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L'offrande funéraire et ces tristes autels

Que dans l'ombre des nuits invoquent les mortels.
Lui-même il abandonne aux flammes dévorantes
Des taureaux égorgés les entrailles sanglantes.
Vulcain en fait sa proie, et du gras olivier
L'onctueuse liqueur arrose le brasier.

Voilà qu'au jour naissant mugissent les campagnes;
La cime des forêts tremble au front des montagnes;
La terre éprouve au loin d'affreux ébranlemens,
Et les chiens frappent l'air de leurs longs hurlemens.
Soudain à son approche ont tressailli les mânes:
« Loin de ce bois sacré, loin de mes yeux, profanes!
» S'écria la prêtresse. Et toi qui suis mes pas,
Énée, arme ton coeur; Énée, arme ton bras. >>
Elle dit, et s'élance au fond de l'antre sombre:
Et lui, d'un pas hardi, marche, et la suit dans l'ombre.

Tristes divinités du gouffre de Pluton!
Toi, lugubre Chaos! et toi, noir Phlegéthon!
Permettez qu'un mortel, de vos rives funèbres
Trouble le long silence et les vastes ténèbres,
Et sonde, dans ses vers noblement indiscrets,
L'abîme impénétrable où dorment vos secrets.

Tous les deux, s'avançant dans ces tristes royaumes Habités par le vide et peuplés de fantômes,

Est iter in silvis, ubi coelum condidit umbrâ

Jupiter, et rebus nox abstulit atra colorem.

Vestibulum ante ipsum, primisque in faucibus Orci, Luctus et ultrices posuere cubilia Curae; Pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus, Et Metus, et malesuada Fames, ac turpis Egestas, Terribiles visu formæ ; Letumque, Labosque; Tum consanguineus Leti Sopor, et mala mentis Gaudia, mortiferumque adverso in limine Bellum, Ferreique Eumenidum thalami, et Discordia demens, Vipereum crinem vittis innexa cruentis.

In medio ramos annosaque brachia pandit Ulmus opaca, ingens, quam sedem Somnia vulgò Vana tenere ferunt, foliisque sub omnibus hærent. Multaque præterea variarum monstra ferarum, Centauri in foribus stabulant, Scyllæque biformes, Et centumgeminus Briareus, ac bellua Lernæ Horrendum stridens, flammisque armata Chimæra, Gorgones, Harpyiæque, et forma tricorporis umbræ. Corripit hîc subitâ trepidus formidine ferrum

Marchoient à la lueur du crépuscule obscur :
Tel, lorsqu'un voile épais des cieux cache l'azur,
Au jour pâle et douteux de leur lumière avare,
Dans le fond des forêts le voyageur s'égare.
Devant le vestibule, aux portes des enfers,
Habitent les Soucis et les Regrets amers,
Et des Remords rongeurs l'escorte vengeresse;
La pâle Maladie, et la triste Vieillesse;
L'indigence en lambeaux, l'inflexible Trépas,
Et le Sommeil son frère, et le Dieu des combats;
Le Travail qui gémit, la Terreur qui frissonne,
Et la Faim qui frémit des conseils qu'elle donne;
Et l'Ivresse du crime, et les Filles d'enfer
Reposant leur fureur sur des couches de fer;
Et la Discorde enfin, qui, soufflant la tempête,
Tresse en festons sanglans les serpens de sa tête.
Au centre est un vieil orme où les fils du Sommeil,
Amoureux de la Nuit, ennemis du Réveil,
Sans cesse variant leurs formes passagères,
Sont les hôtes légers de ses feuilles légères.
Là, sont tous ces fléaux, tous ces monstres divers
Qui vont épouvanter l'air, la terre et les mers;
Géryon, de trois corps formant un corps énorme;
Le Quadrupède humain, fier de sa double forme ;
L'Hydre, qui fait siffler cent aiguillons affreux;
La Chimère, lançant des tourbillons de feux;

Eneas, strictamque aciem venientibus offert:
Et, ni docta comes tenues sine corpore vitas
Admoneat volitare cavâ sub imagine formæ,
Irruat et frustra ferro diverberet umbras.

Hinc via Tartarei quæ fert Acherontis ad undas: Turbidus hic coeno vastâque voragine gurges Estuat, atque omnem Cocy to eructat arenam. Portitor has horrendus aquas et flumina servat Terribili squalore Charon, cui plurima mento Canities inculta jacet; stant lumina flammâ ; Sordidus ex humeris nodo dependet amictus. Ipse ratem conto subigit, velisque ministrat, Et ferruginea subvectat corpora cymbâ; Jam senior, sed cruda deo viridisque senectus. Huc omnis turba ad ripas effusa ruebat: Matres, atque viri, defunctaque corpora Magnanimûm heroum, pueri, innuptæque puellæ, Impositique rogis juvenes ante ora parentum: Quàm multa in silvis autumni frigore primo Lapsa cadunt folia; aut ad terram gurgite ab alto

vitâ

Quàm multæ glomerantur aves, ubi frigidus annus

Briarée aux cent bras, levant sa tête impie;
Et l'horrible Gorgone, et l'avide Harpie.
Énée alloit sur eux fondre le fer en main.

« Arrête : tu ne vois qu'un simulacre vain.

» Marchons, dit la prêtresse, et quittons ces lieux sombres:
» Ce n'est pas aux héros à combattre des ombres. »
De là vers le Tartare un noir chemin conduit;
Là l'Acheron bouillonne, et, roulant à grand bruit,
Dans le Cocyte affreux vomit sa fange immonde.
L'effroyable Caron est nocher de cette onde.
D'un poil déjà blanchi mélangeant sa noirceur,
Sa barbe étale aux yeux son inculte épaisseur;
Un noeud lie à son cou sa grossière parure.
Sa barque, qu'en roulant noircit la vague impure,
Va transportant les morts sur l'avare Achéron;
Sans cesse il tend la voile ou plonge l'aviron.
Son air est rebutant, et de profondes rides
Ont creusé son vieux front de leurs sillons arides;
Mais, à sa verte audace, à son œil plein de feu,
On reconnoît d'abord la vieillesse d'un dieu.
D'innombrables essaims bordoient les rives sombres,
Des mères, des héros, aujourd'hui vaines ombres,
Des vierges que l'hymen attendoit aux autels,
Des fils mis au bûcher sous les yeux paternels,
Plus pressés, plus nombreux que ces pâles feuillages
Sur qui l'hiver naissant prélude à ses ravages,

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