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ALPHONSE DE LAMARTINE.

Alphonse de Lamartine est né à Mâcon, en 1790. Il fit ses études au collège des jésuites, à Belley, et compléta son éducation par des voyages. En 1814, il entra dans les gardes du corps, en qualité d'officier de cavalerie. Après deux années de service, il se remit à voyager. En 1820, il revint à Paris, et publia un volume de poésies intitulées Méditations poétiques. Le succès de cet ouvrage fut immense; le vrai public l'accueillit comme il avait reçu vingt ans auparavant le Génie du Christianisme. L'auteur faisait, en effet, dans la poésie, la réforme que Chateaubriand avait opérée dans la prose. On voyait renaître une poésie inspirée, chrétienne, naturelle, qui respirait l'enthousiasme religieux, l'amour de la nature, la sympathie pour les douleurs humaines, les émotions tendres et pieuses, le goût de la solitude et de la rêverie. Lamartine soutint la gloire de ses brillants débuts dans les Nouvelles méditations poétiques (1823), et dans les Harmonies poétiques et religieuses (1830). Ce dernier recueil, où il atteignit le plus haut point de son développement lyrique, présente un caractère nouveau. L'inspiration y est plus large, plus hardiment religieuse. Les Harmonies sont de véritables hymnes, pleines d'enthousiasme et de grandeur. Le monde extérieur y apparaît sans doute et même avec un admirable éclat, mais il s'y montre tout rempli, tout pénétré de Dieu. En 1836, Lamartine a publié le poème de Jocelyn, épisode d'une grande épopée qu'il promit d'écrire sur l'humanité. Deux ans plus tard, il en a donné un second intitulé la Chute d'un ange. L'auteur a acquis dans ces deux ouvrages des qualités nouvelles, telles que le pathétique du récit, la richesse de la description, l'expression des sentiments simples et les détails poétiques de la vie vulgaire; mais ces qualités sont moins originales, moins puissantes que les dons qu'il possédait dans ses premiers poèmes, et l'on dirait qu'en voulant enrichir son génie, il en a souvent altéré la candeur. Depuis, il a publié encore un volume de poésies sous le titre de Recueillements poétiques, composé de pièces de vers adressés à diverses personnes. Il a eu peu de

PRÉLUDES.

Un vent caresse ma lyre:
Est-ce l'aile d'un oiseau?
Sa voix dans le cœur expire,
Et l'humble corde soupire
Comme un flexible roseau.

O vallons paternels! doux champs, humble
chaumière,
Aux bords penchants des bois suspendus aux
coteaux,

Dont l'humble toit, caché sous des touffes
de lierre,

Ressemble au nid sous les rameaux!

Gazons entrecoupés de ruisseaux et d'ombrages,

Seuil antique où mon père, adoré comme un roi,

Comptait ses gras troupeaux rentrant des pâturages,

Ouvrez-vous! ouvrez-vous! c'est moi.

Voilà du dieu des champs la rustique de

meure.

succès. Lamartine a une inspiration facile et abondante qui lui permet d'écrire en vers aussi vite qu'en prose. Les strophes les plus riches et les plus élégantes ne lui coûtent rien; mais la forme n'est pas toujours aussi pure et aussi parfaite qu'on pourrait le désirer. On reproche à Lamartine le vague de ses peintures, la surabondance de ses descriptions, une profusion d'images souvent fausses, une accumulation de détails où quelques traits feraient de l'effet, et beaucoup de négligences de rime et de langue. Il oublie trop que les fautes de diction ont le grand inconvénient de distraire l'attention et de nuire à l'effet de l'ensemble. Malgré ces défauts, c'est un des plus grands poètes de la littérature française. Aucun ne peut lui être comparé pour la force des émotions, pour la gracieuse liberté des mouvements, pour la variété, la magnificence, la grandeur des images. La poésie n'est qu'une brillante moitié de la gloire littéraire de Lamartine. Il à écrit en prose des Souvenirs et impressions pendant un voyage en Orient, livre incomplet, souvent formé de notes à peine terminées, mais d'une grande richesse descriptive; une Histoire des Girondins, brillante œuvre d'art, d'imagination et de style, qui laisse beaucoup à désirer sous le rapport de l'exactitude et de la vérité; le récit de son enfance et de sa jeunesse dans Mes Confidences et dans Raphael, où l'on trouve des pages fraîches et gracieuses, mais dont il faut bien se garder de prendre tous les renseignements à la lettre; une Histoire de la révolution de 1848, apologie du gouvernement provisoire et surtout de l'auteur; etc. Le style de tous ces ouvrages est facile, abondant, flexible, brillant, harmonieux; mais on y désirorait plus de correction, de précision, de simplicité; plus de mesure dans les images et de sobriété dans les détails, moins de cette monotonie toujours grandiose et splendide. Le principal défaut de Lamartine historien est d'oublier trop souvent que la raison doit dominer l'imagination, et qu'une exactitude sévère est le premier mérite du narrateur. Il mourut le 1 mars 1869.

J'entends l'airain frémir au sommet de ses tours;

Il semble que dans l'air une voix qui me pleure

Me rappelle à mes premiers jours.

Oui, je reviens à toi, berceau de mon en-
fance,
Embrasser pour jamais tes foyers protec-
teurs;
Loin de moi les cités et leur vaine opu-
lence!
Je suis parmi les pasteurs!

Enfant, j'aimais comme eux à suivre dans
la plaine
Les agneaux pas à pas, égarés jusqu'au

soir;
A revenir, comme eux, baigner leur tendre
laine

Dans l'eau courante du lavoir.

J'aimais à me suspendre aux lianes légères, A gravir dans les airs de rameaux en rameaux,

Pour ravir, le premier, sous l'aile de leurs Ou creuser mollement, au sein de la prairie,

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Les lits murmurants des ruisseaux;

Le soir, assis en paix au seuil de la chau

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L'onde n'a plus le murmure Dont elle enchantait les bois; Sous des rameaux sans verdure Les oiseaux n'ont plus de voix; Le soir est près de l'aurore, L'astre à peine vient d'éclore Qu'il va terminer son tour, Il jette par intervalle Une heure de clarté pâle Qu'on appelle encore un jour.

L'aube n'a plus de zéphire Sous ses nuages dorés, La pourpre du soir expire Sur les flots décolorés, La mer solitaire et vide N'est plus qu'un désert aride Où l'œil cherche en vain l'esquif, Et sur la grêve plus sourde La vague orageuse et lourde N'a qu'un murmure plaintif.

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C'est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants:
Ils tombent alors par mille,
Comme la plume inutile
Que l'aigle abandonne aux airs,
Lorsque des plumes nouvelles
Viennent réchauffer ses ailes
A l'approche des hivers.

C'est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu'à la lumière
Dieu n'a pas laissés mûrir!
Quoique jeune sur la terre,
Je suis déjà solitaire

Parmi ceux de ma maison,
Et quand je dis en moi-même :
Où sont ceux que ton cœur aime?
Je regarde le gazon.

Ah! quand les vents de l'automne
Sifflent dans les rameaux morts,
Quand le brin d'herbe frissonne,
Quand le pin rend ses accords,
Quand la cloche des ténèbres
Balance ses glas funèbres,
La nuit à travers les bois,
A chaque vent qui s'élève,
A chaque flot sur la grève,

Je dis: N'es-tu pas leur voix?

Ah! vous pleurer est le bonheur suprême

Mânes chéris, de quiconque a des pleurs! Vous oublier c'est s'oublier soi-même: N'êtes-vous pas un débris de nos cœurs?

En avançant dans notre obscur voyage, Du doux passé l'horizon est plus beau, En deux moitiés notre âme se partage, Et la meilleure appartient au tombeau!

Dieu du pardon! leur Dieu! Dieu de leurs pères!

Toi que leur bouche a si souvent nommé! Entends pour eux les larmes de leurs frères!

Prions pour eux, nous qu'ils ont tant aimé!

Étends sur eux la main de ta clémence, Ils ont péché; mais le ciel est un don! Ils ont souffert; c'est une autre innocence!

Ils ont aimé; c'est le sceau du pardon!

LE CHÊNE.

Voilà ce chêne solitaire

Dont le rocher c'est couronné, Parlez à ce tronc séculaire, Demandez comment il est né.

Un gland tombe de l'arbre et roule sur la terre, L'aigle à la serre vide, en quittant les vallons,

S'en saisit en jouant et l'emporte à son aire Pour aiguiser le bec de ses jeunes aiglons; Bientôt du nid désert qu'emporte la tempête

Il roule confondu dans les débris mouvants, Et sur la roche nue un grain de sable ar

rête

Celui qui doit un jour rompre l'aile des vents;

L'été vient, l'aquilon soulève

La poudre des sillons qui pour lui n'est qu'un jeu,

Et sur le germe éteint où couve encor la sève

En laisse retomber un peu!
Le printemps de sa tiède ondée
L'arrose comme avec la main,
Cette poussière est fécondée,
Et la vie y circule enfin !

La vie à ce seul mot tout œil, toute pensée,

S'inclinent confondus et n'osent pénétrer;
Au seuil de l'Infini c'est la borne placée;
Où la sage ignorance et l'audace insensée
Se rencontrent pour adorer!
Il vit, ce géant des collines!
Mais avant de paraître au jour,
Il se creuse avec ses racines
Des fondements comme une tour.
Il sait quelle lutte s'apprête,
Et qu'il doit contre la tempête
Chercher sous la terre un appui;
Il sait que l'ouragan sonore
L'attend au jour! ou, s'il l'ignore,
Quelqu'un du moins le sait pour lui!

Ainsi quand le jeune navire
Où s'élancent les matelots,
Avant d'affronter son empire,
Veut s'apprivoiser sur les flots,
Laissant filer son vaste câble,
Son ancre va chercher le sable

Jusqu'au fond des vallons mouvants,
Et sur ce fondement mobile
Il balance son mât fragile

Et dort au vain roulis des vents!

Il vit! le colosse superbe
Qui couvre un arpent tout entier,
Dépasse à peine le brin d'herbe
Que le moucheron fait plier!
Mais sa feuille boit la rosée,
Sa racine fertilisée

Grossit comme une eau dans son cours,
Et dans son cœur qu'il fortifie
Circule un sang ivre de vie

Pour qui les siècles sont des jours!

Les sillons où les blés jaunissent
Sous les pas changeants des saisons,
Se dépouillent et se vêtissent
Comme un troupeau de ses toisons;
Le fleuve naît, gronde et s'écoule,
La tour monte, vieillit, s'écroule,
L'hiver effeuille le granit,
Des générations sans nombre
Vivent et meurent sous son ombre,
Et lui? voyez! il rajeunit!

Son tronc que l'écorce protège,
Fortifié par mille nœuds,
Pour porter sa feuille ou sa neige
S'élargit sur ses pieds noueux;
Ses bras que le temps multiplie,
Comme un lutteur qui se replie
Pour mieux s'élancer en avant,
Jetant leurs coudes en arrière,
Se recourbent dans la carrière
Pour mieux porter le poids du vent!

Et son vaste et pesant feuillage,
Répandant la nuit alentour,
S'étend, comme un large nuage,
Entre la montagne et le jour;
Comme de nocturnes fantômes,
Les vents résonnent dans ses dômes,
Les oiseaux y viennent dormir,
Et pour saluer la lumière
S'élèvent comme une poussière,
Si la feuille vient à frémir!

La nef dont le regard implore
Sur les mers un phare certain,
Le voit tout noyé dans l'aurore,
Pyramider dans le lointain!

Le soir fait pencher sa grande ombre,
Des flancs de la colline sombre
Jusqu'au pied des derniers coteaux.
Un seul des cheveux de sa tête
Abrite contre la tempête

Et le pasteur et les troupeaux!

Et pendant qu'au vent des collines
Il berce ses toits habités,

Des empires dans ces racines,
Sous son écorce des cités;
Là, près des ruches des abeilles,
Arachné tisse ses merveilles,
Le serpent siffle, et la fourmi
Guide à des conquêtes de sables
Ses multitudes innombrables
Qu'écrase un lézard endormi!

Et ces torrents d'âme et de vie,
Et ce mystérieux sommeil,
Et cette sève rajeunie
Qui remonte avec le soleil;
Cette intelligence divine
Qui pressent, calcule, devine
Et s'organise pour sa fin!
Et cette force qui renferme
Dans un gland le germe du germe
D'êtres sans nombres et sans fin!

Et ces mondes de créatures
Qui, naissant et vivant de lui,
Y puisent être et nourritures
Dans les siècles comme aujourd'hui ;
Tout cela n'est qu'un gland fragile
Qui tombe sur le roc stérile
Du bec de l'aigle ou du vautour!
Ce n'est qu'une aride poussière
Que le vent sème en sa carrière,
Et qu'échauffe un rayon du jour!

Et moi, je dis: Seigneur! c'est toi seul, c'est ta force,

Ta sagesse et ta volonté,

Ta vie et ta fécondité,

Ta prévoyance et ta bonté!

Le ver trouve ton nom gravé sous son

écorce,

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