Qu'elle fasse couler les pleurs du repentir, Je voudrais maintenant vider jusqu'à la Et que des passions l'ivresse téméraire lie. Ce calice mêlé de nectar et de fiel: Peut-être l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur, dont l'espoir est perdu! Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore Aurait compris mon âme et m'aurait répondu! La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire: A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux; Moi, je meurs, et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux. Se calme à votre souvenir. Ainsi dans la vertu ma jeunesse formée, A son dernier soupir mon âme défaillante LE CRUCIFIX. Toi que j'ai recueilli sur sa bouche expirante Avec son dernier souffle et son dernier adieu, Symbole deux fois saint, don d'une main mourante, Image de mon Dieu! Que de pleurs ont coulé sur tes pieds que j'adore, Depuis l'heure sacrée où, du sein d'un martyr, Dans mes tremblantes mains tu passas, tiède encore De son dernier soupir! Les saints flambeaux jetaient une dernière flamme, Le prêtre murmurait ces doux chants de la mort, Quand des chants, des sanglots, la confuse harmonie N'éveille déjà plus notre esprit endormi; Aux lèvres du mourant collé dans l'agonie, Comme un dernier ami; Pour éclaircir l'horreur de cet étroit passage, Pour relever vers Dieu son regard abattu, Divin consolateur, dont nous baisons l'image, Réponds! Que lui dis-tu? Tu sais, tu sais mourir! et tes larmes divines, Dans cette nuit terrible où tu prias en vain, De l'olivier sacré baignèrent les racines De la croix, où ton œil sonda ce grand terre, Et ton corps au cercueil! Au nom de cette mort, que ma faiblesse obtienne De rendre sur ton sein ce douloureux Je chercherai la place où sa bouche ex- Au sein du même Dieu. 30 Sur un écueil battu par la vague plaintive Le nautonnier de loin voit blanchir sur la rive Un tombeau près du bord par les flots arrosé; Le temps n'a pas encor bruni l'étroite pierre, Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre On distingue... un sceptre brisé ! Ici gît... point de nom!... demandez à la terre! Ce nom? il est inscrit en sanglant caractère, Des bords du Tanaïs au sommet du Cédar, Sur le bronze et le marbre, et sur le sein des braves, Et jusque dans le cœur de ces troupeaux d'esclaves Tu grandis sans plaisir, tu tombas sans Ils passaient devant toi comme des flots murmure. Rien d'humain ne battait sous ton épaisse armure: Sans haine et sans amour, tu vivais pour penser, Comme l'aigle régnant dans un ciel solitaire, Tu n'avais qu'un regard pour mesurer la terre, Et des serres pour l'embrasser! S'élancer d'un seul bond au char de la victoire, Foudroyer l'univers des splendeurs de ta gloire, Fouler d'un même pied des tribuns et des rois, Forger un joug trempé dans l'amour et la haine, Et faire frissonner sous le frein qui l'enchaîne Un peuple échappé de ses lois; Être d'un siècle entier la pensée et la vie, Vingt fois contre les dieux jouer le sort du monde, Quel rêve!!! et ce fut ton destin!... Tu tombas cependant de ce sublime faîte, Sur ce rocher désert jeté par la tempête Tu vis tes ennemis déchirer ton manteau: Et le sort, ce seul dieu qu'adora ton audace, Pour dernière faveur t'accorda cet espace Entre le trône et le tombeau. Oh! qui m'aurait donné d'y sonder ta pensée, Lorsque le souvenir de ta grandeur passée Venait, comme un remords, t'assaillir loin du bruit, Et que, les bras croisés sur ta large poitrine, Sur ton front chauve et nu, que la pensée incline, L'horreur passait comme la nuit! Tel qu'un pasteur debout sur la rive profonde Voit son ombre de loin se prolonger sur l'onde, Et du fleuve orageux suivre, en flottant, le cours; Tel du sommet désert de ta grandeur suprême, Dans l'ombre du passé te recherchant toimême, Tu rappelais tes anciens jours. sublimes, Dont l'œil voit sur les mers étinceler les cimes, Ton oreille écoutait leur bruit harmonieux; Et d'un reflet de gloire éclairant ton visage, Chaque flot t'apportait une brillante image Que tu suivais longtemps des yeux. Là sur un pont tremblant tu défiais la foudre; Là du désert sacré tu réveillais la poudre; Ton coursier frissonnait dans les flots du Jourdain. Là tes pas abaissaient une cime escarpée. Là tu changeais en sceptre une invincible épée. Ici... Mais quel effroi soudain? Pourquoi détournes-tu ta paupière éperdue? D'où vient cette pâleur sur ton front répandue? Qu'as-tu vu tout à coup dans l'horreur du passé? Est-ce de vingt Ou du sang des cités la ruine fumante, humains quelque plaine écumante? Mais la gloire a tout effacé. |