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Ta colline, où j'ai vu paraître Un beau jour qui s'est éclipsé, J'ai rêvé que j'en étais maître; Adieu! ce doux rêve est passé.

Assis sur la rive opposée,
Je te vois, lorsque le soleil
Sur tes gazons boit la rosée,
Sourire encore à ton réveil,
Et, d'un brouillard pâle entourée,
Quand le jour meurt avec le bruit,
Blanchir comme une ombre adorée

Qui vous apparaît dans la nuit.

Doux trésor de ma moisson mûre,
De vos épis un autre est roi;
Tilleuls dont j'aimais le murmure,
Vous n'aurez plus d'ombre pour moi.
Ton coq peut tourner à sa guise,
Clocher, que je fuis sans retour:
Ce n'est plus à moi que la brise
Lui dit d'annoncer un beau jour.

Cette fenêtre était la tienne,
Hirondelle, qui vins loger
Bien des printemps dans ma persienne,
Où je n'osais te déranger;
Dès que la feuille était fanée,
Tu partais la première, et moi,
Avec toi je pars cette année:
Mais reviendrai-je comme toi?

Ainsi tout passe, et l'on délaisse
Les lieux où l'on s'est répété:
„Ici luira sur ma vieillesse
L'azur de mon dernier été."
Heureux, quand on les abandonne,
Si l'on part, en se comptant tous,
Si l'on part sans laisser personne
Sous l'herbe qui n'est plus à vous.

Adieu, mystérieux ombrage,
Sombre fraîcheur, calme inspirant;
Mère de Dieu, de qui l'image
Consacre ce vieux tronc mourant,
Où, quand son heure est arrivée,
Le passereau loin des larcins
Vient cacher sa jeune couvée
Dans les plis de tes voiles saints.

Adieu, chapelle qui protège
Le pauvre contre ses douleurs;
Avenue, où foulant la neige
De mes acacias en fleurs,
Lorsque le vent l'avait semée

Du haut de leurs rameaux tremblants,
Je suivais quelque trace aimée,
Empreinte sur ses flocons blancs.

Adieu, flots, dont le cours tranquille Couvert de berceaux verdoyants,

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Soyez immortels, vous tous que nous N'entends-je pas gémir sous ces portiques

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Vous, relevez les murs! vous, préparez les | Et la mer à vos pieds s'y brise en mur

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Autour de ce rocher rassemblez-vous, vieil- Qui des Perses jadis a glacé le courage!

lards!

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Sortez par ce portique, il est d'heureux

présage;

Pour revenir vainqueur, par là sortit Cimon; C'est là que de son père on suspendit l'image! Partez, marchez, courez! vous courez au carnage,

C'est le chemin de Marathon.

O sommets de Taygète, ô débris du Pyréc, O Sparte! entendez-vous leurs cris victo

rieux?

La Grèce a des vengeurs, la Grèce est délivrée,

La Grèce a retrouvé ses héros et ses dieux!

FRANÇOIS GUIZOT.

François Guizot, historien, publiciste, orateur et homme d'Etat éminent, est né à Nîmes, en 1787. 11 est fils d'un avocat protestant mort sur l'échafaud révolutionnaire. Après de fortes études, il se fit précepteur, et appela bientôt l'attention sur lui par plusieurs publications littéraires. Il publia successivement un nouveau Dictionnaire des synonymes de la langue française, remarquable de précision, mais où la partie linguistique est trop négligée; une Vie de Corneille et de Shakespeare, excellentes études sur ces deux grands hommes; une traduction de Gibbon, avec des notes historiques d'un haut intérêt. En 1812, Guizot fut nommé professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres, et le cours qu'il y professa fonda sa réputation d'historien. Voici le jugement de A. Thierry sur les travaux de Guizot:,,L'œuvre de Guizot est la plus vaste qui ait encore été exécutée sur les origines, le fond et la suite de l'histoire de France. Six volumes d'histoire critique, trois cours professés avec un immense éclat composent cette œuvre dont l'ensemble est vraiment imposant. Les Essais sur l'histoire de France, l'Histoire de la civilisation européenne, et l'Histoire de la civilisation française sont trois parties du même tout, trois phases successives du même travail continué durant dix années. Chaque fois que l'auteur a repris son sujet, les révolutions de la société en Gaule depuis la chute de l'empire romain, il a montré plus de profondeur dans l'analyse, plus de hauteur et de fermeté dans les vues. Tout en poursuivant le cours de ses découvertes personnelles, il a eu constamment l'œil ouvert sur les opinions scientifiques qui se produisaient à côté de lui, et les contrôlant, les modifiant, lour donnant plus de précision et d'étendue, il les à réunis aux siennes dans un admirable éclectisme. Ses travaux sont devenus ainsi le fondement le plus solide, le plus fidèle miroir de la science

COUP D'ŒIL SUR L'HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA CIVILISATION EUROPÉENNE.

LES CROISADES.

L'histoire de la civilisation européenne peut se résumer en trois grandes pé

historique moderne, dans ce qu'elle a de certain et d'invariable. Il a ouvert, comme historien de nos vieilles institutions, l'ère de la science proprement dite; avant lui, Montesquieu seul excepté, il n'y avait eu que des systèmes." La méthode de Guizot, admirable comme procédé d'enseignement, ne remplit pas dans toute son étendue le rôle de l'histoire. Elle en néglige une partie essentielle, le récit. Elle ne veut ni raconter, ni peindre; elle se contente d'expliquer, ce sont de savantes et précieuses dissertations, co n'est pas une histoire morale et vivante: c'est une euvre didactique, mais non pas un drame. L'histoire, comme l'art, se compose de deux choses, l'idée et le fait. L'école dont Guizot est le chef, et qu'on appelle philosophique, brise volontairement ce lien: elle ne demande au fait que l'idée qu'il renferme. Toutefois, malgré sa tendance abstraite, cette école s'est heureusement permis d'assez nombreuses exceptions. Ainsi le second volume de l'Histoire de la révolution d'Angleterre, par Guizot, ne laisse rien à désirer, même sous le rapport de la peinture des évènements et de la vicacité du récit. Les études historiques doivent encore à Guizot le précieux secours de doux vastes Collections de Mémoires (56 vol. in-80), l'une sur les neuf premiers siècles de l'histoire de France, l'autre sur la révolution d'Angleterre; elles lui doivent Monk, ou Chute de la république et Rétablissement de la monarchie en Angleterre; Washington, son caractère et son influence dans la révolution d'Amérique; des Etudes biographiques sur la révolution d'Angleterre; etc. Enfin la haute critique littéraire et la philosophie morale reconnaissent un maître dans ses jugements sur le théatre de Shakespeare et de Corneille, dans les Méditations et Études morales, et dans son Histoire de france racontée à mes petits enfants (5 vols. 1870-75). Il mourut en 1874.

riodes: 1o Une période que j'appellerai celle des origines, de la formation; temps où les divers éléments de notre socitété se dégagent du chaos, prennent l'être et se montrent sous leurs formes

natives avec les principes qui les animent; ce temps se prolonge presque jusqu'au douzième siècle. 2o La seconde période est un temps d'essai, de tentative, de tâtonnement; les éléments divers de l'ordre social se rapprochent, se combinent, se tâtent, pour ainsi dire, sans pouvoir rien enfanter de général, de régulier, de durable; cet état ne finit, à vrai dire, qu'au seizième siècle. 3o Enfin la période du développement proprement dit, où la société humaine prend en Europe une forme définitive, suit une direction déterminée, marche rapidement et d'ensemble vers un but clair et précis; c'est celle qui a commencé au seizième siècle et poursuit maintenant

son cours.

Tel m'apparait, dans son ensemble, le spectacle de la civilisation européenne; tel j'essaierai de vous le reproduire. C'est dans la seconde période que nous entrons aujourd'hui. Nous avons à y chercher les grandes crises, les causes déterminantes de la formation sociale qui en a été le résultat.

Le premier grand évènement qui se présente à nous, qui ouvre pour ainsi dire l'époque dont nous parlons, ce sont les croisades. Elles commencent à la fin du onzième siècle, et remplissent le douzième et le treizième. Grand évènement à coup sûr, car depuis qu'il est consommé, il n'a cessé d'occuper les historiens philosophes; tous, même avant de s'en rendre compte, ont pressenti qu'il y avait là une de ces influences qui changent la condition des peuples, et qu'il faut absolument étudier pour comprendre le cours général des faits. Le premier caractère des croisades, c'est leur universalité; l'Europe entière y a concouru; elles ont été le premier évènement européen. Avant les croisades, on n'avait jamais vu l'Europe s'émouvoir d'un même sentiment, agir dans une même cause; il n'y avait pas d'Europe. Les croisades ont révélé l'Europe chrétienne. Les Français faisaient le fond de la première armée de croisés; mais il y avait aussi des Allemands, des Italiens, des Espagnols, des Anglais. Suivez la seconde, la troisième croisade: tous les peuples chrétiens s'y

engagent. Rien de pareil ne s'était encore vu.

Ce n'est pas tout: de même que les croisades sont un évènement européen, de même dans chaque pays elles sont un évènement national: dans chaque pays, toutes les classes de la société s'animent de la même impression, obéissent à la même idée, s'abandonnent au prétexte le plus futile, quelques uns de ce même élan. Rois, seigneurs, prêtres, bourgeois, peuples des campagnes, tous prennent aux croisades le même intérêt, la même part. L'unité morale des nations éclate, fait aussi nouveau que l'unité européenne.

Quand de pareils évènements se rencontrent dans la jeunesse des peuples, dans ces temps où ils agissent spontanément, librement, sans préméditation, sans intention politique, sans combinaison de gouvernement, on y reconnaît ce que l'histoire appelle des évènements héroïques, l'âge héroïque des nations. Les croisades sont en effet l'évènement héroïque de l'Europe moderne, mouvement individuel et général à la fois, national et pourtant non dirigé.

Que tel soit vraiment leur caractère primitif, tous les documents le disent, tous les faits le prouvent. Quels sont les premiers croisés qui se mettent en mouvement? des bandes populaires; elles partent sous la conduite de Pierre l'ermite, sans préparatifs, sans guides, sans chefs, suivies plutôt que conduites par quelques chevaliers obscurs; elles traversent l'Allemagne, l'empire grec, et vont se disperser ou périr dans l'Asie mineure.

La classe supérieure, la noblesse féodale s'ébranle à son tour pour la croisade. Sous le commandement de Godefroi de Bouillon, les seigneurs et leurs hommes partent pleins d'ardeur. Lorsqu'ils ont traversé l'Asie mineure, il prend aux chefs des croisés un accès de tiédeur et de fatigue: ils ne se soucient pas de continuer leur route; ils voudraient s'occuper d'eux-mêmes, faire des conquêtes, s'y établir. Le peuple de l'armée se soulève, il veut aller à Jérusalem, la délivrance de Jérusalem

est le but de la croisade; ce n'est pas pour gagner des principautés à Raimond de Toulouse, ni à Boémond, ni à aucun autre que les croisés sont venus. L'impulsion populaire, nationale, européenne, l'emporte sur toutes les intentions individuelles; les chefs n'ont point sur les masses assez d'ascendant pour les soumettre à leurs intérêts. Les souverains, qui étaient restés étrangers à la première croisade, sont enfin emportés dans le mouvement comme les peuples. Les grandes croisades du douzième siècle sont commandées par des rois.

en

Je passe tout à coup à la fin du treizième siècle. On parle encore Europe des croisades, les prêche même avec ardeur. Les papes excitent les souverains et les peuples; on tient des conciles pour recommander la Terre Sainte; mais personne n'y va plus, personne ne s'en soucie plus. Il s'est passé dans l'esprit européen, dans la société européenne, quelque chose qui a mis fin aux croisades. Il y a bien encore quelques expéditions particulières; on voit bien quelques seigneurs, quelques bandes partir encore pour Jérusalem; mais le mouvement général est évidemment arrêté. Cependant il semble que ni la nécessité ni la facilité de le continuer n'ont disparu. Les Musulmans triomphent de plus en plus en Asie. Le royaume chrétien fondé à Jérusalem est tombé entre leurs mains. Il faut le réconquérir; on a pour y réussir bien plus de moyens qu'on n'en avait au moment où les croisades ont commencé; un grand nombre de chrétiens sont établis et encore puissants dans l'Asie mineure, la Syrie, la Palestine. On connaît mieux les moyens de voyage et d'action. Cependant rien ne peut ranimer les croisades. Il est clair que les deux grandes forces de la société, les souverains d'une part, les peuples de l'autre, n'en veulent plus.

On a beaucoup dit que c'était lassitude, que l'Europe était fatiguée de se ruer ainsi sur l'Asie. Il faut s'entendre sur ce mot lassitude dont on se sert souvent en pareille occasion; il est étrangement inexact. Il n'est pas vrai que les générations humaines soient

lasses de ce qu'elles n'ont pas fait, lasses des fatigues de leurs pères. La lassitude est personnelle, elle ne se transmet pas comme un héritage. Les hommes du treizième siècle n'étaient point fatigués des croisades du douzième; une autre cause agissait sur eux. Un grand changement s'était opéré dans les idées, dans les sentiments, dans les situations sociales. On n'avait plus les mêmes besoins, les mêmes désirs. On ne croyait plus, on ne voulait plus les mêmes choses. C'est par de telles métamorphoses politiques ou morales, et non par la fatigue que s'explique la conduite différente des générations successives. La prétendue lassitude qu'on leur attribue est une métaphore sans vérité.

Deux grandes causes, l'une morale, l'autre sociale, avaient lancé l'Europe dans les croisades.

La cause morale, vous le savez, c'était l'impulsion des sentiments et des croyances religieuses. Depuis la fin du septième siècle, le christianisme luttait contre le mahométisme; il l'avait vaincu en Europe après en avoir été dangereusement menacé; il était parvenu à le confiner en Espagne. Là encore, il travaillait constamment à l'expulser. On a présenté les croisades comme une espèce d'accident, comme un évènement imprévu, inoui, né des récits que faisaient les pèlerins au retour de Jérusalem, et des prédications de Pierre l'ermite. Il n'en est rien. Les croisades ont été la continuation, le zénith de la grande lutte engagée depuis quatre siècles entre le christianisme et le mahométisme. Le théâtre de cette lutte avait été jusque-là en Europe; il fut transporté en Asie. Si je mettais quelque prix à ces comparaisons, à ces parallélismes dans lesquels on se plaît quelquefois à faire entrer, de gré ou de force, les faits historiques, je pourrais vous montrer le christianisme fournissant exactement en Asie la même carrière, subissant la même destinée que le mahométisme en Europe. Le mahométisme s'est établi en Espagne, il y a conquis et fondé un royaume et des principautés. Les chrétiens ont fait

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