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la gloire de la plus éclatante des con- | Étienne aperçut sur les sommets du

ne

quêtes, de la plus haute des fortunes et le fatal cordon des esclaves. Un jour de réveil, un assaut, pouvaient encore tout réparer. Cet effort semblait même plus nécessaire. Vienne était aux abois: la garnison était épuisée, les habitants abattus; une épidémie, le bombardement, les combats souterrains, les assauts, avaient porté partout la désolation et la mort. En vain l'évêque de Neustadt, le Belzunce de ces affreuses scènes, court-il de maison en maison pour ranimer les courages. Le vertueux Colonitz avait combattu en soldat dans Candie. Maintenant il défend Vienne par ses exemples, par sa charité, par sa parole: sera-t-il plus heureux? Sa voix n'est pas entendue. L'heureux présage de huit cigognes qui, des hauteurs du Calemberg, vont s'abattre sur la ville, n'a relevé que pour quelques jours les esprits renversés. Près de deux mois de captivité, l'épuisement des munitions, les progrès des mines ennemies, des espérances de secours toujours trompées, ont livré les âmes à un morne désespoir. Un émissaire du comte de Stahremberg, qui pénètre jusqu'au duc Charles, lui apprend que les assiégés ne peuvent plus tenir. L'empereur et l'Europe ne doutèrent pas que désormais les secours n'arrivassent trop tard. Innocent XI se hâta d'ordonner l'exposition du saint sacrement dans toutes les églises de l'univers.

Avec les premiers jours de septembre, le péril s'accrut; les assiégés virent les Turcs presser les travaux, le bombardement prendre une activité nouvelle, une demi-lune, qui couvrait le corps de la place, tomber enfin, la muraille même s'écrouler à son tour. Des retranchements, élevés à la hâte à l'entrée des rues, étaient la dernière tentative du courage de Stahremberg, la dernière ressource de son désespoir.

Il bornait à trois jours la puissance de ses efforts, et, chaque nuit, des fusées de détresse, tirées du haut des clochers, portaient au loin l'annonce de ses extrémités. Un soir, la sentinelle qui veillait au haut de la tour de Saint

Calemberg une flamme éclatante. Plus tard, une armée s'y fit voir, s'apprêtant à descendre les montagnes. A l'éclat des lances et de leurs banderoles brillantes se distinguaient, avec des lunettes d'approche, les hussards de Pologne, si redoutables à l'Osmanli. On vit les Turcs se diviser en deux et même trois armées, l'une qui courait à ces assaillants, l'autre qui se préparait à livrer l'assaut, à en finir avec ce siège éternel; la troisième était de fuyards occupés à se sauver en Hongrie avec leur butin. A l'aspect du conflit terrible qui allait tout décider, Colonitz entraîna les femmes et les enfants dans les temples; Stahremberg, les hommes sur la brèche et sur les remparts.

Il y avait déjà plusieurs jours que Jean s'était séparé de son armée avec quelques milliers de chevaux, pour pouvoir plus tôt, écrivait-il à la reine, entendre le canon de Vienne et boire l'eau du Danube. Le duc de Lorraine courut au-devant de lui jusqu'à Heilbrunn, impatient, comme il le disait, d'apprendre le métier de la guerre sous un si grand maître, et de complimenter les Polonais sur le discernement qu'ils avaient fait voir dans l'élection d'un roi. Les deux illustres capitaines arrêtèrent le plan d'opérations qui devait sauver l'Allemagne, et bientôt Jean campa sur le Danube avec toutes ses troupes qui venaient de le rejoindre, et toutes celles de l'Empire. Ce fut en pleurant de joie que les Impériaux, soldats, souverains, gentilshommes, accueillirent ce chef victorieux que leur envoyait la fortune. Avant son arrivée, la discorde régnait entre tous les princes: elle tomba devant lui. Tous vouèrent au héros une obéissance qu'il n'avait jamais rencontrée parmi ses sujets, et les opérations qu'il résolut s'exécutèrent sans obstacle.

Lorraine avait jeté dans la ville de Tuln, à six lieues au-dessus de Vienne, un triple pont appuyé sur deux îles, que Kara-Mustapha laissa construire sans donner signe de vie. Les électeurs hésitaient à s'aventurer au-delà du fleuve. Un temps effroyable, de longues

pluies, des chemins impraticables, augmentaient leurs alarmes. Mais Jean ne connaissait ni hésitations ni retards; l'état de Vienne n'en souffrait pas. Un message de Stahremberg qui arriva ne portait que ces mots:,,Point de temps à perdre." „Point de revers à redouter, s'écria Jean; vous voyez bien que le général qui, à la tête de trois cent mille hommes, a laissé construire ce pont à sa barbe, ne peut manquer d'être battu." Le lendemain, les libérateurs de la chrétienté passèrent. Les Polonais marchèrent les premiers, étonnant leurs simples alliés par la magnificence des armes, le luxe des costumes, la beauté des chevaux. L'infanterie était moins brillante: un régiment surtout affligeait par son délabrement l'amourpropre du roi. „Regardez bien ces braves, dit-il aux Impériaux; c'est une troupe invincible qui a fait serment de n'être jamais vêtue que des dépouilles de l'ennemi." Si ces paroles ne les habillaient pas, dit l'abbé Coyer, elles les cuirassaient.

Le même soir, il planta sa lance sur la terre d'Autriche qu'il venait sauver. Un soleil magnifique avait éclairé cette mémorable journée, et les chemins séchèrent.

Le jour suivant, l'électeur de Saxe, George III, homme de guerre renommé, le prince de Waldeck, qui commandait les troupes des Cercles, puis enfin Charles, franchirent le fleuve. En même temps arriva par la rive droite l'électeur de Bavière Maximilien-Emanuel, si célèbre plus tard par son courage et ses malheurs, âgé alors de vingt-quatre ans, hardi cavalier, nageur intrépide, habile à tout, et impatient de faire ses premières armes. Il marchait à la tête de son contingent, que le grandvizir n'avait pas eu seulement la pensée d'arrêter dans sa course, et de détruire quand il était temps encore. L'armée chrétienne se trouva ainsi tout entière sur le même rivage que ces bandes innombrables, objet de tant d'effroi. Sa force montait à soixante-dix mille combattants, dont un peu plus de vingt mille Impériaux, dix mille Saxons, douze mille Bavarois, le contingent des Cercles, qui

était de neuf mille hommes, la foule des volontaires, qui risquait de devenir un embarras et un danger plutôt qu'un secours, et environ dix-huit mille Polonais. On comptait en tout trente-deux mille fantassins; la cavalerie était généralement très belle. Jean ne s'était jamais vu à la tête d'une si puissante armée; et, oubliant le nombre des ennemis, ne songeant qu'à leurs fautes, plein de foi en Dieu, confiant en sa fortune, il ne doutait pas de vaincre.

Sa plus grande inquiétude était l'absence des Kosaques que Mynzinski lui avait promis d'amener. C'étaient des éclaireurs excellents. Les Tartares trouvaient en eux de redoutables adversaires. Ils avaient une vieille habitude de faire la guerre au Turc. Nulle troupe n'était aussi habile à enlever des prisonniers pour s'instruire des mouvements de l'ennemi, et avoir des guides. C'était ce qu'on appelait prendre langue. On leur donnait jusqu'à dix écus par homme qu'ils ramenaient ainsi. Ils jetaient leurs captifs dans la tente du roi, allaient toucher leur salaire, et revenaient disant: „Jean, j'ai touché mon argent; Dieu te le rende.“ Privé de ce secours, le roi se voyait contraint de moins ménager ses hussards, au milieu des défilés dangereux où on allait s'engager. Son chagrin était grand: les étrangers, qui ne comprenaient pas son estime pour cette milice indisciplinée, l'entendaient avec surprise s'écrier sans cesse: „O Mynzinski, Mynzinski!"

Une chaîne escarpée, pleine de gorges étroites, de profonds précipices, de bois, de rochers, celle du Calemberg, le mont

tius des anciens, séparait comme un vaste rideau les deux armées, les deux causes, l'Europe et l'Asie. Sur ses flancs, se déployait l'épaisse et profonde forêt de Vienne. Il fallait escalader ces difficiles barrières avant d'arriver aux ennemis; car la montagne s'avance à pic au milieu du Danube, et KaraMustapha, qui avec quelques bataillons, l'aurait rendue inaccessible, n'y avait pas même songé. A peine quelques Tartares erraient dans ces montagnes pour faire du butin. Un Murza, qui

rencontra les avant-postes, vint librement demander ce que voulait dire tout cet appareil et comme on lui répondit que c'était le roi de Pologne, il se prit à sourire, en disant: „Le roi de Pologne! Nous savons bien qu'en effet il a envoyé Lubomirsky avec quelques escadrons!"

Rien ne pouvait s'égaler à la confiance des Osmanlis, si ce n'est l'inquiétude des Impériaux. Telle était la terreur imprimée par l'immense armement de la Porte, qu'au premier cri d'Allah! le désordre et la fuite se mettaient dans les rangs. Il fallut que les Polonais tinssent toujours la droite dans cette marche laborieuse qui dura trois jours. Plusieurs milliers de paysans étaient occupés à pratiquer des chemins au milieu de la forêt, sur les croupes de ces monts sauvages. Les troupes de pied portaient à bras l'artillerie; force fut d'abandonner toutes les pièces de gros calibre. Chefs et soldats n'avaient de vivres que ce que chacun portait avec soi; des feuilles de chêne étaient toute la nourriture des chevaux. Tel nous avons vu le passage du SaintBernard. Quelques éclaireurs atteignirent les sommets longtemps avant l'armée; ils découvrirent le camp turc, furent saisis d'épouvante, et vinrent, par leurs récits, répandre dans les rangs une terreur panique. Le roi eut besoin, pour rassurer ses troupes, de la sécurité de sa contenance, de la gaieté de ses discours, du souvenir de toutes les multitudes d'infidèles qu'il avait dispersées dans sa vie. Les janissaires de sa garde, dont il marchait environné, étaient des témoignages vivants de ses victoires; et vainement s'étonnait-on qu'il osât s'avancer contre le croissant sous leur escorte: il allait à eux, leur proposait de retourner aux bagages, ou même de rejoindre le camp turc. Tous répondaient en pleurant que désormais ils ne pouvaient plus que vivre et mourir près de lui. Son ascendant entraînait ainsi infidèles et chrétiens, princes et soldats.

Infatigable, il pensait à tout; luimême a tracé ce tableau de ses soins sans terme. „De continuelles harangues,

mes conférences avec le duc de Lorraine et les autres chefs, des ordres sans nombre à donner, m'empêchent non seulement d'écrire, mais même de prendre de la nourriture et du repos. C'est bien pis encore maintenant que Vienne est à toute extrémité, et que quatre milles seulement nous séparent de l'ennemi. Ajoutez le cérémoniel des entrevues, les difficultés que fait naître l'étiquette, tantôt une chose, tantôt une autre: qui passera le premier ou le dernier, qui aura la droite ou la gauche; viennent ensuite les conseils sans fin, les lenteurs, l'indécision; et tout cela, en faisant perdre beaucoup de temps, fait faire en outre beaucoup de mauvais sang. Une foule de princes nous arrivent jour et nuit de toutes les parties de l'Europe; viennent ensuite les comtes et les chevaliers des différentes nations qui veulent me voir, ils me prennent mon temps."

Enfin, la tête de l'armée campa le samedi 11, vers les onze heures du matin, sur la cime roide et nue du Calemberg; on occupa, à peu près sans coup férir, le vieux château de ce nom, le couvent des Camaldules, l'église du Léopoldsberg, suspendue sur ces montagnes. On vit au-dessous de soi la plaine inégale de l'Autriche, sa capitale fumante, le camp des assiégeants et les tentes dorées de ce camp terrible, ses lignes profondes, son croissant immense; plus près, au pied des cimes qu'on occupait, dans la forêt et les ravins d'alentour, se montraient, à portée de mousquet, les bandes ottomanes, accourues au bruit de cette marche hardie. A mesure que les alliés arrivaient ils prenaient position le long des hauteurs, vers les chemins et les sentiers par lesquels on pouvait tenter de descendre, et des batteries étaient dressées sur toutes les saillies pour seconder l'entreprise, en battant les flancs de la montagne; en même temps on alluma ces feux qui portèrent dans Vienne le courage et l'espoir.

A la vue du secours, Kara-Mustapha conçut un plan, hardi comme tous ses plans. Suivant son usage, l'exécution fut molle et stérile. Son armée ne le

secondait plus. Ce long siège y avait porté le découragement. Les maladies y firent des ravages. Ses débauches, sa cupidité, dans laquelle on voyait la cause de ce siège éternel et destructeur, en firent de plus grands. Les anathèmes dont le muphti frappait ses désordres, donnèrent quelque chose de superstitieux et de sacré aux alarmes de la soldatesque. On se rappela mille funestes présages, et surtout l'opposition sainte de l'uléma à cette déloyale rupture de la trève qui unissait les deux empires. Les janissaires d'ailleurs commençaient à accuser leur chef d'autant de lâcheté que de mollesse et de cupidité: ,Venez infidèles, disaient-ils; la vue d'un chapeau nous fera fuir." Quand une armée en est là, elle tient parole.

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En même temps, les Grecs de Ducas, d'Abaffi, de Cantacuzène chancelaient dans cette querelle prolongée de l'Évangile et du Coran. Les hospodars souffraient impatiemment l'orgueil du vizir, depuis qu'ils commençaient à douter de sa fortune. Ainsi princes, lieutenants, soldats, tous conspiraient dès longtemps sa ruine, quand des prisonniers, que Jean avait relâchés à dessein, arrivérent, criant que le roi de Pologne était derrière eux. D'abord, on ne les crut pas; mais ils l'avaient vu; ils avaient parlé turc avec lui; ils avaient eu, ajoutaient-ils, mille peines à s'échapper de ses terribles mains. L'épouvante gagna les cœurs; la fuite se mit dans les rangs. Alors brillèrent sur les sommets du Calemberg les armes étincelantes des alliés. Kara-Mustapha n'en revenait point de voir ces insurmontables remparts ouverts à une armée. Un conseil de guerre qu'il assembla lui apprit trop que l'abattement avait gagné jusqu'aux chefs. Le pacha d'Andrinople, que la plupart des autres appuyèrent, conseilla la retraite, se fondant sur l'exemple du grand Soliman. Ibrahim-Pacha, beglier-bey de Bude, qui s'était opposé à l'aventureuse entreprise du siège de Vienne, et tous ceux qui avaient pensé comme lui, triomphaient de cette démonstration de leur sagesse. Le vizir indigné protesta

contre la pensée de fuir. Il annonça qu'autres étaient ses desseins: il allait livrer l'assaut en même temps que le gros de l'armée fermerait les passages du Calemberg. En dépit des maladies, des pertes, des désertions, des corps nombreux détachés sous Raab, sous Presbourg, devant Comorn, près de Tékéli, il comptait encore près de cent soixante-dix mille combattants. C'était plus qu'il ne fallait pour exécuter cette entreprise qui n'était que grande, qui devint téméraire parce qu'au lieu de se porter en personne au-devant de l'armée libératrice et de hérisser à la hâte de retranchements, partout préparés par la nature, les avenues de son camp, le vizir, toujours confiant quand il fallait douter, toujours indolent quand il fallait agir, se contenta d'envoyer ses généraux recevoir sans précaution le choc du héros de Podhaïce, de Kotzim, de Zuranow.

Kara-Mustapha avait gardé près de soi les janissaires et toute son infanterie, ainsi que son artillerie presque entière. Ce furent la cavalerie, les Spahis, les Walaques, les Tartares, qu'il porta précipitamment à la rencontre de Jean. Les escadrons se déployaient sur les abords montueux et boisés de la plaine. A leur tête marchait un vieillard de quatre-vingts ans, cet Ibrahim-Pacha, beglier-bey de Bude, le plus grand homme de guerre de ce temps au jugement des Turcs, mais sans doute appesanti par l'âge, et peutêtre intéressé au désastre du vizir par le ressentiment de son expérience méconnue: le siège de Vienne avait été tenté, il se poursuivait malgré ses conseils.

Dans l'armée chrétienne, les Polonais, conduits par le grand - hetman Jablonowski, tenaient l'aile droite, s'apprêtant à déborder la gauche des barbares, et à descendre dans les plaines propices aux mouvements des hussards, vers le centre même du camp turc. L'aile gauche, qui s'appuyait au Danube, était composée de l'infanterie impériale et saxonne en trois divisions. Le comte Caprara, qui avait le prince Louis de Bade et le prince de Solms pour lieute

nants, conduisait la première. La seconde avait à sa tête le prince Herman de Bade, celui à qui on attribuait la gloire d'avoir pointé le canon fatal sur Turenne; sous lui servaient le duc de Croy et Louis de Neufbourg. L'électeur de Saxe commandait la troisième division, formée de troupes auxiliaires. C'étaient tous hommes de guerre éprouvés depuis longtemps et et capitaines illustres. Cette aile formidable devait marcher droit à Vienne. Elle avait pour cavalerie le corps de l'impétueux chevalier Lubomirski. Le duc de Lorraine en personne se chargeait de tout conduire.

Le centre était composé de deux divisions: toute la cavalerie des Impériaux et des Bavarois, commandée par le savant duc de Saxe-Lawembourg, avec le comte Caraffa, le baron de Bareith, le comte Gondola, le baron de Munster, le marquis de Beauvau pour sergents de bataille; et toute l'infanterie de Bavière, de Franconie, des Cercles que guidait le prince de Waldeck. Près de ce maître célèbre voulait combattre, comme simple volontaire, l'électeur de Bavière; trois princes d'Anhalt, trois de Wirtemberg, deux de Hanovre, deux de Holstein, un d'Eisenach, un de Hohenzollern, un de HesseCassel, brillaient épars dans les lignes. L'Empire était là tout entier; il n'y manquait, dit Voltaire, que l'Empereur. A sa place, le roi de Pologne était l'Agamemnon en même temps que l'Achille de cette épopée. Kara-Mustapha de son côté comptait autour de soi quatre princes chrétiens, et autant de princes tartares. On ne sait si tant de chefs superbes s'étaient rencontrés depuis l'Iliade sur un même champ de bataille.

Admis au nombre des aides-de-camp du duc de Lorraine, le jeune Eugène de Savoie fit son apprentissage du métier de la guerre en portant à Jean Sobieski la nouvelle de l'engagement par lequel s'ouvraient à la fois cette grande vie militaire et cette grande journée. La veille, le comte de Leslé, de la division du prince Herman, avait reçu l'ordre de s'avancer aux pieds des

Camaldules, jusqu'à la sortie de la forêt, de s'y retrancher, et d'asseoir des batteries pour couper le centre des troupes musulmanes, et les dominer de toutes parts. A la pointe du jour, les Spahis aperçurent les ouvrages des Impériaux et des Saxons. Ils se présentèrent en force pour les détruire, en poussant de grands cris. Le comte de Fontaine, et bientôt le duc de Croy, de la même division, en vinrent aux mains; le duc de Croy fut blessé sérieusement; un seigneur de cette illustre maison, le prince Maximilien, tomba frappé à mort; Waldeck se vit obligé d'accourir: l'aile gauche avait été entraînée tout entière. Le différend de l'Europe et de l'Asie était commis au dieu des batailles.

Il était huit heures du matin, l'action devenait vive et sanglante; elle embrassait tout le territoire de ClosterNeubourg, et déjà les dragons de Savoie, ceux de Croy, un régiment de Saxe et le corps de Lubomirski s'étaient couverts de gloire. Le prince Charles de Lorraine courut auprès du roi pour prendre ses derniers ordres, et tous deux, les instructions données, se précipitèrent, aux bras l'un de l'autre, dans la vieille église de Léopoldsberg, afin d'invoquer ensemble les bénédictions de celui dont ils allaient défendre la querelle. Un capucin qui arrivait de Rome, religieux, enthousiaste et éloquent, estimé, dit Daleyrac, grand homme de bien jusqu'à faire des miracles, et chargé de porter aux défenseurs de la croix les bénédictions d'Innocent XI, le père Marco d'Aviano célébra la messe. Les électeurs, ceux des princes qui n'étaient pas encore engagés, toute cette noblesse, l'élite du monde policé, se pressèrent pour l'entendre: elle fut servie par Jean Sobieski. A genoux tout le temps sur les marches de l'autel, la tête inclinée, les mains en croix, le héros priait avec ferveur; il communia, puis il se releva pour armer chevalier le prince Jacques son fils. Alors Marco d'Aviano s'avança sur le seuil de la chapelle, et le crucifix à la main, répandit sa bénédiction sur l'armée: „Je vous annonce, dit-il, de par

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