ページの画像
PDF
ePub

Dupuis. Et les monuments, Tom, tu ne m'en as rien dit non plus? l'Alhambra, le Colisée, le Parthénon?

Rouvière. Bah! des amis à toi, tout cela! Je ne t'en dis rien, parce que cela traîne partout. Tout le monde a

vu ça. (Un moment de silence.)

Dupuis (frappant violemment sur la table). Damnation! (Il se lève, enfonce ses mains dans ses poches et marche à travers le salon.) Rouvière. Eh bien! qu'est-ce qui te prend?

Dupuis. Ah! Tom! Tom! la rougeur me monte au front, quand je compare à la destinée que tu as su te faire celle que j'ai subie! Tandis que ton cœur comptait chacun de ses battements par quelque noble ou gracieuse émotion, le mien marquait stupidement les heures comme une horloge de cuisine! (Il s'arrête.) Car enfin est-ce que j'ai vécu, moi? Fi donc! Je suis né, j'ai dormi et j'ai mangé, voilà tout! Aussi qu'estil arrivé? Je me suis éteint, je me suis raccorni; je suis descendu dans l'échelle des êtres au niveau du crétin

[ocr errors]

des Alpes.. du coquillage ... du mollusque!

Rouvière. Allons! allons! tu vas trop loin. Si tu ne possèdes plus tout à fait la même verdeur d'imagination, la même vivacité d'esprit que je t'avais connues autrefois

...

Dupuis. Ah! ah! tu l'avoues donc enfin, tu me trouves rouillé !

Rouvière. (Il se lève, allume un cigare, s'a

dosse à la cheminée et dit en brossant ses mous

taches de la main.) Écoute, George, je serai franc. Tu sais que je le fus toujours. Mon impression lorsque j'ai mis le pied dans ta demeure, a été sinistre. J'y ai respiré je ne sais quelle vague odeur de nécropole. J'ai cru pénétrer dans une de ces habitations d'un autre âge reconquises sur la mort par la patience de l'antiquaire. Pendant qu'on était allé avertir, je regardais, avec une sorte de curiosité hébétée, ces meubles, ces tableaux, ces tentures dont la propreté morne semble attendre la vitrine d'un musée: je me rappelais ta délicatesse d'esprit, ton élégance de mœurs, ton goût éclairé des arts, et je ne pouvais absolument con

cilier cette brillante image qui m'était restée de toi avec l'existence maussade et plate dont les témoignages attristaient mes yeux. Tu es entré alors; je t'ai vu. Tu m'as parlé... Ma vue, mon jugement étaient-ils altérés par les préoccupations auxquelles tu me trouvais en proie? Je ne sais... mais ton langage m'a surpris ton front même m'a paru rétréci j'ai essuyé une larme furtive, et j'ai murmuré malgré moi, comme j'eusse fait devant ta tombe: Voilà donc tout ce qui reste de mon ami! Je ne t'offense pas, George?

[ocr errors]

...

...

J'avais

Dupuis. Non, Tom, non. d'ailleurs le sentiment de ma décadence. Je m'en doutais du moins, et ce doute était insupportable. J'aime mieux la certitude.

Rouvière. Parlons d'autre chose, mon ami. Tu as vendu ton étude? et que comptes-tu faire maintenant?

Dupuis. Que veux-tu que je fasse? j'achèverai de mourir!

Rouvière. Eh! sangdieu! ressuscite plutôt! Causons sérieusement, George. Tu t'étais, en te mariant, créé des devoirs; tu les a remplis jusqu'au bout; c'est très bien! Mais aujourd'hui ta position est faite; l'avenir de ta femme, celui de ta fille, sont largement assurés... Qu'est-ce qui t'empêche pendant deux ou trois ans de te replonger dans le courant de ton siècle et d'y retremper tes facultés? Tu sais de quel air miraculeux on voyage à présent: en deux ans, te dis-je, tu peux parcourir l'Europe et même pousser une pointe en Asie... Tu peux recouvrer au contact des plus radieuses créations de la nature et des arts toute la fraîcheur et tout le mouvement de ta pensée... Tu peux assouvir ces regrets qui te rongent le cœur et qui abrègent tes jours! en deux ans, pas davantage! Et maintenant, si tu préfères le suicide à outrance, libre à toi!

Dupuis. Eh! mon ami, quelle apparence y a-t-il que j'aille, à mon âge, m'embarquer seul par les chemins comme un écolier?

Rouvière (allant à lui). Est-ce qu'il s'agit de s'embarquer seul? Ne suis-je

pas là?
Est-ce que je ne mets pas à
ta disposition mon expérience, ma chaise
de poste, mon domestique, tout ce
que je possède enfin?

Dupuis. Comment! Tom, vraiment? tu m'accompagnerais partout. (Ils se mettent en marche côte à côte à travers le salon.) Rouvière. Mais je te conduirai par la main, mon garçon! je t'épargnerai les guides, les ciceroni et toute la vermine familière du touriste. Ne me remercie pas, cela m'enchante. Tes impressions raviveront les miennes. Et puis n'est-il pas délicieux, George, de terminer tous deux la vie comme nous l'avons commencée, confondant nos aventures, nos plaisirs, nos cassettes? Allons! c'est entendu, hein?

faits qui obligent, Tom! C'est une honte, c'est un crime digne des sauvages que de laisser périr ces flammes sacrées sous l'éteignoir!

Rouvière. Eh! à la bonne heure! je retrouve mon George!... Ah ça! mon ami, battons le fer pendant qu'il est chaud. (Il appelle.) Marianne!

Dupuis (baissant la voix tout à coup). Chut! chut! qu'est-ce que tu lui veux donc? Rouvière. Mais je veux la prévenir de ton départ, afin qu'elle s'occupe de ton petit bagage Marianne!

...

Dupuis. Chut! chut! ... comment, mon ami? est-ce que nous allons partir ce soir?

Rouvière. A neuf heures... J'ai commandé les chevaux pour neuf heures, tu sais bien.

Dupuis. Je t'avoue, mon ami, que jamais projet ne m'a souri davantage; Dupuis. Oui, oui, je le sais ... mais mais... la nuit menace d'être diantrement rude Rouvière. Point de mais, c'est en-... il fait un froid de Sibérie... il me tendu! Nous irons attendre la fin de l'hiver à Paris: pour prendre patience, tu auras les musées, les spectacles je te mènerai dans les coulisses... tu entendras Alboni, Cruvelli... Tu aimais la musique autrefois?

Dupuis. Je l'aime toujours, mon ami! je joue même encore de la flûte.

Rouvière (entraîné). Eh bien, tu emporteras ta flûte... Qu'est-ce que je disais donc? Ah! l'hiver à Paris, c'est convenu; mais dès les premiers jours du printemps, si tu m'en crois, nous franchirons les Pyrénées: nous passerons trois mois dans la Péninsule... nous profiterons de l'été pour visiter les capitales de l'Allemagne... et nous redescendrons en Italie par Trieste et Venise... Que dis-tu de ce plan?

...

...

...

(avec

...

Dupuis. (Il s'arrête.) Je dis décision) je dis qu'il m'ouvre le ciel! donne-moi un cigare! je dis que tu as raison, que j'ai assez longtemps vécu pour les autres que j'ai fait dans ma vie une part suffisante au sacrifice! Eh! morbleu, on a aussi des devoirs envers soi-même! (Il lance d'énormes bouffées de fumée.) On doit compte à la Providence des dons qu'on en a reçus! L'intelligence, l'imagination, le sentiment du beau, sont des bien

semble que nous pourrions sans inconvénient attendre à demain matin.

Rouvière. Oh! écoute, si tu as peur d'une onglée et d'une nuit en voiture, enfonce ton bonnet sur tes deux oreilles, couche-toi et ne me parle plus de voyager!

Dupuis. Mon ami, je n'ai peur de rien, ni de personne; mais la vérité est que cette grande hâte me déconcerte un peu. J'avais compté sur deux ou trois jours pour me retourner, pour faire mes préparatifs ...

Rouvière. Quels préparatifs? Il te faut une malle et un peu de linge; tu as une heure pour cela, c'est assez. Si tu n'as pas d'argent, j'en ai. Voyons, pas d'enfantillage, George; si tu diffères ton départ de deux ou trois jours, il est clair, pour toi comme pour moi, que tu ne partiras pas. Je n'ai pas besoin de te dire quelles influences, quels obstacles amolliront ton courage et ruineront ta résolution. Quoi qu'il en soit, en pareille circonstance, il faut trancher dans le vif ou renoncer

...

Dupuis (après un moment de réflexion). Tu as encore raison ... Touche là, Rouvière, je suis ton homme.

Rouvière (appelant). Mar...
Dupuis (vivement). Non, n'appelle pas
Marianne c'est inutile. Je sais mieux

qu'elle ce qui m'est nécessaire. Je ferai
ma malle moi-même, sitôt que ma femme
sera rentrée. (Il regarde à la pendule.)
Huit heures ... elle ne peut tarder
beaucoup maintenant... Eh bien!
quoi? c'est un moment à passer.
... un
triste moment, j'en conviens... mais
après tout j'ai ma conscience pour
moi... et puis, si ma coupe est pleine
d'une généreuse liqueur; qu'importe un
peu d'amertume sur les bords?... Ah!
Tom, quelle perspective soudaine! quel
horizon! Grenade, Venise, Naples!...
c'est un rêve! ... Huit heures cinq
Ah! je donnerais vingt-cinq louis pour
être plus vieux d'une heure... Mon
Dieu, d'un quart d'heure seulement ...
Je sais bien que c'est une faiblesse,
mais..

Rouvière. Allons! veux-tu que je me charge d'avertir ta femme, moi?

Dupuis. Franchement, Tom, tu me rendras service.

Rouvière. Eh bien! c'est arrangé. Va-t'en faire ta malle.

Rouvière. Je verrai bien. Dupuis. Dis-lui surtout que je la prie instamment de garder son calme. Des attendrissements me feraient mal et ne serviraient à rien.

[ocr errors]

...

Rouvière (le prenant par les épaules). Va faire ta malle! (Dupuis sort.) Rouvière (seul; il se frotte les mains). Ah! ah! c'est donc à nous deux, ma chère madame Dupuis! Assurément mon principal but en cette affaire est d'obliger George, de le rendre à luimême; mais je ne suis pas indifférent non plus au plaisir de lancer la foudre à travers la sérénité de cette matrone ridicule... Avant même d'avoir vu cette femme, je l'avais comprise, je l'avais jugée: elle m'était odieuse! Oui, je l'avais devinée tout entière, depuis ses souliers de castor jusqu'à son bonnet à tuyaux plats, dans l'ordonnance de ce monde mesquin, son œuvre et son image, dans la béate symétrie qui prête à chacun de ces meubles, savamment distancés, un air de si profond ennui.

... J'en étais fâché à cause de lui ...

...

mais je n'ai pas pu y tenir je l'ai bourrée comme une caronade pendant tout le dîner. J'ai été maussade comme un Kalmouk! au fond, j'en avais honte

...

[ocr errors]

Dupuis. Ce n'est pas au moins que je craigne une scène violente; ce serait... mais, ma foi! on n'a pas des nerfs méconnaître son caractère. de bronze M. du Luc! Madame Le Rendu! et sa poissonnerie, et sa chatte, et son curé! Que diable! c'était trop fort... Non, je n'imagine pas que l'existence bornée, l'esprit étroit, le langage commun d'une taupinière de province puissent jamais se résumer dans un type plus complet, et réaliser une figure de femelle plus disgracieuse.

Rouvière. Je vais le lui dire. Allons, ta malle!

Dupuis. J'y cours. (Revenant.) Mon ami, dis-lui cela tout doucement, n'estce pas?

Rouvière. Sois tranquille. Mais toi, ne va pas m'abandonner, quand une fois je me serai mis en avant.

Dupuis. Fi donc! déserter pendant le combat. Tu ne me connais plus, Tom!

Rouvière. Non ... C'est que, dans ce cas-là, je jouerais un fort sot sonnage, tu conçois.

per

Dupuis. Tom Rouvière, j'ai l'honneur de vous affirmer que ma résolution est prise, que ce soir à neuf heures, rescousse ou non rescousse, je pars avec vous, et, s'il vous faut ma parole pour gage, je vous la donne ... Es-tu content?

[blocks in formation]

...

vous êtes fait mettre à la porte. Mme Dupuis (simplement, d'un ton bref). Restez-y. (Elle referme la porte.) Oh! Oh! ne m'expliquez rien . . je comDieu! ... oh! les mauvais sujets ils ont fumé!

...

Rouvière. Avons-nous fumé? .. (I aspire avec bruit.) Dieu me protège, je le crois! Eh bien! voyez jusqu'où peut aller la distraction, madame Dupuis... je ne m'en étais pas aperçu, tant nous étions absorbés, George et moi, dans notre grand projet.

Mme Dupuis (se débarrassant de sa mante et de son chapeau). Quel projet?... Vous nous restez, monsieur Tom?

Rouvière. Hum! pas précisément! mais, pour George et pour moi, cela revient au même. Savez-vous deviner les énigmes, madame Dupuis?

Mme Dupuis (le regardant fixement). Vous m'emmenez pas George, par hasard?

Rouvière. Mais avec votre permission, madame Dupuis, j'ai positivement cet avantage.

...

Mme Dupuis (souriant avec indécision et l'interrogeant du regard). Non? non, n'estce pas?.. Vous me jugerez bien simple, monsieur Rouvière, de répondre sérieusement à une plaisanterie; ... mais je n'en suis pas maîtresse, vous m'avez atteinte à la source de ma vie... Ditesmoi . je vous en prie, dites-moi, mon bon monsieur Tom, que vous me laissez mon mari?

...

...

Rouvière. Je vous laisse son cœur sans contredit, ma très chère dame; mais la vérité est que je vous enlève momentanément sa personne. En deux mots, George songeait depuis longtemps. à reprendre langue dans le monde des vivants, et il a saisi avec joie l'occasion de ce départ précipité, qui coupe court à tout empêchement subalterne.

Mme Dupuis (s'appuyant d'une main sur un fauteuil, les yeux baissés et vagues, murmure à demi-voix): C'est vrai!

Rouvière. Tenez, l'entendez-vous, le forcené? quel tapage il fait là haut avec sa malle! Il la traîne sur le parquet comme un char de triomphe! ... Ah ça! il ne vous paraîtra pas merveilleux, j'imagine, madame Dupuis, qu'après avoir séjourné trente années consécutives à Saint-Sauveur-le-Vicomte, un homme de la trempe de George...

prends. Où l'emmenez-vous?

Rouvière. Mais à vous dire vrai, ma chère dame, un peu partout: d'abord

Mme Dupuis. Pour combien de temps?

[blocks in formation]

Rouvière. Oh! pour un an deux tout au plus. Ah! madame Dupuis, quel avenir cela vous fait! Combien va s'enrichir en ce petit nombre de mois votre collection, si brillante déjà, d'objets d'art et de curiosités naturelles! Joignez-y une douzaine de reliquaires authentiques et de chapelets bénits de la main du Saint-Père ... propria manu!... Ah! ah! qu'est-ce que vous dites de cela?

Mme Dupuis (qui ne l'a pas écouté, se laisse tomber dans le fauteuil et cache son visage dans ses deux mains). Oh! mon Dieu! entend ses sanglots étouffés.)

...

...

(On

Rouvière (fronçant le sourcil). (A part.) Ah! cela tourne à l'élégie! (Haut, après un mouvement.) Allons, ma chère madame Dupuis! voyons donc! cela n'est pas raisonnable! de quoi s'agit-il après tout? D'un voyage! Ce n'est pas la mort d'un homme qu'un voyage, on en revient, j'en suis la preuve Eh! comment font donc les femmes des marins, mon Dieu!... Allons! encore! ... Ah! véritablement, ce n'est pas bien! vous me mettez dans l'embarras, madame Dupuis! vous me rendez mon ambassade infiniment pénible!

...

...

Mme Dupuis (d'une voix brisée). Excusezmoi, monsieur, vous voyez, ... je... je ne puis (Elle laisse retomber sa tête dans sa main.)

...

Rouvière. (Il fait un geste d'impatience et commence une rapide promenade, puis s'arrête tout à coup devant madame Dupuis.) Voilà justement, madame, j'ai mission formelle de vous le dire, ce que George tient par-dessus tout à éviter. Mme Dupuis (se levant à demi avec anxiété). Est-ce que je ne vais pas le voir?

[ocr errors]

Rouvière. Vous allez le revoir certainement, si vous reprenez un peu de fermeté: sinon, comme sa détermination est irrévocable, il vaudrait mieux, pour vous et pour lui, en demeurer là.

FEUILLET.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Mais, monsieur Rouvière, c'est qu'il n'est pas habitué, comme vous, à cette vie de fatigues continuelles; sa santé est plus frêle que vous ne le pensez (Lui prenant les mains avec élan.) Vous aurez bien soin de lui, n'est-ce pas?

...

...

...

sans Rouvière (moins rude). Hem! doute, madame, sans doute: comptez sur moi, je m'engage à vous le ramener frais et rose comme une demoiselle... Je m'y engage sur l'honneur, entendez-vous? ... Mais, je vous en prie, plus de larmes, et surtout point de scène d'adieux.

Mme Dupuis. Non, monsieur, vous serez content de moi; vous verrez: c'est fini. (Souriant.) Il n'y paraît plus déjà. Rouvière. Allons! c'est bien, madame Dupuis, c'est bien! ... Je fais grand cas, moi, des femmes vaillantes, des Et épouses sincèrement chrétiennes. maintenant, que nous sommes de sangfroid, permettez-moi de vous répéter que cette immense affliction n'avait réellement pas de raison d'être. Qu'estce qu'une année? Mon Dieu, vous passerez six mois chez votre fille, je suppose; le reste du temps, vous vivrez ici, gentiment, au milieu de vos habitudes Il ne sera et de celles de George. même qu'à moitié absent, car tout ici vous parlera de lui; vous le trouverez à chaque pas.

Mme Dupuis (secouant la tête). Prenez garde, monsieur Tom, prenez garde en me cherchant des consolations, d'augque vous ne menter une douleur pouvez comprendre.

Rouvière. Je vous demande pardon,
et je pen-
madame; je la comprends,
sais vous le prouver.

...

Mme Dupuis. Ce voyage n'est rien sans doute, mais il répond cruellement à une question que je me suis adressée en secret toute ma vie... George estil heureux? ... Eh bien! non. J'étais . . voilà la vérité! seule heureuse, Hélas! mon cœur (Avec une vive emotion.) Il était résigné, . mais pas heureux. pourtant, j'ose le dire, était digne du mais pour le reste, je lui étais sien, trop inégale; je le sentais amèrement. De quelle ressource pouvait être pour un esprit comme le sien le pauvre entretien d'une fille de province, étrangère à toute chose, et qui ne savait que l'aimer?

...

Rouvière. Vous poussez à l'excès, madame, la défiance de vous-même: pour moi, plus je vous connais, et mieux j'apprécie le choix que George a fait de vous.

...

Vous

Vous Mme Dupuis (se levant et souriant). me flattez, monsieur Rouvière, parce que vous me voyez souffrir; êtes généreux, ... je veux l'être aussi, et vous pardonner toutes les peines que vous m'avez causées, car il y a bien longtemps que je vous ai maudit pour la première fois.

Rouvière. Moi, madame? comment ai-je pu le mériter? . . . Mais avant tout, dites-moi, vous êtes mieux, n'estce pas? je ne sais à quoi cela tient, mais vous me paraissez rajeunie de dix ans.

Oui,

Mme Dupuis (souriant).
crois que j'ai un peu de fièvre,
c'est ce qu'il faut.

je

Rouvière. Voyons, courage! ... Mais enfin à quel titre ai-je figuré d'une façon si pénible dans votre destinée?

[ocr errors]

Mme Dupuis (un peu exaltée). Mon Dieu! monsieur Tom, vous n'ignorez pas que toute femme, dès le lendemain de son celle des mariage, se trouve en présence d'une rivalité bien redoutable, C'est une souvenirs de son mari . tâche difficile, croyez-moi, que de faire oublier tous les biens qu'on nous sacrifiés, que d'apaiser, nous seules dans le cœur de notre époux, les re

a

« 前へ次へ »