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dont son enveloppe nous montre les traces; et, si l'on veut recourir aux forces extérieures constantes connues jusqu'à présent, l'on n'y trouve pas plus de ressources.

Nous avons parlé ci-dessus des dunes, ou de ces monticules de sable que la mer rejette sur les côtes basses quand son fond est sablonneux. Partout où l'industrie de l'homme n'a pas su les fixer, ces dunes avancent dans les terres aussi irrésistiblement que les alluvions des fleuves avancent dans la mer; elles poussent devant elles des étangs formés par les eaux pluviales du terrain qu'elles bordent, et dont elles empêchent la communication avec la mer, et leur marche a dans beaucoup d'endroits une rapidité effrayante. Forêts, bâtiments, champs cultivés, elles envahissent tout. Celles du golfe de Gascogne ont déjà couvert un grand nombre de villages mentionnés dans des titres du moyen âge, et, en ce moment, dans le seul département des landes, elles en menacent dix d'une destruction inévitable. L'un de ces villages, celui de Mimisan, lutte depuis vingt ans contre elles, et une dune de plus de soixante pieds d'élévation s'en approche, pour ainsi dire, à vue d'œil. En 1802, les étangs ont envahi cinq belles métairies dans celui de Saint-Julien; ils ont couvert depuis longtemps une ancienne chaussée romaine qui conduisait de Bordeaux à Bayonne, et que l'on voyait encore il y a quarante ans quand les eaux étaient basses. L'Adour qui, à des époques connues, passait au vieux Boucaut, et se jetait dans la mer au cap Breton, est maintenant détourné de plus de mille toises. Feu M. Bremontier, inspecteur des ponts et chaussées, qui a fait de grands travaux sur les dunes, estimait leur marche à soixante pieds par an, et dans certains points à soixantedouze. Il ne leur faudrait, selon ces calculs, que deux mille ans pour arriver à Bordeaux; et, d'après leur étendue actuelle, il doit y en avoir un peu plus de quatre mille qu'elles ont commencé à se former.

Tout être organisé forme un ensemble, un système unique et clos, dont les parties se correspondent mutuellement, et

concourent à la même action définitive par une réaction réciproque. Aucune de ces parties ne peut changer sans que les autres changent aussi; et par conséquent chacune d'elles, prise séparément, indique et donne toutes les autres.

Ainsi, comme je l'ai dit ailleurs, si les intestins d'un animal sont organisés de manière à ne digérer que de la chair et de la chair récente, il faut aussi que ses mâchoires soient construites pour dévorer une proie; ses griffes pour la saisir et la déchirer; ses dents pour la couper et la diviser; le système entier de ses organes du mouvement pour la poursuivre et pour l'atteindre; ses organes de sens pour l'apercevoir de loin; il faut même que la nature ait placé dans son cerveau l'instinct nécessaire pour savoir se cacher et tendre des pièges à ses victimes. Telles seront les conditions générales du régime carnivore; tout animal destiné pour ce régime les réunira infailliblement, car sa race n'aurait pu subsister sans elles; mais sous ces conditions générales il en existe de particulières, relatives à la grandeur, à l'espèce, au séjour de la proie, pour laquelle l'animal est disposé; et de chacune de ces conditions particulières résultent des modifications de détail dans les formes qui dérivent des conditions générales: ainsi, nonseulement la classe, mais l'ordre, mais le genre, et jusqu'à l'espèce, se trouvent exprimés dans la forme de chaque partie.

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d'où résulte une forme déterminée dans | particulières. Le jeu de toutes ces par

les vertèbres où ces muscles ont leurs attaches, et dans l'occiput où ils s'in

sèrent.

Pour que les dents puissent couper la chair, il faut qu'elles soient tranchantes et qu'elles le soient plus ou moins, selon qu'elles auront plus ou moins exclusivement de la chair à couper. Leur base devra être d'autant plus solide, qu'elles auront plus d'os, et de plus gros os à briser. Toutes ces circonstances influeront aussi sur le développement de toutes les parties qui servent à mouvoir la mâchoire.

Pour que les griffes puissent saisir cette proie, il faudra une certaine mobilité dans les doigts, une certaine force dans les ongles, d'où résulteront des formes déterminées dans toutes les phalanges, et des distributions nécessaires de muscles et de tendons, il faudra que l'avant-bras ait une certaine facilité à se tourner, d'où résulteront encore des formes déterminées dans les os qui le composent; mais les os de l'avant-bras s'articulant sur l'humérus, ne peuvent changer de formes sans entraîner des changements dans celui-ci. Les os de l'épaule devront avoir un certain degré de fermeté dans les animaux qui emploient leurs bras pour saisir, et il en résultera encore pour eux des formes

ties exigera dans tous leurs muscles de certaines proportions, et les impressions de ces muscles ainsi proportionnés, détermineront encore plus particulièrement les formes des os. Il est aisé de voir que l'on peut tirer des conclusions semblables pour les extrémités postérieures qui contribuent à la rapidité des mouvements généraux; pour la composition du tronc et les formes des vertèbres, qui influent sur la facilité, la flexibilité de ces mouvements; pour les formes des os du nez, de l'orbite, de l'oreille, dont les rapports avec la perfection des sens de l'odorat, de la vue, de l'ouïe sont évidents. En un mot, la forme de la dent entraîne la forme du condyle, celle de l'omoplate, celle des ongles, tout comme l'équation d'une courbe entraîne toutes ses propriétés; et de même qu'en prenant chaque propriété séparément pour base d'une équation particulière, on retrouverait, et l'équation ordinaire, et toutes les autres propriétés quelconques, de même l'ongle, l'omoplate, le condyle, le fémur, et tous les autres os pris séparément, donnent la dent ou se donnent réciproquement; et en commençant par chacun d'eux, celui qui posséderait rationnellement les lois de l'économie organique, pourrait refaire tout l'animal.

PIERRE JEAN BÉRANGER.

Pierre Jean Béranger est né à Paris, en 1780, d'une famille pauvre. Il fit son éducation presque tout seul par la lecture; mais il n'apprit ni le grec ni le latin. En 1809, il obtint une place de commis expéditionnaire dans les bureaux du ministère de l'instruction publique; il la perdit en 1821, après la publication de son second recueil de chansons. En 1830, ses amis arrivèrent au pouvoir, et lui offrirent des places et des honneurs; Béranger refusa tout. Nommé, en 1848, membre de l'assemblée nationale, il y alla une fois pour donner sa démission. Béranger a publié cinq recueils de chansons: le premier à la fin de 1815, le second à la fin de 1821, le troisième en 1825, le quatrième en 1828, le dernier, précédé d'une charmante et instructive préface, en 1833. Tantôt il célèbre la gloire et les

LES VIOLETTES. Hélas! violettes charmantes, Vous vous hâtez trop de fleurir. Au soleil ces neiges fumantes, Le verglas peut les recouvrir.

malheurs de sa patrie, les grandeurs et les infortunes de la famille impériale, l'humanité, la liberté, l'égalité; tantôt il chansonne la royauté des Bourbons, les nobles, les courtisans, les jésuites, le clergé, les vieux usages du passé. Le mérite de Béranger est d'avoir été créateur dans un genre qu'on croyait usé. Il sait introduire tous les tons dans la chanson; il y donne accès aux plus douces effusions de l'âme et aux plus fiers élans de la poésie lyrique. Son style est clair, pur, élégant et précis. On regrette que la poésie de Béranger soit épicurienne et sensuelle; on regrette surtout qu'un assez grand nombre de ses chansons ne puissent être amnistiées ni par la morale ni par le respect que nous devons à la religion. Il mourut le 16 Juillet 1857.

Mars nous garde encor des tourmentes. Naissez-vous aussi pour souffrir?

Bénis le ciel qui nous ordonne D'éclore en dépit des glaçons.

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Charmants oiseaux, connaissez l'homme.
Qu'il soit boucher, soldat, chasseur,
Il fusille, il sabre, il assomme,
Et trouve au sang de la douceur.
Les moins cruels sont ceux qu'on nomme
Bourreaux; soit dit bien entre nous.
Taisez-vous, oiseaux, taisez-vous.

Bon Dieu! c'est le chasseur qui tire!
Il blesse à l'aile une perdrix.
Son chien la prend; pauvre martyre!
Le chasseur, que gênent ses cris,
Lui brise la tête; elle expire.
Ce soir il médira des loups.
Taisez-vous, oiseaux, taisez-vous.

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Grands alors, nous pourrons des cieux
Montrer la route à ta pensée.
Et puis l'écho redit tout bas:
Ne t'en va pas.

Arbres et flots, oiseaux et roses,
Qui, je vous crois; adieu Paris.
Je m'amuse aux plus simples choses;
Quand je pense à Dieu, je souris.
Que me faut-il? Un peu d'ombrage,
Quelques pauvres pour me bénir;
Et, pour le long somme à venir,
Le cimetière du village.
Aussi l'écho redit tout bas:
Ne t'en va pas. (bis.)

ADIEUX DE MARIE STUART.

Adieu, charmant pays de France,

Que je dois tant chérir!
Berceau de mon heureuse enfance,
Adieu! te quitter c'est mourir.
Toi que j'adoptai pour patrie,
Et d'où je crois me voir bannir,
Entends les adieux de Marie,
France, et garde son souvenir.
Le vent souffle, on quitte la plage;
Et, peu touché de mes sanglots,
Dieu, pour me rendre à ton rivage,
Dieu n'a point soulevé les flots!

Lorsqu'aux yeux du peuple que j'aime,
Je ceignis les lis éclatants,
II applaudit au rang suprême
Moins qu'aux charmes de mon printemps.
En vain la grandeur souveraine
M'attend chez le sombre Écossais;
Je n'ai désiré d'être reine
Que pour régner sur des Français.

L'amour, la gloire, le génie,
Ont trop enivré mes beaux jours,
Dans l'inculte Calédonie

De mon sort va changer le cours.
Hélas! un présage terrible
Doit livrer mon cœur à l'effroi:
J'ai cru voir dans un songe horrible
Un échafaud dressé pour moi.

France, du milieu des alarmes,
La noble fille des Stuarts,
Comme en ce jour qui voit ses larmes,
Vers toi tournera ses regards.
Mais Dieu! le vaisseau trop rapide
Déjà vogue sous d'autres cieux;
Et la nuit, dans son voile humide,
Dérobe tes bords à mes yeux!
Adieu, charmant pays de France,
Que je dois tant chérir!
Berceau de mon heureuse enfance,
Adieu! te quitter c'est mourir!

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Qui, dans Athène, au nom de Chéronée,
Mêla jamais de sons harmonieux ?
Par la fortune Athène détrônée
Maudit Philippe et douta de ses Dieux.
Un jour pareil voit tomber notre empire,
Voit l'étranger nous rapporter des fers,
Voit des Français lâchement leur sourire.
Son nom jamais n'attristera mes vers.

Périsse enfin le géant de batailles !
Disaient les rois: Peuples, accourez tous.
La liberté sonne ses funérailles;

Par vous sauvés, nous régnerons par vous.
Le géant tombe, et ces nains sans mémoire
A l'esclavage ont voué l'univers.
Des deux côtés ce jour trompa la gloire.
Son nom jamais n'attristera mes vers.

Mais, quoi! déjà les hommes d'un autre
De ma douleur se demandent l'objet.
âge,
Que leur importe en effet ce naufrage?
Sur le torrent leur berceau surnageait.
Qu'ils soient heureux! leur astre qui se

lève

Du jour funeste efface les revers. Mais dût ce jour n'être plus qu'un vain rêve,

Son nom jamais n'attristera mes vers.

LES SOUVENIRS DU PEUPLE.

On parlera de sa gloire
Sous le chaume bien longtemps:
L'humble toit, dans cinquante ans,
Ne connaîtra plus d'autre histoire.
Là, viendront les villageois
Dire alors à quelque vieille:
Par des récits d'autrefois,
Mère, abrégez notre veille.
Bien, dit-on, qu'il nous ait nui,
Le peuple encor le révère,
Oui, le révère.

Parlez-nous de lui, grand'mère;
Parlez-nous de lui.

Mes enfants, dans ce village, Suivi de rois, il passa,

Voilà bien longtemps de ça; Je venais d'entrer en ménage. A pied grimpant le coteau Où pour voir je m'étais mise Il avait petit chapeau Avec redingote grise. Près de lui je me troublai, Il me dit: Bonjour, ma chère, Bonjour, ma chère.

Il vous a parlé, grand'mère.
Il vous a parlé !

L'an d'après, moi, pauvre femme,
A Paris étant un jour,

Je le vis avec sa cour:
Il se rendait à Notre-Dame.

Tous les cœurs étaient contents:
On admirait son cortège.
Chacun disait: Quel beau temps,
Le ciel toujours le protège.
Son sourire était bien doux;
D'un fils Dieu le rendait père,

Le rendait père,

- Quel beau jour pour vous, grand'mère!
Quel beau jour pour vous!

Mais, quand la pauvre Champagne
Fut en proie aux étrangers,
Lui, bravant tous les dangers,
Semblait seul tenir la campagne.
Un soir, tout comme aujourd'hui,
J'entends frapper à la porte.
J'ouvre: bon Dieu! c'était lui,
Suivi d'une faible escorte.
Il s'assied où me voilà,
S'écriant: Oh! quelle guerre!
Oh! quelle guerre!

- Il s'est assis là, grand'mère!
Il s'est assis là!

J'ai faim, dit-il; et, bien vite,
Je sers piquette et pain bis.
Puis il sèche ses habits,
Même à dormir le feu l'invite.

Au réveil, voyant mes pleurs,
Il me dit: Bonne espérance!
Je cours de tous ses malheurs,
Sous Paris, venger la France.
Il part, et comme un trésor
J'ai depuis gardé son verre,
Gardé son verre.

Vous l'avez encor, grand'mère,

Vous l'avez encor?

Le voici. Mais à sa perte
Le héros fut entraîné.
Lui qu'un pape a couronné,
Est mort dans une île déserte.
Longtemps aucun ne l'a cru;
On disait: Il va paraître.
Par mer il est accouru;
L'étranger va voir son maître.

Quand d'erreur on nous tira,
Ma douleur fut bien amère,
Fut bien amère.

Dieu vous bénira, grand'mère,
Dieu vous bénira.

LES OISEAUX.

L'hiver redoublant ses ravages Désole nos toits et nos champs: Les oiseaux sur d'autres rivages Portent leurs amours et leurs chants. Mais le calme d'un autre asile Ne les rendra pas inconstants: Les oiseaux que l'hiver exile Reviendront avec le printemps.

A l'exil le sort les condamne, Et plus qu'eux, nous en gémissons! Du palais et de la cabane

L'écho redisait leurs chansons.
Qu'ils aillent d'un bord plus tranquille
Charmer les heureux habitants.
Les oiseaux que l'hiver exile
Reviendront avec le printemps.

Oiseaux fixés sur cette plage,
Nous portons envie à leur sort;
Déjà plus d'un sombre nuage
S'élève et gronde au fond du nord.
Heureux qui, sur une aile agile,
Peut s'éloigner quelques instants!
Les oiseaux que l'hiver exile
Reviendront avec le printemps.

Ils penseront à notre peine,
Et, l'orage enfin dissipé,

Ils reviendront sur le vieux chêne
Que tant de fois il a frappé,
Pour prédire au vallon fertile
De beaux jours alors plus constants.
Les oiseaux que l'hiver exile
Reviendront avec le printemps.

LES HIRONDELLES.

Captif au rivage du Maure,
Un guerrier, courbé sous ses fers,
Disait: Je vous revois encore,
Oiseaux ennemis des hivers.
Hirondelles que l'espérance

Suit jusqu'en ces brûlants climats, Sans doute vous quittez la France; De mon pays ne me parlez-vous pas?

Depuis trois ans je vous conjure
De m'apporter un souvenir
Du vallon où ma vie obscure
Se berçait d'un doux avenir.

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