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créait un monde. Une des premières | soleil, les crépuscules et les nuits étaient

vies du pilote génois est celle que Giustiniani, publiant un psautier hébreu, plaça en forme de note sous le psaume: Cali enarrant gloriam Dei.

Le vent nous força d'anordir, et nous accostâmes le blanc de Terre-Neuve. Quelques glaces flottantes rodaient au milieu d'une brume froide et pâle.

Les hommes du trident ont des jeux qui leur viennent de leurs devanciers: quand on passe la ligne, il faut se résoudre à recevoir le baptême: même cérémonie sous le tropique, même cérémonie sur le banc de Terre-Neuve, et quel que soit le lieu, le chef de la mascarade est toujours le bon-homme Tropique. Tropique et hydropique sont synonymes pour les matelots: le bonhomme Tropique a donc une bedaine énorme; il est vêtu, lors même qu'il est sous son tropique, de toutes les peaux de mouton et de toutes les jaquettes fourrées de l'équipage. Il se tient accroupi dans la grande hune, poussant de temps en temps des mugissements. Chacun le regarde d'en bas: il commence à descendre le long des haubans, pesant comme un ours, trébuchant comme Silène. En mettant le pied sur le pont, il pousse de nouveaux rugissements, bondit, saisit un seau, le remplit d'eau de mer et le verse sur le chef de ceux qui n'ont pas passé la ligne, ou qui ne sont pas parvenus à la latitude des glaces. On fuit sous les ponts, on remonte sur les écoutilles, on grimpe aux mâts: père Tropique vous poursuit; cela finit au moyen d'un large pour-boire: jeux d'Amphitrite, qu'Homère aurait célébrés comme il a chanté Protée, si le vieil Oceanus eût été connu tout entier du temps d'Ulysse; mais alors on ne voyait encore que sa tête aux Colonnes d'Hercule; son corps caché couvrait le monde.

Les calmes nous arrêtèrent à une petite distance des côtes du Maryland et de Virginie. Au ciel brumeux des régions boréales, avait succédé le plus beau ciel: nous ne voyions pas la terre, mais l'odeur des forêts de sapins arrivait jusqu'à nous. Les aubes et les aurores, les levers et les couchers du

admirables; mais la chaleur nous accablait; le vaisseau, dans un calme plat, sans voile et trop chargé de ses mâts, était tourmenté du roulis: brûlé sur le pont et fatigué du mouvement, je me voulus baigner, et quoique nous n'eussions point de chaloupe dehors, je me jetai du beaupré à la mer. Tout alla d'abord à merveille, et plusieurs passagers m'imitèrent. Je nageais sans regarder le vaisseau; mais quand je vins à tourner la tête, je m'aperçus que le courant l'entraînait déjà loin. Les matelots, alarmés, avaient filé un grelin aux autres nageurs. Des requins se montraient dans les eaux du navire, et on leur tirait des coups du fusil pour les écarter. La houle était si grosse, qu'elle retardait mon retour, en épuisant mes forces. J'avais un gouffre audessous de moi, et les requins pouvaient à tout moment m'emporter un bras ou une jambe. Sur le bâtiment, le maître d'équipage cherchait à descendre un canot dans la mer, mais il fallait établir un palan, et cela prenait un temps considérable.

Par le plus grand bonheur, une brise presque insensible se leva; le vaisseau, gouvernant un peu, s'approcha de moi; je pus m'emparer de la corde, mais les compagnons de ma témérité s'étaient aussi accrochés à cette corde; quand on nous tira au flanc du bâtiment, me trouvant à l'extrémité de la file, ils pesaient sur moi de tout leur poids. On nous repêcha ainsi un à un, ce qui fut long. Les roulis continuaient; à chacun de ces roulis en sens opposé, nous plongions de six ou sept pieds dans la vague, ou nous étions suspendus en l'air à un même nombre de pieds, comme des poissons au bout d'une ligne: à la dernière immersion je me sentis prêt à m'évanouir; un roulis de plus, et c'en était fait. On me hissa sur le pont à demi-mort: si je m'étais noyé, le bon débarras pour moi et pour les autres!

Deux jours après cet accident nous aperçùmes la terre. Le cœur me battit quand le capitaine me la montra: l'Amérique: Elle était à peine délinéée par la cime de quelques érables sortant

de l'eau. Les palmiers de l'embouchure du Nil m'indiquèrent depuis le rivage de l'Égypte de la même manière. Un pilote vint à notre bord; nous entrâmes dans la baie de Chesapeake. Le soir même, on envoya une chaloupe chercher des vivres frais. Je me joignis au parti, et bientôt je foulai le sol américain.

Promenant mes regards autour de moi, je demeurai quelques instants immobile. Ce continent peut-être ignoré pendant la durée des temps anciens et un grand nombre de siècles modernes; les premières destinées sauvages de ce continent et ses secondes destinées depuis l'arrivée de Christophe Colomb; la domination des monarchies de l'Europe ébranlée dans ce nouveau monde; la vieille société finissant dans la jeune Amérique; une république d'un genre inconnu annonçant un changement dans l'esprit humain; la part que mon pays avait eue à ces évènements; ces mers et ces rivages devant en partie leur indépendance au pavillon et au sang français; un grand homme sortant du milieu des discordes et des déserts; Washington habitant une ville florissante dans le même lieu où Guillaume Penn avait acheté un coin de forêts; les ÉtatsUnis renvoyant à la France la révolution que la France avait soutenue de ses armes; enfin mes propres destins, ma muse vierge que je venais livrer à la passion d'une nouvelle nature; les découvertes que je voulais tenter dans ces déserts, lesquels étendaient encore leur large royaume derrière l'étroit empire d'une civilisation étrangère: telles étaient les choses qui roulaient dans mon esprit.

Nous nous avançâmes vers une habitation. Des bois de baumiers et de cèdres de la Virginie, des oiseaux-moqueurs et des cardinaux, annonçaient, par le port et leur ombre, par leur chant et leur couleur, un autre climat. La maison où nous arrivâmes au bout d'une demi-heure tenait de la ferme d'un Anglais et de la case d'un créole. Des troupeaux de vaches européennes pâturaient des herbages entourés de clairesvoies, dans lesquelles se jouaient des

écureuils à peau rayée. Des noirs sciaient des pièces de bois, des blancs cultivaient des plantes de tabac. Une négresse de treize à quatorze ans, et d'une beauté singulière, nous ouvrit la barrière de l'enclos comme une jeune Nuit. Nous achetâmes des gâteaux de maïs, des poules, des œufs, du lait, et nous retournâmes au bâtiment avec nos dames-jeannes et nos paniers. Je donnai mon mouchoir de soie à la petite Africaine: ce fut une esclave qui me reçut sur la terre de la liberté.

On désancra pour gagner la rade et le port de Baltimore; en approchant, les eaux se rétrécirent; elles étaient lisses et immobiles; nous avions l'air de remonter un fleuve indolent bordé d'avenues. Baltimore s'offrit à nous comme au fond d'un lac. En regard de la ville, s'élevait une colline boisée, au pied de laquelle on commençait à bâtir. Nous amarrâmes au quai du port. Je dormis à bord et n'atterris que le lendemain.

TABLEAU DE LA CAMPAGNE ROMAINE.

Figurez-vous quelque chose de la désolation, de Tyr et de Babylone, dont parle l'Écriture: un silence et une solitude aussi vastes que le bruit et le tumulte des hommes qui se pressaient jadis sur ce sol. On croit y entendre retentir cette malédiction du prophète:

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Venient tibi duo hæc subito in die una, sterilitas et viduitas." Vous apercevez çà et là quelques bouts de voies romaines, dans des lieux où il ne passe plus personne; quelques traces desséchées des torrents de l'hiver: ces traces, vues de loin, ont elles-mêmes l'air de grands chemins battus et fréquentés, et elles ne sont que le lit désert d'une onde orageuse qui s'est écoulée comme le peuple romain. A peine découvrezvous quelques arbres, mais partout s'élèvent des ruines d'aqueducs et de tombeaux. Souvent, dans une grande plaine, j'ai cru voir de riches moissons; je m'en approchais: des herbes flétries avaient trompé mes yeux. Point d'oiseaux, point de laboureurs, point de mouvements champêtres, point de mugisse

ments de troupeaux, point de villages. | douce inclinaison des plans, aux con

Un petit nombre de fermes délabrées se montrent sur la nudité des champs; les fenêtres et les portes en sont fermées; il n'en sort ni fumée, ni bruit, ni habitants. Une espèce de sauvage, presque nu, pâle et miné par la fièvre, garde ces tristes chaumières: on dirait qu'aucune nation n'a osé succéder aux maîtres du monde dans leur terre natale, et que les champs sont tels que les a laissés le soc de Cincinnatus, ou la dernière charrue romaine.

Du milieu de ce terrain inculte que domine et qu'attriste encore un monument appelé par la voix populaire le tombeau de Néron, s'élève la grande ombre de la Ville Éternelle. Déchue de sa puissance terrestre, elle semble, dans son orgueil, avoir voulu s'isoler; elle s'est séparée des autres cités de la terre; et, comme une reine tombée du trône, elle a noblement caché ses malheurs dans la solitude.

Il me serait impossible de vous dire ce qu'on éprouve lorsque Rome vous apparaît tout à coup au milieu de ses royaumes vides. Tâchez de vous figurer ce trouble et cet étonnement qui saisissaient les prophètes, lorsque Dieu leur envoyait la vision de quelque cité à laquelle il avait attaché les destinées de son peuple: Quasi aspectus splendoris. La multitude des souvenirs, l'abondance des sentiments vous oppressent; votre âme est bouleversée à l'aspect de cette Rome qui a recueilli deux fois la succession du monde.

Vous croirez peut-être, mon cher ami, d'après cette description, qu'il n'y a rien de plus affreux que les campagnes romaines? Vous vous tromperiez beaucoup; elles ont une inconcevable grandeur; on est toujours prêt, en les regardant, à s'écrier avec Virgile: „Salut, féconde mère des moissons, terre de Saturne, féconde mère des hommes!"

Si vous les voyez en économiste, elles vous désoleront; si vous les contempliez en artiste, en poète, et même en philosophe, vous ne voudriez peutêtre pas qu'elles fussent autrement.

Rien n'est comparable, pour la beauté, aux lignes de l'horizon romain, à la

tours suaves et fuyants des montagnes qui le terminent. Souvent les vallées dans la campagne ont la forme d'une arène, d'un cirque, d'un hippodrome; les coteaux sont taillés en terrasses, comme si la main puissante des Romains avait remué toute cette terre. Une vapeur particulière, répandue dans les lointains, arrondit les objets et dissimule ce qu'ils pourraient avoir de dur ou de heurté dans leurs formes. Les ombres ne sont jamais lourdes et noires; il n'y a pas de masses si obscures de rochers et de feuillages, dans lesquelles il ne s'insinue toujours un peu de lumière. Une teinte singulièrement harmonieuse marie la terre, le ciel et les eaux; toutes les surfaces, au moyen d'une gradation insensible de couleurs, s'unissent par leurs extrémités, sans qu'on puisse déterminer le point où une nuance finit et où l'autre commence. Vous avez sans doute admiré dans les paysages de Claude Lorrain cette lumière qui semble idéale et plus belle que nature? Eh bien, c'est la lumière de Rome!

Je ne me lassais point de voir, à la villa Borghèse, le soleil se coucher sur les cyprès du mont Marius et sur les pins de la villa Pamphili, plantés par le Nôtre. J'ai souvent aussi remonté le Tibre à Ponte-Mole, pour jouir de cette grande scène de la fin du jour. Les sommets des montagnes de la Sabine apparaissent alors de lapis-lazuli et d'opale, tandis que leurs bases et leurs flancs sont noyés dans une vapeur d'une teinte violette ou purpurine. Quelquefois de beaux nuages, comme des chars légers, portés sur le vent du soir avec une grâce inimitable, font comprendre l'apparition des habitants de l'Olympe sous le ciel mythologique; quelquefois l'antique Rome semble avoir étendu dans l'Occident toute la pourpre de ses consuls et de ses Césars, sous les derniers pas du dieu du jour. Cette riche décoration ne se retire pas aussi vite que dans nos climats: lorsque vous croyez que les teintes vont s'effacer, elles se raniment sur quelque autre point de l'horizon; un crépuscule succède à un crépuscule, et la magie du

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couchant se prolonge. Il est vrai qu'à | dans l'attente de quelque personnage cette heure du repos des campagnes, fameux. Une ancienne et constante l'air ne retentit plus de chants buco- opinion, dit Suétone, était répandue liques, les bergers n'y sont plus; mais dans l'Orient, qu'un homme s'élèverait on voit encore les grandes victimes du de la Judée, et obtiendrait l'empire uniClytumne, des boeufs blancs ou des trou- versel." Tacite raconte le même fait, peaux de cavales demi-sauvages, qui presque dans les mêmes mots. Selon descendent au bord du Tibre et vien- cet historien,,,la plupart des Juifs étaient nent s'abreuver dans ses eaux. Vous convaincus, d'après un oracle conservé vous croiriez transporté au temps des dans les anciens livres de leurs prêtres; vieux Sabins, ou au siècle de l'Arca- que dans ce temps-là (le temps de dien Évandre, alors que le Tibre s'ap- Vespasien) l'Orient prévaudrait, et que pelait Albula, et que le pieux Énée quelqu'un, sorti de Judée, régnerait sur remonta ses ondes inconnues. le monde."

LES FRANÇAIS.

Josèphe, parlant de la ruine de Jérusalem, rapporte que les Juifs furent principalement poussés à la révolte contre les Romains par une obscure prophétie, qui leur annonçait que, vers cette époque, un homme s'élèverait parmi eux, et soumettrait l'univers.

Fils aînés de l'antiquité, les Français, Romains par le génie, sont Grecs par le caractère. Inquiets et volages dans le bonheur, constants et invincibles dans Le Nouveau Testament offre aussi des l'adversité; formés pour tous les arts; traces de cette espérance répandue dans civilisés jusqu'à l'excès durant le calme Israël: la foule qui court au désert dede l'état; grossiers et sauvages dans les mande à saint Jean-Baptiste s'il est le troubles politiques; flottants, comme des grand Messie, le Christ de Dieu, depuis vaisseaux sans lest, au gré de toutes longtemps attendu: les disciples d'Emles passions; à présent dans les cieux, maüs sont saisis de tristesse, lorsqu'ils l'instant d'après dans l'abîme; enthou- reconnaissent que Jean n'est pas l'homme siastes, et du bien et du mal, faisant qui doit racheter Israël. Les soixantele premier sans en exiger de recondix semaines de Daniel, ou les quatre naissance, et le second sans en sentir cent quatre-vingt-dix ans, depuis la rede remords; ne se souvenant ni de leurs construction du temple, étaient accomcrimes ni de leurs vertus; amants pu- plis. Enfin Origène, après avoir rapsillanimes de la vie pendant la paix, porté ces traditions des Juifs, ajoute prodigues de leurs jours dans les ba-,,qu'un grand nombre d'entre eux avouétailles; vains, railleurs, ambitieux, à la rent Jésus-Christ pour le libérateur profois routiniers et novateurs, méprisant mis par les prophètes." tout ce qui n'est pas eux; individuellement les plus aimables des hommes; en corps, les plus désagréables de tous; charmants dans leur propre pays, insupportables chez l'étranger; tour-à-tour plus doux, plus innocents que l'agneau qu'on égorge, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre qui déchire, tels furent les Athéniens d'autrefois, et tels sont les Français d'aujourd'hui.

JÉSUS-CHRIST.

Vers le temps de l'apparition du Rédempteur sur la terre, les nations étaient

Cependant le ciel prépare les voies du fils de l'homme. Les nations longtemps désunies de mœurs, de gouvernement, de langage, entretenaient des inimitiés héréditaires; tout à coup le bruit des armes cesse, et les peuples, réconciliés ou vaincus, viennent se perdre dans le peuple romain.

D'un côté, la religion et les mœurs sont parvenues à ce degré de corruption qui produit de force un changement dans les affaires humaines; de l'autre, les dogmes de l'unité d'un Dieu et de l'immortalité de l'âme commencent à se répandre: ainsi les chemins s'ouvrent à la doctrine évangé

lique, qu'une langue universelle va servir à propager.

Cet empire romain se compose de nations, les unes sauvages, les autres policées, la plupart infiniment malheureuses: la simplicité du Christ, pour les premières, ses vertus morales, pour les secondes; pour toutes, sa miséricorde et sa charité sont des moyens de salut que le ciel ménage. Et ces moyens sont si efficaces, que, deux siècles après le Messie, Tertullien disait aux juges de Rome: „Nous ne sommes que d'hier, et nous remplissons tout, vos cités, vos îles, vos forteresses, vos colonies, vos tribus, vos décuries, vos conseils, le palais, le sénat, le forum; nous ne vous laissons que vos temples."

A la grandeur des préparations naturelles, s'unit l'éclat des prodiges: les vrais oracles, depuis longtemps muets dans Jérusalem, recouvrent la voix, et les fausses sibylles se taisent. Une nouvelle étoile se montre dans l'Orient, Gabriel descend vers Marie, et un chœur d'esprits bien-heureux chante au haut du ciel, pendant la nuit: Gloire à Dieu, paix aux hommes!" Tout à coup le bruit se répand que le Sauveur a vu le jour dans la Judée: il n'est point né dans la pourpre, mais dans Î'asile de l'indigence; il n'a point été annoncé aux grands et aux superbes, mais les anges l'ont révélé aux petits et aux simples, il n'a pas réuni autour de son berceau les heureux du monde, mais les infortunés; et, par ce premier acte de sa vie, il s'est déclaré de préférence le Dieu des misérables.

Arrêtons-nous ici, pour faire une réflexion. Nous voyons, depuis le commencement des siècles, les rois, les héros, les hommes éclatants devenir les dieux des nations. Mais voici que le fils d'un charpentier, dans un petit coin de la Judée, est un modèle de douleurs et de misère: il est flétri publiquement par un supplice; il choisit ses disciples dans les rangs les moins élevés de la société; il ne prêche que sacrifices, que renoncement aux pompes du monde, au plaisir, au pouvoir; il préfère l'esclave au maître, le pauvre au riche, le lépreux à l'homme sain; tout ce qui pleure, tout

ce qui a des plaies, tout ce qui est abandonné du monde fait ses délices: la puissance, la fortune et le bonheur sont au contraire menacés par lui. Il renverse les notions communes de la morale; il établit des relations nouvelles entre les hommes, un nouveau droit des gens, une nouvelle foi publique: il élève ainsi sa divinité, triomphe de la religion des Césars, s'assied sur leur trône, et parvient à subjuguer la terre. Non, quand la voix du monde entier s'élèverait contre Jésus-Christ, quand toutes les lumières de la philosophie se réuniraient contre ses dogmes, jamais on ne nous persuadera qu'une religion, fondée sur une pareille base, soit une religion humaine. Celui qui a pu faire adorer une croix, celui qui a offert pour objet de culte aux hommes l'humanité souffrante, la vertu persécutée, celui-là ne saurait être qu'un Dieu.

Jésus-Christ apparaît au milieu des hommes, plein de grâce et de vérité; l'autorité et la douceur de sa parole entraînent. Il vient pour être le plus malheureux des mortels, et tous ses prodiges sont pour les misérables. „Ses miracles, dit Bossuet, tiennent plus de la bonté que de la puissance." Pour inculquer ses préceptes, il choisit l'apologue ou la parabole, qui se grave aisément dans l'esprit des peuples. C'est en marchant dans les campagnes qu'il donne ses leçons. En voyant les fleurs d'un champ, il exhorte ses disciples à espérer dans la Providence, qui supporte les faibles plantes et nourrit les petits oiseaux; en apercevant les fruits de la terre, il instruit à juger de l'homme par ses œuvres. On lui apporte un enfant, et il recommande l'innocence, se trouvant au milieu des bergers, il se donne à lui-même le titre de pasteur des âmes, et se représente rapportant sur ses épaules la brebis égarée. Au printemps, il s'assied sur une montagne, et tire des objets environnants de quoi instruire la foule assise à ses pieds. Du spectacle même de cette foule pauvre et malheureuse, il fait naître ses béatitudes: Bien heureux ceux qui pleurent, bien heureux ceux qui ont faim et soif, etc. Ceux qui observent ses préceptes, et ceux qui les

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