ページの画像
PDF
ePub

de cinq livres des histoires arabes qu'on gardait de son temps dans les archives de l'église de Ravenne.

Toutes ces nuées de barbares étaient accourus pour combattre les croisés. On peut croire qu'il y avait parmi ces peuples des sujets de discorde, ce qui devait favoriser les armes des chrétiens. Le sultan d'Iconium avait fait à ces tribus musulmanes des promesses qu'il ne pouvait tenir: elles devaient être mécontentes d'un prince qui les appelait au butin et qui ne les payait pas. Ajoutons aussi que des divisions avaient éclaté dans la famille du sultan. Nous avons besoin de tout cela pour expliquer l'espèce de miracle de la marche triomphante des Allemands à travers tant d'ennemis, d'obstacles et de mi

sères.

Les croisés, vainqueurs d'Iconium après un merveilleux combat, se trouvèrent tout à coup dans l'abondance de toutes choses. Au milieu de leur triomphe, leur situation n'était pas sans périls: il y avait toujours là une nation ennemie qu'il fallait combattre. On sait qu'il n'y a pas de conquête plus difficile que celle des pays défendus par les opinions religieuses, parce que tout le monde est intéressé à la guerre. Aux temps anciens, il s'agissait de décider si l'Asie appartiendrait à Darius ou à Alexandre: au temps des croisades, si elle serait chrétienne ou musulmane.

L'armée de la croix ne resta que deux jours dans la capitale de la Lycaonie, et prit la route de Laranda, aujourd'hui Caraman; elle eut à souffrir, durant ce trajet, de nouvelles misères. „Si je voulais, dit Ansbert, raconter toutes les misères et les persécutions que les pèlerins souffrirent pour le nom du Christ et l'honneur de la croix, sans murmures et d'un air joyeux, mes efforts, quand même je parlerais la langue des anges, ne pourraient atteindre la vérité." Près de Laranda, les croisés furent réveillés la nuit par un bruit semblable au retentissement des armes; c'était un tremblement de terre; les sages virent là un sinistre présage pour l'avenir.

Les Teutons touchaient aux frontières

[ocr errors]

des pays chrétiens. La vue de plusieurs croix plantées sur les chemins fit succéder à leurs sombres pensées quelques lueurs d'espérance. Le prince d'Arménie envoya des ambassadeurs à Frédéric, pour lui offrir tous les secours dont il aurait besoin; mais il lui conseillait en même temps de ne pas trop s'arrêter dans son pays, car tout le monde redoutait le voisinage d'une armée qui venait d'éprouver la faim et les plus horribles tourments d'une guerre malheureuse. Les pèlerins n'avaient plus à redouter les attaques et les surprises des Turcs; mais les passages difficiles du Taurus devaient encore éprouver leur patience et leur courage. En apprenant que l'armée avait de mauvais chemins à passer, Frédéric avait défendu qu'on en parlât. Qui n'eût été touché jusqu'aux larmes, dit Ansbert, témoin oculaire, en voyant des évêques, d'illustres chevaliers, malades et languissants, portés sur des lits à dos de cheval à travers les précipices? Il fallait voir les écuyers, le visage couvert de sueur, porter sur les boucliers leurs seigneurs malades." Des prélats, des princes, s'aidaient des pieds et des mains comme des quadrupedes. „Toutefois, dit le même chroniqueur, l'amour de ces princes pour celui qui dirige les pas des hommes, le désir de la patrie céleste à laquelle ils aspiraient, leur faisaient supporter tous ces maux sans se plaindre." De plus grandes calamités attendaient l'armée chrétienne. Elle suivait les rives du Sélef, appelé en turc Guieuk-Sou, petite rivière qui prend sa source à deux heures de Laranda et va se perdre dans la mer, près des ruines de Séleucie, aujourd'hui Sélefké. L'empereur Frédéric marchait avec l'arrière-garde. Laissons parler ici le chroniqueur qui fut témoin de la catastrophe:

[ocr errors]

,Tandis que le reste des pèlerins, riches et pauvres, dit Ansbert, s'avançait à travers des rochers a peine accessibles aux chamois et aux oiseaux, l'empereur, qui voulait se rafraîchir (on était alors au mois de juin) et éviter aussi les dangers de la montagne, essaya de traverser à la nage la rivière

rapide de Séleucie. Ce prince, qui avait échappé à tant de périls, entra dans l'eau malgré l'avis de tous, et fut misérablement englouti. Remettons-nous-en au jugement secret de ce Dieu à qui nul n'ose dire: Pourquoi avez-vous fait cela? pourquoi faire si tôt mourir un si grand homme? ... Plusieurs seigneurs qui étaient avec lui se hâtèrent de secourir l'empereur, mais ils le ramenèrent mort sur la rive. Cette perte porta le trouble dans l'armée: les uns expirèrent de douleur; les autres, désespérés et se persuadant que Dieu ne protégeait pas leur cause, renoncèrent à la foi chrétienne et embrassèrent la religion des gentils. Le deuil et une douleur sans bornes remplissaient les cœurs; les croisés pouvaient s'écrier avec le prophète: La couronne est tombée de notre tête, malheur à nous qui avons péché!"

Tous les chroniqueurs du temps déplorent la mort de l'empereur Frédéric, et tous expriment le même sentiment: ils n'osent pas approfondir ce mystère terrible de la providence. „Dieu, dit le chroniqueur Godefroy, fit ce qu'il lui plut et le fit avec justice, suivant ses volontés inflexibles et immuables, mais non avec miséricorde, s'il est permis de le dire, en égard à l'état de l'Église et de la terre de promission." Les chroniqueurs musulmans remercient au contraire la providence, et regardent la mort de Frédéric comme un de ses grands bienfaits. „Frédéric se noya, dit Boha-Eddin, dans un lieu où il n'avait pas d'eau jusqu'à la ceinture: ce qui prouve que Dieu voulut nous en délivrer."

Le duc de Souabe fut salué chef de l'armée chrétienne. Les croisés poursuivirent tristement leur marche, emportant avec eux les restes de l'empereur qui avait jusque-là soutenu leur courage. Frédéric, selon Ansbert, fut enseveli à Antioche, dans la basilique de Saint-Pierre; selon les auteurs arabes, ses dépouilles furent portées jusqu'à Tyr. Le catholique ou patriarche des Arméniens, dans une seconde lettre à Saladin, disait que le nombre des guerriers allemands s'élevait encore à plus

de quarante mille; mais que pour toute armure il ne leur restait plus que le bâton des pèlerins. Lui-même les vit passer sur un pont, et, comme il demanda pourquoi ils n'avaient ni chevaux ni armes, on lui répondit que les Teutons avaient brûlé le bois de leurs lances pour se chauffer et tué leurs chevaux pour se nourrir. Ils se divisèrent en plusieurs corps: les uns passèrent par Antioche, où ils furent en proie à des maladies pestilentielles, les autres par Bogras, d'autres par le territoire d'Alep; ces derniers tombèrent presque tous entre les mains des musulmans; dans tout le pays, dit EmmadEddin, il n'y avait pas une famille qui n'eût trois ou quatre Allemands pour esclaves. Il était parti d'Europe plus de cent mille croisés teutons: il n'en arriva pas cinq mille dans la Palestine, et ces débris de la grande armée de Germanie y furent mal reçus. „Leur renommée nous aidait, disaient les chrétiens du pays, leur présence a coupé les ailes à nos victoires." Parmi les victimes moissonnées par les maladies, l'histoire cite l'évêque de Wurtzbourg, qui avait été l'oracle de cette croisade, comme Adhémar l'avait été de la première. De même que l'évêque du Puy, il mourut à Antioche, et ses restes furent déposés dans la basilique de SaintPierre, peut-être à côté du tombeau de l'empereur Frédéric, dont il avait été le conseil. En voyant périr ainsi une puissante armée, devant laquelle avaient tremblé les infidèles et qui allait défendre l'héritage de Jésus-Christ, plusieurs des contemporains restaient confondus et ne savaient plus que penser de la miséricorde divine. Mais, en songeant à la discipline si sévère établie dans cette armée, en songeant à tout ce qu'avait fait pour assurer son salut le génie prévoyant de Frédéric, l'histoire ne pourrait-elle pas demander aussi ce qu'on doit penser de la sagesse humaine?

Par une fatalité étrange, l'armée allemande triompha de tous les ennemis qu'elle rencontra, et disparut tout à coup lorsque les obstacles et les dangers allaient cesser. C'est ici qu'il faut

répéter ce que nous avons dit plusieurs queux de l'Occident et des trois plus fois les croisades ne furent pas seule- puissants monarques de cette époque! ment une guerre semée de périls, mais,,Si Dieu, par un effet de sa bonté pour aussi un voyage plus périlleux que la nous, dit Ibn-Alatir, n'eût pas fait périr guerre elle-même. L'Europe et l'Asie l'empereur allemand au moment où il avaient les yeux sur cette armée d'Alle- passait le Taurus, on eût pu dire plus magne, car on croyait que Dieu avait tard de la Syrie et de l'Egypte: Ici réservé à Frédéric la gloire de délivrer régnèrent jadis les musulmans." Chose Jérusalem. Qu'on se figure tout ce qui singulière! la seule croisade qui réussit aurait pu sortir d'une expédition comme fut la première, où il n'y eut point de celle de la troisième croisade, offrant chef suprême et que nous avons pu la réunion des peuples les plus belli- appeler une république sous les armes.

ABEL FRANÇOIS VILLEMAIN.

Abel François Villemain, le plus célèbre des critiques français, est né en 1791, à Paris. Il entra jeune dans la carrière de l'enseignement, qu'il a parcourue avec gloire, et qui l'a conduit aux plus hautes fonctions. Sous la restauration (1827 et 1828) ses leçons de littérature, à la Faculté des lettres, devinrent, comme celles de Guizot et Cousin, les évènements intellectuels les plus importants de l'époque; on peut même dire que ces trois professeurs avaient presque donné à l'enseignement l'importance et le retentissement d'une institution politique. Le Cours de littérature française de Villemain comprend le Tableau de la littérature au moyen âge (cours de 1830), le Tableau du XVIIIe siècle, première partie (cours de 1827), deuxième, troisième et quatrième parties (cours de 1828 et 1829). Ses leçons unissent la facilité, le mouvement de l'improvisation avec la précision, la pureté, l'élégance d'une compo

MORT ET FUNÉRAILLES D'OLIVIER
CROMWELL.

sition achevée. Il a le premier élevé la critique littéraire au niveau de l'histoire. Sa plume élégante et ingénieuse donne l'intelligence la plus complète des conceptions du génie en les laissant à leur place et les entourant de toutes les circonstances historiques qui ont présidé à leur naissance. On regrette qu'un critique, doué d'une sagacité si vive, d'un goût si sûr, d'un si rare bon sens, laisse quelquefois désirer des conclusions plus nettes, des jugements plus décisifs. On doit aussi avouer que le Tableau de la littérature au moyen âge est un peu superficiel. Villemain a encore publié une Histoire de Cromwell (1818), remarquable par la clarté et l'élégance du style; Lascaris ou les Grecs au XVe siècle; des Discours et Mélanges littéraires; un Tableau de l'éloquence chrétienne au IVe siècle; des Études d'histoire moderne; des Études de littérature; etc. Il mourut en 1870.

été en état de grâce." Après quatorze jours de maladie, le Protecteur expira, dans sa cinquante - huitième année, le 3 septembre, anniversaire de ses grandes victoires de Worcester et de Dunbar. La nuit précédente, Londres avait été battue par une horrible tempête, qui s'étendit sur la Méditerranée et ravagea les côtes de France et d'Espagne. La superstition populaire interpréta ce désastre comme un signal de la mort du Protecteur, annoncée le même jour, ainsi que l'avènement de Richard.

Cromwell, en proie à une fièvre ardente, touchait à sa fin. Les paroles qu'il laissait échapper étaient toutes religieuses; mais plutôt d'un médiateur, qui prie pour son peuple, que d'un pécheur humilié. „O Dieu, disait-il, si je souhaite vivre, c'est pour montrer ta gloire et manifester tes œuvres. Seigneur, quoique je sois une misérable créature, je suis en traité avec toi, par le secours de la grâce. Beaucoup m'ont trop estimé, quoique d'autres désirent Les imaginations étaient tellement ma mort; mais, Seigneur, tu as disposé préoccupées de la puissance et du nom de moi: continue de faire ce qui est de Cromwell, qu'au moment où cette bien pour eux." Dans ce moment, il nouvelle se répandit dans le palais de appela un de ses chapelains, et lui de- White-Hall, qui était rempli de fanamanda si une âme qui avait été en tiques en prières, un chapelain se leva, état de grâce pouvait douter de son et s'adressant à la foule consternée: salut: ce chapelain l'ayant assuré qu'elle,,C'est une heureuse nouvelle, s'écria-t-il. ne le pouvait pas, alors, il dit: „Je Puisque le Protecteur était si utile et suis sauvé, car je suis bien sûr d'avoir si secourable dans cette vie mortelle,

combien ne le sera-t-il pas davantage | semble, adoptent, sans y croire, mais dans le ciel, où il est assis avec Jésus- sans s'avouer qu'elles n'y croient pas. Christ, à la droite de Dieu!" Il y a d'ailleurs dans la faveur, dans la confidence du pouvoir, une sorte d'enivrement qui séduit jusqu'à la conscience, et qui fait encore plus de dupes que d'hypocrites.

Mais ce qui doit paraître plus extraordinaire que ce fanatisme, ou cette hypocrisie de profession, c'est l'enthousiasme sérieux et irrécusable de Thurlo, écrivant à Henri Cromwell: „Le Protecteur est mort hier, environ à quatre heures du soir. Je n'ai la force ni de parler ni d'écrire: tant ce coup est cruel, inattendu; tant la providence de Dieu est inconcevable en cela! Si l'on considère l'homme qui est mort, l'époque, le moment où Dieu l'a retiré, et d'autres circonstances, il ne me reste qu'à mettre mes lèvres dans la poussière, et à dire: Voilà le Seigneur.“

„On ne peut exprimer l'affliction de l'armée et du peuple. Son nom est déjà consacré. Jamais homme n'a été l'objet d'autant de prières qu'on en a fait pendant sa maladie. Des assemblées solennelles se réunissaient chaque jour pour demander à Dieu la continuation de sa vie; de sorte qu'il est monté au ciel, embaumé dans les larmes de son peuple, et porté sur les ailes de la prière des saints."

Un vieux confident de Cromwell, un vieux ministre d'état, parlant ainsi dans un moment où ce langage mystique est superflu, et semble repoussé par la vérité même de la douleur et des regrets! Thurlo, devait-il croire à la sainteté de Cromwell? Pouvait-il attribuer tant de vertu à la prière de ces fanatiques imbéciles, si souvent trompés par son maître et par lui; ou faut-il supposer que l'ascendant de Cromwell, les habitudes de son langage agissaient sur l'homme même qui connaissait le mieux sa politique? Et n'était-ce pas ici une espèce d'hypocrisie involontaire et contagieuse que l'on gagnait en approchant de Cromwell? Toutes les puissances extraordinaires ont ainsi fasciné les yeux de leurs admirateurs; et, suivant la diversité des temps, elles forment autour d'elles un prestige d'opinions, de langage, et, pour ainsi dire, un nouvel ordre moral, que l'ambition, la flatterie, et je ne sais quelle passion mêlée d'orgueil et de servilité tout en

Herrig, La France litt.

La fortune extraordinaire de Cromwell justifiait cette longue illusion, qui fut le caractère principal de son autorité. D'une condition obscure, être parvenu à la puissance souveraine; du milieu de tant de sectes furieuses, s'être élancé à la première place, porté sur tous les partis, et les brisant à mesure que chacun d'eux devenait inutile; c'étaient là sans doute des faits prodigieux, qui devaient frapper les âmes de surprise, aveugler les plus clairvoyants, et mêler partout l'admiration à la haine. Ce qu'il y eut de plus remarquable dans cette destinée, c'est qu'un même homme ait pu l'accomplir.

Il semble qu'un seul homme ne suffise pas aux diverses époques d'une révolution: elles ont chacune leurs héros qui se remplacent et se pressent l'un l'autre. Cromwell paraît partout, et fixe d'abord les regards. Il ne survient pas à la fin, pour profiter de la lassitude commune, et recueillir l'héritage de la république mourante. Seul, et remplissant toutes les époques, il voit naître la révolution, il la seconde, il la suit, la termine, et la réduit à l'unité de son pouvoir. Les désavantages personnels, qui n'arrêtèrent pas son élévation, n'étonnent pas moins que les grandes qualités qu'il déploya pour y parvenir. Cet homme qui domina par les armes et la parole, n'avait point fait la guerre jusqu'à l'âge de quarantedeux ans, et semblait incapable de séduire et dépourvu de tout moyen d'éloquence. Mais, comme s'il eût caché en lui des forces et des idées pour toutes les chances de sa fortune, il parut successivement théologien, capitaine, politique, législateur, souverain, développant chaque fois le talent ou le vice dont il avait besoin. Il éleva le patriotisme de sa nation, l'opprima par sa gloire même, et le fit respecter au dehors, pour mieux la subjuguer.

37

[ocr errors]

exigeait, pour ses ambassadeurs, plus | à l'idée de son génie; car les hommes d'égards qu'aucune cour n'en avait ja- verront toujours moins de grandeur mais accordé aux ambassadeurs des dans un fanatique de bonne foi, que Rois d'Angleterre. C'était sa politique; dans un ambitieux qui fait des enthouet flattant ainsi la souveraineté chimé-siastes. Cromwell mena les hommes rique de ce peuple, dont il avait dé- par la prise qu'ils lui donnaient sur truit la liberté, il disait: „que la dignité eux. L'ambition seule lui inspira des de la couronne appartenait à la nation, crimes, qu'il fit exécuter par le fanaet que la nation étant toujours la même, tisme des autres. Dans tout ce qui ne il voulait que ses ministres fussent ho- touchait pas à sa puissance, l'esprit norés comme ceux des Rois." Son lan- généralement moral de son siècle le gage et ses sentiments grandirent avec rendit équitable. La supériorité de sa la fortune. La bassesse habituelle de raison lui permit rarement d'être perses manières fut remplacée par la hau- sécuteur; il ne se vengea d'aucun rival teur et la gravité d'un maître. Un ni d'aucun ennemi, satisfait de les dogentilhomme royaliste, qui avait remar- miner tous. Ses mœurs privées étaient qué la familiarité abjecte et l'habille- pures et sévères; sa courte domination ment négligé de Cromwell, à sa pre- porta l'Angleterre au plus haut point mière entrée dans le parlement, écrivait de grandeur où elle soit parvenue, avant quelques années après: „Je vécus assez de jouir de toute sa constitution; et il pour voir ce même homme, à la suite n'y a que la liberté qui lui ait été plus de grands succès, maître d'un pouvoir favorable que cet odieux despote. La réel, quoique usurpé, ayant pris un plus force de son génie se montre dans l'imhabile tailleur, et s'étant mêlé à la puissance même où il fut d'établir sobonne compagnie, représenter à White- lidement une domination, qu'il garda Hall, avec beaucoup de politesse et de cependant jusqu'à sa dernière heure, grandeur." Cette dignité, qui vient, ou inébranlable dans une autorité toujours qui paraît venir avec la puissance, était combattue, et si puissant qu'après lui sujette dans Cromwell à des retours son nom régna quelque temps sous la bizarres. faiblesse de Richard. Plusieurs écrivains anglais ont prodigué à Cromwell des éloges excessifs, que la morale repousse. On reprochera toujours à sa mémoire deux grands crimes, qui s'aggravent encore l'un par l'autre, le régicide et la tyrannie.

Surchargé de tant de soins, le Protecteur, naturellement triste et sévère, se livrait quelquefois à des saillies d'une humeur triviale et bouffonne, comme s'il eût méprisé sa propre fortune, autant qu'il méprisait les hommes. I plaisantait avec nos souffrances, dit énergiquement Cowley, et il aimait à dire ou à faire des choses fantasques et déraisonnables, ne fût-ce que pour montrer qu'il avait le pouvoir de tout

dire et de tout faire."

Les plus rigoureux censeurs, les ennemis même de Cromwell ne lui ont pas refusé un grand esprit, une admirable prudence, et la plus intrépide fermeté; mais, après l'audace, le plus puissant ressort de son élévation fut la connaissance des hommes et de l'esprit de son temps. Cette pénétration, qui lui apprit ce qu'il pouvait espérer du fanatisme, explique son hypocrisie, que l'histoire atteste, et qu'on ne saurait mettre en doute sans ôter quelque chose

Le lendemain de la mort de Cromwell, les places publiques retentirent de la proclamation de Richard Cromwell, reconnu Protecteur de la république d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande, par le choix du dernier Protecteur, au nom du conseil-d'état, du lord-maire, des citoyens de Londres et des officiers de l'armée.

La déclaration était signée par vingtneuf membres du conseil, seul pouvoir que Cromwell eût pu souffrir, et réunion composée d'hommes vieillis dans les affaires, et de généraux chers à l'armée. On renouvela le cérémonial de l'installation de Cromwell. Le lordmaire présenta l'épée au nouveau Protecteur; le docteur Goodwin prononça

« 前へ次へ »