! Je ne sais quel air de confiance dans tous ces êtres faibles touchait profondément, parce que cette confiance ne leur était inspirée que par la loyauté de leur âme. Les yeux se remplissaient de larmes au milieu de la fête, comme dans ces jours heureux et mélancoliques où l'on célèbre la convalescence de ce qu'on aime.

Enfin les jeux commencèrent; et les hommes de la vallée et les hommes de la montagne montrèrent, en soulevant d'énormes poids, en luttant les uns contre les autres, une agilité et une force de corps très remarquables. Cette force rendait autrefois les nations plus militaires; aujourd'hui que la tactique et l'artillerie disposent du sort des armées, on ne voit dans ces exercices que des jeux agricoles. La terre est mieux cultivée par des hommes aussi robustes; mais la guerre ne se fait qu'à l'aide de la discipline et du nombre, et les mouvements même de l'âme ont moins d'empire sur la destinée humaine depuis que les individus ont disparu dans les masses, et que le genre humain semble dirigé comme la nature inanimée par des lois mécaniques.

Après que les jeux furent terminés et que le bon bailli du lieu eut distribué les prix aux vainqueurs, on dina sous des tentes, et l'on chanta des vers en l'honneur de la tranquille félicité des Suisses. On faisait passer à la ronde, pendant le repas, des coupes en bois sur lesquelles étaient sculptés Guillaume Tell et les trois fondateurs de la liberté helvétique. On buvait avec transport au repos, à l'ordre, a l'indépendance, et le patriotisme du bonheur s'exprimait avec une cordialité qui pénétrait toutes les âmes.

,,Les prairies sont aussi fleuries que jadis, les montagnes aussi verdoyantes: quand toute la nature sourit, le cœur seul de l'homme pourrait-il n'être qu'un désert ?"

Non, sans doute, il ne l'était pas; il s'épanouissait avec confiance au milieu de cette belle contrée, en présence de ces hommes respectables, animés tous par les sentiments les plus purs. Un pays pauvre d'une étendue très bornée, sans luxe, sans éclat, sans puissance, est chéri par ses habitants comme un ami qui cache ses vertus dans l'ombre et les consacre toutes au bonheur de ceux qui l'aiment. Depuis cinq siècles que dure la prospérité de la Suisse, on compte plutôt de sages générations que de grands hommes. Il n'y a point de place pour l'exception quand l'ensemble est aussi heureux. On dirait que les ancêtres de cette nation règnent encore au milieu d'elle: toujours elle les respecte, les imite et les recommence. La simplicité des mœurs l'attachement aux anciennes coutumes, la sagesse et l'uniformité dans la manière de vivre rapprochent de nous le passé et nous rendent l'avenir présent. Une histoire toujours la même ne semble qu'un seul moment dont la durée est de plusieurs siècles.

et

La vie coule dans ces vallées comme les rivières qui les traversent; ce sont des ondes nouvelles, mais qui suivent le même cours: puisse-t-il n'être point interrompu! puisse la même fête être souvent célébrée au pied de ces mêmes montagnes! L'étranger les admire comme une merveille, l'Helvétien les chérit comme un asile où les magistrats et les pères soignent ensemble les citoyens et les enfants.

SAINT-PIERRE.

Alors Saint-Pierre leur apparut, cet édifice le plus grand que les hommes aient jamais élevé; car les pyramides d'Égypte elles-mêmes lui sont inférieures en hauteur. "J'aurais peut-être dû vous faire voir," dit Corinne, „le plus beau de nos édifices le dernier;

mais ce n'est pas mon système. Il me semble que, pour se rendre sensible aux beaux-arts, il faut commencer par voir les objets qui inspirent une admiration vive et profonde. Ce sentiment, une fois éprouvé, révèle, pour ainsi dire, une nouvelle sphère d'idées, et rend ensuite plus capable d'aimer et de juger tout ce qui, dans un ordre même inférieur, retrace cependant la première impression qu'on a reçue"... Oswald sentit une émotion tout à fait extraordinaire en arrivant en face de Saint-Pierre. C'était la première fois que l'ouvrage des hommes produisait sur lui l'effet d'une merveille de la nature. C'est le seul travail de l'art, sur notre terre actuelle, qui ait le genre de grandeur qui caractérise les œuvres immédiates de la création. Corinne jouissait de l'étonnement d'Oswald. "J'ai choisi," lui dit-elle, „un jour où le soleil est dans tout son éclat, pour vous faire voir ce monument. Je vous réserve un plaisir plus intime, plus religieux, c'est de le contempler au clair de la lune ...

airs. Ce murmure des ondes, qu'on a coutume d'entendre au milieu de la campagne, produit dans cette enceinte une sensation toute nouvelle; mais cette sensation est en harmonie avec celle que fait naître l'aspect d'un temple majestueux.

La peinture, la sculpture, imitant le plus souvent la figure humaine, ou quelque objet existant dans la nature, réveillent dans notre âme des idées parfaitement claires et positives; mais un beau monument d'architecture n'a point, pour ainsi dire, de sens déterminé, et l'on est saisi, en le contemplant, par cette rêverie sans calcul et sans but, qui mène si loin la pensée. Le bruit des eaux convient à toutes ces impressions vagues et profondes; il est uniforme, comme l'édifice est régulier.

L'éternel mouvement et l'éternel repos (vers de M. de Fontanes) sont ainsi rapprochés l'un de l'autre. C'est dans ce lieu surtout que le temps est sans pouvoir; car il ne tarit pas plus ces sources jaillissantes, qu'il n'ébranle ces immobiles pierres. Les eaux qui s'élancent en gerbe de ces fontaines sont

un beau jour, les rayons du soleil y produisent de petits arcs-en-ciel formés des plus belles couleurs.

La place de Saint-Pierre est entourée de colonnes, légères de loin, et massives de près. Le terrain, qui va tou-si légères et si nuageuses, que, dans jours un peu en montant jusqu'au portique de l'église, ajoute encore à l'effet qu'elle produit. Un obélisque de quatrevingts pieds de haut, qui paraît à peine élevé en présence de la coupole de Saint-Pierre, est au milieu de la place. La forme des obélisques elle seule a quelque chose qui plaît à l'imagination; leur sommet se perd dans les airs, et semble porter jusqu'au ciel une grande pensée de l'homme. Ce monument, qui vint d'Égypte pour orner les bains de Caligula, et que Sixte-Quint a fait transporter ensuite au pied du temple de Saint-Pierre; ce contemporain de tant de siècles, qui n'ont pu rien contre lui, inspire un sentiment de respect; l'homme se sent tellement passager, qu'il a toujours de l'émotion en présence de ce qui est immuable. A quelque distance des deux côtés de l'obélisque, s'élèvent deux fontaines dont l'eau jaillit perpétuellement, et retombe avec abondance en cascade dans les

„Arrêtez-vous un moment ici," dit Corinne à lord Nelvil, comme il était déjà sous le portique de l'église: „arrêtez-vous, avant de soulever le rideau qui couvre la porte du temple; votre cœur ne bat-il pas à l'approche de ce sanctuaire? et ne ressentez-vous pas, au moment d'entrer, tout ce que ferait éprouver l'attente d'un évènement solennel?" Corinne elle-même souleva le rideau, et le retint pour laisser passer lord Nelvil; il s'avança dans le temple; et l'impression qu'il reçut sous ces voûtes immenses fut si profonde et si religieuse, que le sentiment même de l'amour ne suffisait plus pour remplir en entier son âme. Il marchait lentement à côté de Corinne; l'un et l'autre se taisaient. Là tout commande le silence: le moindre bruit retentit si loin, qu'aucune parole ne semble digne

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