ページの画像
PDF
ePub

» Durant trois longues nuits j'ai, d'un bras courageux, » Lutte contre les vents et les flots orageux;

» Enfin mon œil, du haut d'une vague écumante,

» Vit de loin cette terre objet de notre attente.

» Sous le poids dont les eaux chargeoient mon vêtement, » Vers le bord desiré je nageois lentement:

» Du bord que j'invoquois une vague m'approche;
» Je m'élance et saisis la pointe d'une roche.
» J'apperçois des humains, j'implore leur secours;
» Et leur lâche avarice a terminé mes jours!

» Depuis, mon triste corps est le jouet de l'onde:
» Voilà mon sort. Mais vous, par le flambeau du monde,
» Par sa douce clarté que je ne verrai plus,

» Par votre cher Ascagne et ses jeunes vertus,
» Par les mânes d'Anchise, abrégez ma misère!
» Un
peu de terre, hélas! suffit à ma prière :

» Véline, de mon corps vous rendra les débris;

» Ou, s'il se peut, au nom de la belle Cypris,

» D'accord avec les dieux, qui vous guident sans doute,

» Sur ces fatales eaux favorisez ma route;

» Que je trouve un asile au-delà de ces flots,

» Et que mon ombre au moins obtienne le repos. »
« Téméraire mortel! lui répond la Sibylle,

» Où t'égare un desir, un espoir inutile?
»De quelle vaine ardeur ton coeur est consumé!

» Quoi ! sans l'ordre des dieux, quoi! sans être inhumé,

Unde hæc, o Palinure, tibi tam dira cupido?
Tu Stygias inhumatus aquas amnemque severum
Eumenidum adspicies, ripamve injussus adibis?

Desine fata deûm flecti

Sed cape dicta memor,

sperare precando.
duri solatia casûs:

Nam tua finitimi, longè latèque per urbes
Prodigiis acti coelestibus, ossa piabunt;

Et statuent tumulum, et tumulo solemnia mittent;
Eternumque locus Palinuri nomen habebit.
His dictis curæ emotæ, pulsusque parumper
Corde dolor tristi; gaudet cognomine terrâ.

Ergo iter inceptum peragunt, fluvioque propinqua Navita quos jam inde ut Stygiâ prospexit ab undâ Per tacitum nemus ire, pedemque advertere ripæ, Sic prior aggreditur dictis, atque increpat ultro: Quisquis es, armatus qui nostra ad flumina tendis, Fare age quid venias; jam istinc et comprime gressu Umbrarum hic locus est, somni, noctisque soporæ : Corpora viva nefas Stygia vectare carinâ. Nec verò Alciden me sum lætatus euntem

Accepisse lacu, nec Thesea, Pirithoumque,

»Tu crois franchir le Styx et ses ondes sévères!
» Le Destin ne sait pas entendre les prières;
» Cesse de t'en flatter. Écoute toutefois

» De ce même Destin la consolante voix :

» Les peuples, redoutant les vengeances célestes, » Par des tributs vengeurs consacreront tes restes; » Et ton nom à jamais illustrera les lieux

» Qui doivent recevoir et ta cendre et leurs voeux. » Ce discours le console; et sa gloire future Calme un peu la douleur de sa triste aventure.

Cependant à grands pas s'avance le héros.
Le nocher, qui du Styx fendoit alors les flots,
De loin le voit marcher vers la rive odieuse,
Et traverser du bois l'ombre silencieuse.

A l'aspect du guerrier, de son casque brillant,
Le terrible nocher de colère bouillant
Gourmande le héros, et de loin le menace:

« Qui que tu sois, dit-il, que veux-tu ? Quelle audace » Te présente à mes yeux contre l'ordre du sort?

» Arrête: c'est ici l'empire de la mort ;

» Nul n'y paroît vivant; et de mon indulgence » Je me rappelle trop la triste expérience;

Dîs quamquam geniti atque invicti viribus essent.
Tartareum ille manu custodem in vincla petivit,
Ipsius a solio regis, traxitque trementem :

Hi dominam Ditis thalamo deducere adorti.
Quæ contra breviter fata est Amphrysia vates:
Nullæ hic insidiæ tales; absiste moveri ;
Nec vim tela ferunt: licet ingens janitor antro
Æternum latrans exsangues terreat umbras;
Casta licet patrui servet Proserpina limen.
Troïus Æneas, pietate insignis et armis,
Ad genitorem imas Erebi descendit ad umbras.
Si te nulla movet tantæ pietatis imago,

At ramum hunc (aperit ramum qui veste latebat)
Agnoscas. Tumida ex irâ tum corda residunt.
Nec plura his. Ille, admirans venerabile donum
Fatalis virgæ, longo pòst tempore visum,
Cæruleam advertit puppim, ripæque propinquat.
Inde alias animas, quæ per juga longa sedebant,
Deturbat, laxatque foros; simul accipit alveo
Ingentem Ænean. Gemuit sub pondere cymba
Sutilis, et multam accepit rimosa paludem.

Tandem trans fluvium incolumes vatemque virumqu

>> Je me rappelle trop ce couple suborneur
» Qui du lit de mon roi voulut souiller l'honneur.
» D'Alcide ai-je oublié l'audace téméraire,
>> Qui sous l'oeil de Pluton s'empara de Cerbère,
» L'arracha tout tremblant du palais des enfers,
»Dompta sa triple tête, et le chargea de fers? »
La prêtresse répond : « Bannissez vos alarmes,
» Et voyez sans effroi ce guerrier et ses armes :
» Sans en être effrayé, que le gardien des morts
» D'abcîmens éternels épouvante ces bords;

» Que, sans craindre un rival, le roi de ces lieux sombres
» Règne sur Proserpine ainsi que sur les ombres.
» Fameux par ses vertus, fameux par ses exploits,
» Énée est devant vous; et, respectant vos droits,
» A son père, habitant des fortunés bocages,
»De l'amour filial il porte les hommages.

» Si tant de piété ne peut vous émouvoir,

» Voyez ce rameau d'or, et sachez son pouvoir. »
Il voit, il reconnoît ce précieux feuillage

Que depuis si long-temps n'a vu le noir rivage.
Il s'appaise, en grondant, s'avance au bord des flots,
En écarte la foule, et reçoit le héros.

Trop foible pour le poids, la nacelle fatale
Gémit, éclate, et s'ouvre à la vague infernale.
Enfin, sur l'autre rive, au bord fangeux des eaux,
Tous deux posent le pied parmi de noirs roseaux.

1

« 前へ次へ »