ページの画像
PDF
ePub

tions ou d'imitations des Latins et des Ita- | liens; mais il ne prend pas pour modèles les pièces régulières de l'Italie, c'est le théâtre de la foire qu'il imite, les imbroglios, commedie dell' arte, etc. Larivey, comme plus tard Molière et Lesage, admit de l'élément italien ce qu'il a de meilleur. Le comique italien est franc jusqu'à la grossièreté. Le Français aime à mettre de l'intelligence dans sa gaieté, l'Italien n'y met que du laisser aller; il plaisante pour plaisanter. La moquerie française n'est pas insignifiante; les bons mots français sont des jugements. Chez l'Italien, le rire, effet d'une nature plus expensive, prodigué sans raison, accepté sans scrupule, devient aisément contagieux; le Français y veut plus de retenue et de mystère; il se pique de ne rire qu'à bon escient, et le plus souvent il se borne à sourire. Telle est la différence des deux comiques; on conçoit qu'ils doivent gagner tous deux à se combiner, l'un de la franchise, l'autre de la finesse.

Larivey rappelle l'auteur de Pourceaugnac et de Scapin par la fécondité de ses plans, la complication de ses imbroglios, ses saillies vives et franches, et une certaine verve rapide, abondante, parfois épaisse, qui tient à la fois de Plaute et de Rabelais. Ces qualités se rencontrent principalement dans ses six premières pièces, bien supérieures aux trois qui les ont suivies. Avec l'abus des scènes de nuit, des travestissements, des surprises, des reconnaissances, l'obscénité en est le principal et habituel défaut. Quoi qu'il en soit pourtant de ces taches rebutantes, Larivey mérite, après l'auteur de Pathelin, d'être regardé comme le plus comique et le plus facétieux du vieux théâtre français. Sa comédie des Esprits est la meilleure de toutes.

L'intérêt qui s'attachait à ces pièces tomba avec les circonstances qui l'avaient fait naître. A cette crise succéda, dans le drame, comme ailleurs, une sorte de prostration morale. On avait perdu de vue le besoin d'amélioration artistique; le drame erra à l'aventure, cherchant de nouvelles voies et rentrant sans cesse dans les anciennes. On raviva les vieux mystères, la tragédie classique se maintint, on exploita l'Espagne, on se remit de plus belle au drame pastoral italien: le théâtre devint un véritable chaos. Henri IV lui-même ne put rien contre ce désordre; l'anarchie se prolongea jusqu'à Louis XIII.

Nous séparons de ces productions éphémères un poème tragique qui mérite une attention toute particulière. C'est le Sacrifice d'Abraham de Théodore de

Bèze, pièce sans distinction d'actes ou de scènes, bien qu'elle se compose d'un millier de vers. Le Sacrifice d'Abraham fut représenté par des écoliers, sous les yeux de l'auteur, vers 1552. De fait et d'intention ce poème dans sa totalité est une prédication de circonstance. Tout quitter, tout sacrifier pour le vrai culte de Dieu, bonheur domestique, pouvoir, affections puissantes; c'est-à-dire abandonner sa patrie, sa famille, ses enfants, tuer son cœur enfin, pour fuir l'esclavage de la papauté; voilà ce que la réforme demandait à ses adeptes; voilà ce qu'elle leur prêchait incessamment du haut de la chaire, dans les écrits de toute espèce; et le Sacrifice d'Abraham n'est qu'une de ces exhortations déguisées. Mais c'est en même temps une conception où brillent des beautés du premier ordre, et l'une des plus dramatiques du XVIe siècle. Le caractère de Satan y est tracé de main de maître, il y a beaucoup de verve dans le monologue qu'il débite en entrant en scène. Le Satan de Bèze n'est point le Satan heroïque de Milton, ni le Mephistophélès de Goethe, comme on l'a dit, mais le génie du mal sous la forme la plus infernale dont pût le couvrir l'imagination d'un théologien réformé; c'est Satan en habit de moine.

Un esprit créateur aurait trouvé un rôle magnifique à remplir. Il pouvait tout créer; les destinées de la scène française auraient été sans doute fixées pour longtemps, et peut-être eût-elle pris un essor encore plus élevé qu'elle ne fit dans la suite. Malheureusement ce génie manqua à la France. Hardy qui s'empara du théatre n'était pas l'homme que réclamait son époque, mais comme il en est l'écrivain le plus fécond, le plus populaire, et que l'ensemble de ses œuvres offre un résumé fidèle et complet des productions dramatiques du temps, il est indispensable de s'arrêter un moment sur lui.

Les confrères de la Passion étaient tombés en grand discrédit auprès de l'église, de la cour et des lettres. Chaque jour s'élevaient de nouvelles réclamations contre la grossièreté de leur répertoire, et le peu d'intelligence et de savoir-faire des acteurs. Cette portion même du public qui avait jusque-là suivi assidûment leurs représentations, commençait à leur manquer à mesure que se propageait le goût de la tragédie antique. Obligés d'opposer incessamment leur privilège exclusif aux troupes de comédiens qui tentaient de s'établir à Paris en concurrence avec eux, ils se résolurent à en finir et traitèrent, vers 1588, avec celle de ces troupes à laquelle ils

firent concession de leur privilège et de leur salle, en se réservant certains droits sur les places et la recette.' Telle fut l'origine du théâtre-français, et c'est parmi les comédiens nomades, qui s'établirent à l'hôtel de Bourgogne, qu'il faut aller chercher les ancêtres directs des sociétaires de Noyon.

ce que nous nommons aujourd'hui tragédie romantique: sujet presque toujours moderne, mélange du sérieux et du plaisant, et inobservance complète de la règle des trois unités.

Comme versificateur, Hardy observe rigoureusement la succession des rimes masculines et féminines, mais il viole sans Doué d'une facilité prodigieuse pour dia- scrupule la règle de l'élision. Plus intelliloguer, Alexandre Hardy († 1631) s'en-gible que ses prédécesseurs, il a quelques gagea, jeune encore, en qualité de poète traits d'une verve assez franche, quelques dans la troupe de comédiens que nous ve- vers qui ne sont dépourvus ni de grâce ni nons de voir s'établir à l'hôtel de Bour- de précision, mais ce ne sont que des éclairs; gogne, et pendant trente ans il défraya presque toujours d'ailleurs il est faible et par ses huit cents pièces la curiosité pu- prosaïque aussitôt qu'il n'est pas ampoulé, blique. Cette longue fécondité fut à peu il fourmille d'incorrections et d'inconvenanprès son unique mérite. Sans prétention ces, et l'on cherche vainement dans ses comme réformateur, il s'inquiéta avant tout ouvrages l'harmonie, la vigueur et les inde gagner ses gages en remplissant sa tentions poétiques de Garnier. La renomtâche de chaque jour, et l'on ne peut guère mée de Hardy, déjà minée par les succès aujourd'hui le louer d'autre chose que d'a- de ceux qui allaient le remplacer, mourut voir été un manœuvre laborieux et utile. avec lui.

Ainsi que les vieux dramaturges des halles, Pierre Gringore et Jean de Pontalais, Hardy travaillait pour être représenté et non pour être lu. Plus d'une fois, il eut à se plaindre de certains libraires qui imprimaient furtivement les grossières ébauches improvisées, au besoin, en deux ou trois matinées. Ce n'est que dans sa vieillesse qu'il se mit lui-même à faire un choix parmi ses innombrables productions, et à publier, en les corrigeant, les quarante et une pièces, tragédies, tragi-comédies et pastorales dont se compose son théâtre.

Par tragédie, Hardy comprend en général un sujet tiré de l'antiquité: La Mort de Daire, Alexandre, Coriolan Marianne, etc. La durée n'y dépasse pas les bornes d'un ou deux jours, et l'action s'y poursuit sans relâche. Enfin, la scène n'y change que dans un rayon très limité, du camp des Perses à celui des Macédoniens, par exemple, ou bien d'un appartement à un autre sans sortir du palais d'Hérode. Ce n'est plus la tragédie de Garnier, on le sent à l'absence habituelle des chœurs, à l'introduction du prologue, aux situations mieux développées, c'est déjà presque cette forme tragique dans laquelle Corneille paraît si à l'aise. Il n'y a guère de distance entre la Marianne, de Hardy, sa meilleure pièce, et celle de Tristan. La tragi-comédie de Hardy ressemble assez à

[blocks in formation]

Conclusion.

Entre le XVIe siècle et le XVIIe la langue française a subi une révolution qui, selon le sort de toutes les révolutions, l'a enrichie d'un côté et appauvrie de l'autre. Des recherches approfondies à cet égard seraient ici hors de propos, mais nous devons examiner rapidement quelles ont été les modifications principales que le XVIe siècle a apportées au fond constitutif de la langue et à la syntaxe.

Dans Villehardouin, les formes usuelles et communes de l'article sont: masc. sing. li, del, al (quelquefois au), le; plur. li, des, as, es (quelquefois aus), les; fém. sing. la, de la, à la, la; plur. les, des, es (as), les; dans Joinville: masc. sing. li, dou (du), au (moins fréquemment ou), le; plur. li, des, as (es, aus), les; fém. comme dans Villehardouin. Au seizième siècle, l'article est définitivement fixé tel qu'on s'en sert aujourd'hui; seulement ses composés sont plus riches de es pour dans les, et quelquefois encore pour à les, comme au moyenâge. Nous ne parlons pas des archaïsmes, tel que on que Rabelais emploie abusivement pour au, tandis que c'était une contraction pour en le, dans le.

Les substantifs, comparés à ceux qui se retrouvent dans le vocabulaire moderne, ne présentent guère, indépendamment du sens, que des différences grammaticales dans leur orthographe et dans le genre alors encore incertain de plusieurs d'entre eux.

Les adjectifs de la langue d'oïl formaient deux grandes classes: l'une comprenait ceux qui, soit au singulier, soit au pluriel, prenaient la désinence caractéristique du genre

(e); l'autre, ceux qui, invariables, quant au genre, ne changeaient point leur désinence. Les adjectifs de cette dernière classe se rencontrent encore en grande abondance dans les livres du XVIe siècle. On y trouve en outre plusieurs adjectifs employés dans le sens absolu qui deviennent ainsi substantifs et adverbes.

La langue d'oïl employait, soit comme sujet, soit comme attribut, la forme inaccentuée du pronom personnel, même lorsque celui-ci était accentuée, et où le français moderne met toujours la forme pleine. On a, au XVIe siècle, des exemples de cet usage, mais ils sont bien rares, et la plupart du temps on ne peut les compter pour la trace d'un usage encore existant, c'est de l'archaisme. La préposition à cesse d'être nécessaire pour faire de lui un datif, qu'on nous passe le terme. Au contraire, on retrouve à elle, à eux, pour lui féminin et leur pluriel. Il en est de même pour à moy, à toy, à soy, qui finissent cependant, vers la fin du siècle, par devenir me, te, se, quand ils sont régimes des verbes.

Passant aux pronoms démonstratifs, nous ne trouvons plus, dans les livres du XVIe siècle, ni le cist, ni le cil ni le cel de la langue d'oïl; mais nous y rencontrons ce, cest, ceste, ces; cestuy, celui, celle, ceulx, seuls ou joints à cy et là; enfin la forme affixée iceluy, icelle, iceulx. Celui, celle, s'employaient au moyen-âge avec un substantif; au XVIe siècle cet usage est rare, surtout à la fin de notre période. Cestuy dont on se servit longtemps seul comme possédant en soi assez de force démonstrative, finit par ne plus être en usage qu'avec cy et là. Iceluy remplit d'abord fréquemment le rôle du pronom personnel, soit comme sujet, soit comme régime. Rabelais et Calvin s'en servent cependant avec économie, ils lui substituent le pronom personnel sujet ordinairement, quelquefois régime; tandis que Montaigne le remplace par cestui-cy, celui-cy, etc. La Satire Menippée n'en offre que très peu d'exemples. On doit regretter la perte de cet utile pronom. Les mots qu'on lui substitue en quelques cas ne peuvent le remplacer dans tous ses emplois, et les tours de phrase auxquels l'écrivain doit avoir recours pour le suppléer sont souvent nuisibles à la marche de la pensée, sans parler de la brièveté qu'il donnait à la phrase.

On rencontre mien, tien, sien après le démonstratif ce et l'article nonpronom

1 Icelui est relégué dans le vocabulaire de la procédure.

déterminant, toutefois cet usage est bien moins fréquent qu'au XVe siècle.

Plus on avance dans le XVIe siècle, plus le que, rappelant les fonctions ordinaires de quod et de quæ, se fait précéder de ce. Rabelais et les poètes emploient ce que pour ce qui, mais les autres écrivains ne connaissent guère cet usage.

L'orthographe de certaines personnes des verbes est encore très indécise, ainsi que la forme de l'imparfait de subjonctif. C'est là qu'on trouve dans tous les auteurs le plus de restes de la langue d'oïl.

En fait d'adverbes nous trouvons entre autres aucunesfois, en après, à la parfin, jà, lors à coté de déjà, alors, en brief, et avec la même signification, en somme, de là et dès là en avant, ores, oncq ou oncques, onques, paravant, prou, moult, qui se retire cependant devant trop et beaucoup, mon, dans les expressions semblables à celles-ci: sçavoir mon, c'est mon, etc., dont Rabelais, Montaigne et Amyot font un fréquent usage. Molière s'est encore servi de ça mon, proprement ce a mon.

A l'égard des prépositions, nous remarquons environ de pour autour de, endroit, bien que rarement, à souvent avec la signification de pour, par, oultre pour contre, au regard de pour à l'égard de, auprès de avec la signification de en comparaison de, etc. Les composés dedans, dessus, dessous, que les grammairiens modernes restreignent, sans autorité aucune, au rôle d'adverbe, se trouvent employés comme adverbes et prépositions. Molière, La Fontaine, Bossuet, Pascal en usaient encore de même.

Parmi les conjonctions, nous indiquons ains pour mais, mais bien, mais bien plutôt, mais au contraire; pourceque au lieu de parceque, quoique, comme dans la langue d'oil, parceque ne soit pas inconnu; combien que, que l'encore moderne supplée à peu près, pourtant pour par conséquent, pourtant que pour puisque; jà soit que; oultre plus pour d'ailleurs; parquoy pour aussi conjonctif; ores que, pour encore que, etc.

La langue d'oïl traduisait le nec latin par ne et ni. Les trouvères faisaient usage de ne de préférence à ni. Au XVIe siècle nous rencontrons ne pour ny et ny pour ne, mais déjà avant la fin de notre période ny domine de beaucoup. Comme date, nous dirons que Robert Estienne traduit encore nec par ne, cependant il admet ni devant ne, adverbe de négation.

Joignant à ces détails ceux que nous avons donnés sur la langue de chacun des grands écrivains de l'époque, on voit, qu'il y avait au seizième siècle déjà du vieux et du nouveau français. Plusieurs prosateurs

distingués s'attachèrent au vieux français, que protégeaient aussi la Pléiade et son chef; néanmoins il perdait chaque jour du terrain. D'autres mots s'introduisaient dans le vocabulaire et chassaient peu à peu de leur place les anciens: les uns venaient du latin; les autres, arrivés d'Italie, s'étaient d'abord montrés dans la langue des courtisans, d'où ils passèrent dans l'idiome vulgaire et s'y établirent d'autant plus solidement qu'ils étaient puisés à la source du français. Puis vint le réformateur calviniste, qui s'éloigna de l'ancien vocabulaire. Il puisa, à la vérité, dans le fond commun de la langue française plus encore que dans le latin; mais sa pensée sévère n'eut pas besoin de ces mots naïfs que l'on retrouve avec tant de plaisir dans les vieux auteurs. Son école, moins spirituelle que lui, resserra davantage encore le cercle. Ainsi, au XVIe siècle, l'étude de l'antiquité, l'influence de l'Italie et le calvinisme contribuèrent à l'amoindrissement de la portion pittoresque et poétique du vocabulaire français.

Jusqu'à la réformation, les écrivains français avaient peu étendu les ressources dialectiques de l'idiome national. Cela s'explique facilement. Durant tout le moyenâge, la littérature française a une forme essentiellement narrative: ou elle raconte des faits soit réels, soit fictits, ou elle veut exprimer des idées morales, et alors, les personnifiant, elle en fait des types qu'elle analyse ou décrit, en racontant encore. Il n'y a pas là de quoi faire avancer une langue dans les voies de la comparaison et de la logique. Commines lui-même ne peut faire exception, car les observations morales et les considérations de tout genre qu'il sème dans ses Mémoires ne font qu'un avec le récit. S'il ne peut prendre ce tour narratif, il est embarrassé.

Les termes conjonctifs nécessaires à l'enchaînement des idées et à l'indication de leurs rapports, sans lesquels il n'y a ni langue ni patois, existaient sans doute dans le français vulgaire; mais il ne possédait pas encore à un degré suffisant la manière d'user des termes transitoires et des autres combinaisons du langage, pour agrandir les ressources de la pensée et du raisonnement. Exprimer toutes les nuances des rapports, disposer habilement la face particulière d'une idée, mettre en relief la partie par laquelle on la conjoint à une autre, enfin manier avec quelque adresse l'appareil grammatical de la déduction, c'était là un art dans l'enfance, et l'honneur revient pour une grande part à Calvin d'en avoir montré les procédés et la pratique.

L'entourage de Calvin et tout le peuple

protestant, qui s'était principalement recruté dans les rangs instruits de la nation, façonnaient leur langage sur celui du maître. Les sermons en langue vulgaire, les écrits théologiques, qu'on étudiait avec ardeur, en affermissaient les formes dans la mémoire. Le camp ennemi, pour balancer les chances de succès, fut obligé de s'exercer aux mêmes armes. On en vint aux mains, et les pamphlets que se lançaient les deux partis servaient aux progrès communs de l'idiome national. Au milieu de cette guerre des esprits, qui tuait les corps, tout le monde pensait, tout le monde du moins parlait, et la langue se développait rapidement par la multiplicité des rapports qu'elle devait exprimer.

A prendre l'ensemble des ouvrages français du XVe siècle, les particularités de syntaxe qui frappent au premier coup d'œil sont les suivantes: Usage continuel des inversions, suppression fréquente de l'article devant les noms, retranchement des pronoms sujets devant les verbes, ellipses hardies, enfin emploi de l'infinitif comme substantif. Voyons ce que le XVIe siècle a conservé de ces habitudes syntactiques.

Au commencement du XVIe siècle, l'inversion est encore d'un usage général; mais plus on avance, plus on la voit disparaître rapidement de la prose, et à la fin de la période on aurait déjà pu regretter, comme Fénelon le fit plus tard, qu'elle ait été presque complétement bannie. Elle se maintint un peu plus longtemps dans la poésie.

La suppression si fréquente de l'article déterminant donna au vieux français un de ses aspects les plus connus; aux abords du XVIe siècle, ce caractère est encore frappant. Les poètes conservèrent d'abord l'habitude de rejeter l'article, quelques chroniqueurs les imitèrent; en revanche, la prose populaire de la même époque manifeste déjà le triomphe de l'article. Les grands prosateurs du siècle en firent un usage de plus en plus habituel. En 1549, Joachim Du Bellay se prononça contre l'omission de l'article. Seulement, dans une série de substantifs liés par et ou par ou, il se contente de prendre place devant le premier; c'est assez lentement qu'il étend ses privilèges.

A la fin du XVe siècle, le pronom tendait déjà à s'établir devant le verbe, dans la prose, du moins. Au XVIe siècle il y prend tout à fait pied, et vers 1560 les grands prosateurs ne le suppriment guère que dans les cas où il manque encore aujourd'hui.

Abréger à propos, comme disait Estienne,

c'était un des instincts de la langue, celui | Ainsi tournée en verbe, l'idée saisit avec auquel elle obéissait le plus volontiers. plus de vivacité l'imagination que sous l'enAussi la bonne prose du XVIe siècle, ex- veloppe du substantif qui la présente abscepté celle de Calvin, fait-elle encore sou- traitement. C'est pour cela que le subvent usage de l'ellipse. Calvin la rejetait stantif a fini par prévaloir chez les écrivains parce qu'elle était tout à fait contraire à protestants. Il est à regretter que cette sa méthode d'exposition. Ses successeurs victoire se soit étendue à l'usage commun. y ont encore plus rarement recours. Amyot Vers la fin de notre période, l'infinitif emet Montaigne, au contraire, la conservent, ployé comme substantif était sans doute en usent avec mesure et bonheur, et leur plus fréquent qu'au XVIIe siècle, qui, à influence sans doute la soutint longtemps cet égard, se distingue encore assez du contre la tendance contraire. Mais enfin, nôtre, mais il avait déjà perdu beaucoup de banni de la langue, dès lors tyrannique- terrain. ment jalouse de sa clarté, ce procédé grammatical si fécond en tours heureux n'est plus apparu que de loin en loin avec bonheur. L'emploi de l'infinitif comme substantif était une précieuse ressource du langage; aussi Montaigne et Amyot la retinrent, et ce dernier surtout en tira un grand parti.

En résumé, si l'on compare la langue du XVIe siècle vers son issue avec celle du temps de Richelieu, on trouve que les différences sont surtout lexicologiques, et il ne reste plus que des traces peu profondes des anciennes habitudes syntactiques du langage.

QUATRIÈME PÉRIODE.

XVIIe Siècle.

Le siècle de Louis XIV a brillé d'un si vif éclat qu'on s'est habitué à faire graviter autour du grand roi toutes les célébrités de la période qui va nous occuper. C'est une erreur bien pardonnable sans doute, mais l'inexorable chronologie réclame au profit de l'âge précédent quelques noms que la lumière de cette glorieuse époque n'a pu faire pâlir. D'ailleurs, la littérature ne pouvait demeurer étrangère aux notables changements qui s'opérèrent dans le monde politique depuis la mort de Henri IV jusqu'au règne de Louis XIV. Voyons donc avant tout quels sont les grands faits dont il faut partir pour suivre l'action immédiate de la politique sur le génie des écrivains du XVIIe siècle.

Le premier que nous avons à signaler, c'est la mort de Henri IV (1610). L'indifférentisme religieux du Béarnais, en lui aplanissant les voies du trône, avait amené une transaction d'autant plus facile entre les partis, qu'ils étaient fatigués de la guerre. Grâce à cette force de génie Henri IV avait pu préparer la stabilité de la monarchie française et asseoir la société sur une base inébranlable. Le poignard de Ravaillac rouvrit l'arène aux passions religieuses et alluma la guerre de Trente ans.

scan

La régence de Marie de Médicis et les premières années de la majorité de Louis XIII furent fécondes en troubles et en dales. Pour revenir à l'ordre dans l'Etat, aux grands desseins qui affermissent les empires, il fallait qu'un homme de génie renouât la chaîne interrompue. Cet homme fut le cardinal de Richelieu. Son règne de dix-huit ans forme pour nous le second moment historique important du XVIIe siècle.

Richelieu avait affermi la monarchie française et uni par des liens étroits toutes les parties de ce vaste Etat. Ses efforts avaient mis dans les mains du roi toutes les forces de la nation. Mazarin, héritier de ses principes, maintint les institutions telles qu'il les avait trouvées. C'est sous le ministère de cet habile Italien que s'accomplit le fait politique le plus marquant du siècle. Nous voulons parler de la paix de Westphalie (1648). Ce traité, en combinant les forces matérielles et morales des puissances belligérantes, mit fin à la lutte séculaire de deux principes ennemis, et transporta en France la prépondérance politique de l'Autriche.

A peine la paix était-elle signée avec l'Europe, que la guerre de la Fronde éclata (1648 à 1653). Après la Fronde tout s'apaise

« 前へ次へ »