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pour quatre à cinq mois de l'année. Pour le surplus et pour le bétail ils sont absolument tributaires des Turcs. Ils n'entretiennent que quelques troupeaux de chèvres dont le lait est employé à faire des fromages. Les huiles, le sel sont les seuls objets d'exportation. Joints à quelques autres articles peu importans, tels que des poteries, des liqueurs, quelques dépouilles de troupeaux, l'auteur estime qu'ils produisent une somme de 2,180,000 fr., et il croit que la somme de leurs importations qui consistent principalement en grains et ensuite en bestiaux, volailles objets de luxe, se monte à environ 2,500,000 fr.; c'est donc une solde de 320,000 fr. environ que les habitans de Corfou paient en argent.

Ce vide devait être rempli par les profits de l'industrie, du commerce de transit, et par les gains d'un petit nombre d'insulaires qui passaient tous les ans en Turquie, où ils allaient cultiver les terres et faire les recoltes d'un voisin dont l'indolence offrait une ressource à leur misère.

L'auteur estime à 600,000 fr. les contributions que les Corfiotes payaient à Venise, mais il évalue au double les frais d'administration que cette ile coûtait aux Vénitiens. Il est difficile de croire qu'ils montassent aussi haut, car la partie la plus considérable de ces frais d'administration étant mangée sur les lieux, aurait procuré à l'ile une richesse qui ne s'accorde guère avec l'apparence de misère que l'auteur remarque en plusieurs occasions. Toutefois cela peut faire craindre qu'en supposant que la possession de cette île fût confirmée à la France par la paix, la Republique n'en tirât qu'un faible parti, à moins qu'un excellent système d'administration, que des innovations importantes dans la culture, telles que l'introduction de celle des denrées coloniales, ne changeassent tout-à-fait la nature et la masse de ses produits. Quant à l'utilité, militaire, la possession de Malte est infiniment plus importante.

L'auteur passe ensuite en revue plusieurs postes et.

leurs territoires que les Vénitiens possédaient sur la côte d'Albanie, et qui dépendaient de leurs iles, tels que Bucintro, Parga, Prevesa, Vouizza, lieux qui ne sont guères que des bourgades, à peine soumises au Gouvernement dont elles dépendent, et entourées des peuples plus brigands que civilisés, qui habitent la terre - ferme. Ces Albanais sont aussi peu soumis à leurs Pachas que ceux-ci le sont à la Porte-Ottomane, et il en résulte que ces contrées qui étaient l'ancien royaume d'Épire, s'enfoncent chaque jour davantage dans la barbarie. On Iira avec intérêt le détail des tentatives des Français pour établir quelques relations de commerce avec ces pays, et sur-tout pour en tirer des bois de construction pour l'arsenal de Toulon; ces tentatives n'ont pas été heu-. reuses, et se sont terminées, en 1792, par l'assassinat d'un habile Négociant de Marseille qui avait, dans ce but, formé avec beaucoup de courage et d'intelligence, un établissement dans le golfe de l'Arta.

Cette partie de l'ouvrage contient encore des détails assez curieux sur les moyens mis en usage par la Russie, dans ses dernières guerres contre la Porte, pour soulever la Grèce contre les Turcs. Elle excitait ces Grecs malheureux et abátardis à reprendre leur ancienne énergie, et rétablissait parmi eux toutes les institutions et tous les noms célèbres dans l'antiquité; c'est-à-dire, qu'elle fesait précisément ce qu'ont fait les Français quelques mois seulement plus tard, et ce qui a motivé la guerre cruelle que ce même gouvernement de Russie leur a faite.

Notre Voyageur conduit ensuite son lecteur à l'ile de Sainte-Maure, qui est l'ancienne Leucade, célèbre par le promontoire d'où les amans malheureux se précipitaient dans la mer. On aurait été bien aise de trouver dans l'ouvrage une vue, ou au moins une description de ce promontoire auquel sont attachés de grands souvenirs et qu'ont illustré tant de poëtes.

De Sainte-Maure l'Auteur avançant toujours vers le Sud, vous conduit à Zantele de six à sept lieues dans

sa plus grande dimension. C'est une des iles du Levant les plus agréables par ses sites, et les plus riches par ses produits. Le plus considérable est le raisin que nous appelons de Corinthe. Il y fut en effet apporté de Corinthe il y a environ deux siècles, et maintenant l'île de Zante fournit à presque toute la consommation de cette denrée qui se fait en Europe.

La vigne qui la produit se cultive à-peu-près comme la nôtre, mais elle est plus basse. La racine est profonde et d'une fibre très-forte. L'intérieur de ces racines est du plus beau rouge. Les raisins qui ne sont guères plus gros que nos groseilles, viennent en grappes fort petites. Le grain est sans pepin, d'une couleur mordorée. Lorsqu'il n'est pas très-mûr, un peu d'acidité mêlée à sa très-grande douceur, le rend fort agréable à manger. On en fait un vin regardé comme salutaire. La vendange se fait au plus tard vers le milieu de Thermidor. Le raisin coupé est aussitôt étalé grappe à grappe sur des aires bien unies, afin qu'il puisse sécher au soleil : opération qui dure quinze jours au plus, et pendant laquelle la pluie est fort redoutée. On égrappille alors les grappes, on évente le grain dans des cribles pour le purger de la poussière, et il ressemble assez, lorsqu'il est de bonne qualité, à des grains de poivre. Pour l'embarquement on le foule dans des tonneaux, ce qui lui fait perdre cette forme régulière.

L'Auteur passe ensuite aux iles Strophades, le séjour des Harpies de Virgile, ce qui lui donne occasion de rappeler quelques beaux vers du Poëte latin. Enfin il parle de Cérigo, l'ancienne Cythère, où nous ne nous arrêterons pas avec lui, ayant déjà parlé de cette ile avec quelque détail dans notre Journal.

Nous ne nous trainerons point sur toutes les imperfections du voyage du C. Grasset - Saint-Sauveur, pour en faire la critique; il s'y trouve plusieurs informations précieuses, en ce qu'elles viennent d'un homme qui a habité les lieux qu'il décrit ; mais, s'il faut l'avouer, on est surpris de ne pas en trouver davantage. Elles sont trop sou

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vent suppléées par du remplissage, et le lecteur, avide d'instruction, perd quelquefois patience en lisant ces trois volumes, d'où l'on pourrait à peine tirer de quoi en faire un seul bien nourri. Nous avons cru utile de faire cette remarque pour l'utilité des écrivains en général, voyageurs ou autres. Puissent-ils enfin se convaincre qu'il ne faut imprimer que ce qui mérite d'être dit, et respecter assez leurs lecteurs pour ne pas leur faire acheter des pages et des volumes qui causent une perte de tems plus regretable encore que celle de l'argent qu'ils coûtent. Je sais bien que les libraires ont intérêt à vendre du papier, mais je crois qu'ils décréditent leur commerce en fesant abstraction de toute considération morale; ce qu'ils vendent de plus en longueur, ils le vendent de moins en nombre; et je suis convaincu qu'un seul volume écrit d'un style rapide mais non dépourvu de grâces, et rempli de la saveur de ce qu'on aurait pu délayer dans trois volumes, se vendrait à trois fois plus de personnes, parce qu'il serait à la portée d'un plus grand nombre de bourses, et de nature à plaire à bien plus de lecteurs.

Nous ajouterons un mot au sujet de l'Atlas. Il est composé de cartes et de vues. La première des cartes est une copie de quelque mauvaise carte de la Grèce moderne. Elle est sur une échelle trop petite pour qu'on puisse y bien distinguer les endroits parcourus par l'auteur; relativement au placement des lieux, elle nous a paru inexacte, comparée à d'autres; il y a même des lieux décrits dans l'ouvrage qui ne s'y trouvent point, tels que Paxo, Parga, et les iles Strophades. Les autres cartes n'offrent le que plan de quelques atterrages copiés sur quelques cartes à l'usage des marins, et où non-seulement il ne se trouve point d'échelles, mais aucune représentation des accidens qui se rencontrent sur la côte, comme villes, rivières, montagnes, etc.

Les vues n'inspirent pas plus de confiance, quant à leur exactitude. Une des plus agréables est celle de la ville d'Argostoli, capitale de l'île de Céphalonie; elle présente

l'aspect

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Paspect d'une jolie ville située au bord de la mer et couronnée par des collines riantes. Or, comment accorder cette représentation avec la description qu'on en trouve dans l'ouvrage? « Argostoli, y est-il dit, est environnée » de tous côtés de montagnes élevées.... Sa situation est » aussi peu saine que désagréable. On ne peut comparer » cette petite ville qu'à un de nos villages; la vue ne se » porte que sur des maisons basses et mal construites, la plupart endommagées par des tremblemens de » terre, etc. ».

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Qu'il est facile à un voyageur qui sait dessiner de rendre ses narrations intéressantes, en y joignant quelques vues! mais il faut que ces vues soient des portraits, et qu'on puisse se fier entièrement à leur fidélité.

Y.

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5.

LITTERATURE.

ROMANS.

MES PREMIÈRes étourderies, ou quelques chapitres de ma vie en attendant mieux ; 3 vol. in-18. A Paris, chez Marchand, libraire, Palais-Egalité, galerie neuve, n°. 10, an VIII.

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Bayle a dit qu'aussilót qu'un homme était auteur, il était justiciable de tous ceux qui savaient lire, et que ses ouvrages devenaient pour ainsi dire leur propriété. L'écrivain devrait avant d'augmenter les propriétés du public, hésiter quelque tems, et consulter de vrais amis pour savoir si son livre est de nature à enrichir ce public dont il recherche sans doute le suffrage. Tout homme en prenant la plume se propose sans doute un but; c'est d'instruire ou d'amuser. C'est aussi pour trouver instruction ou amusement qu'on lit: et la classe des lecteurs, libre en général de tout préjugé, entrent ainsi dans le dessein de l'auteur, et n'ont aucun intérêt de chercher des défauts et de détruire la satisfaction qu'ils trouvent dans ce qui est bien, afin de découvrir ce qui pourrait être mieux.

An VIII. 2°. Trimestre.

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