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cure de se rendre à Carthage, pour dire de sa part à Énée qu'il lui commande de sortir incessamment de la Libye, et de faire voile pour l'Italie où les destins veulent qu'il s'établisse. Énée, docile aux ordres du souverain des dieux, se met promptement en état d'obéir, et ordonne qu'on prépare secrètement tout ce qui est nécessaire pour le départ. Didon devine son dessein, etlui en fait de vifs et tendres reproches; Enée le lui avoue. La reine a recours aux larmes et aux prières ; rien n'ébranle le prince troyen. Elle emploie inutilement les sollicitations de sa sœur ; elle s'emporte, et ne peut rien obtenir, ni par ses reproches, ni par ses menaces. Mercure ayant réitéré à Enée l'ordre de Jupiter, ce prince ne diffère plus, et fait appareiller pendant la nuit ; enfin il lève l'ancre, et part. Didon, désespérée de la fuite de son amant, ne peut survivre à sa douleur, et prend la funeste résolution de se délivrer de la vie; elle feint un sacrifice au dieu des enfers, et fait élever un bûcher dans une cour intérieure de son palais. Après avoir trompé sa sœur au sujet de ces lugubres préparatifs, après avoir éloigné d'elle tous ses courtisans et toutes ses femmes, elle monte sur le bûcher; et ayant déploré son sort et regretté son infidèle amant, elle se tue avec l'épée méme qu'il lui avoit laissée en partant.

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LIBER QUARTUS.

AT regina, gravi jam dudum saucia curâ, (1
Vulnus alit venis, et cæco carpitur igni. (2
Multa viri virtus animo, multusque recursat (3
Gentis honos : hærent infixi pectore vultus,
Verbaque; nec placidam membris dat cura quietem. (4
Postera Phoebeâ lustrabat lampade terras,
Humentemque Aurora polo dimoverat umbram ; (5
Cùm sic unanimam alloquitur malè sana sororem :

Anna soror, quæ me suspensam insomnia terrent!
Quis novus hic nostris successit sedibus hospes!
Quem sese ore ferens! quàm forti pectore, et armis!
Credo equidem, nec vana fides, genus esse deorum.
Degeneres animos timor arguit (6). Heu! quibus ille
Jactatus fatis! quæ bella exhausta canebat!
Si mihi non animo fixum immotumque sederet (7
Ne cui me vinclo vellem sociare jugali,

LIVRE QUATRIÈME.

La reine cependant, atteinte au fond de l'ame,

Nourrit d'un feu secret la dévorante flamme:
Le héros, sa beauté, son grand nom, sa valeur,
Restent profondément imprimés dans son cœur.
La voix d'Énée encor résonne à son oreille,
Et sa nuit agitée est une longue veille.
L'ombre à peine éclaircit son humide noirceur:
Égarée, éperdue, elle aborde sa sœur,
Sa sœur, de ses secrets tendre dépositaire;
Et de ses feux cachés dévoilant le mystère:
« O toi qui de mon ame es la chère moitié,
Ma
sœur, lis avec moi dans mon cœur effrayé:
» D'où vient que le sommeil fuit mon ame inquiète?

» Dans quel tourment nouveau, dans quel trouble me jette » Cet illustre étranger reçu dans mon palais!

>>. Si j'en crois sa fierté, si j'en crois ses hauts faits,
» Sans doute il est issu d'une race divine:

» Un cœur noble se sent de sa noble origine.
» Quelle intrépidité, quels revers, quels combats,
» Ont éprouvé son cœur, ont signalé son bras!

» Que d'éclat dans ses traits, de charme en son langage! Qu'au récit des périls que brava son courage

Postquam primus amor deceptam morte fefellit;

Si non pertæsum thalami tædæque fuisset;
Huic uni forsan potui succumbere culpæ.

Anna, fatebor enim, miseri post fata Sichæi
Conjugis, et sparsos fraternâ cæde Penates,

Solus hic inflexit sensus, animumque labantem (6
Impulit. Agnosco veteris vestigia flammæ. (9

Sed mihi vel tellus optem priùs ima dehiscat, (to
Vel pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras,
Pallentes umbras Erebi, noctemque profundam,

Antè, pudor, quàm te violo, aut tua jura resolvo.
Ille meos, primus qui me sibi junxit, amores(1
Abstulit: ille habeat secum, servetque sepulcro.
Sic effata, sinum lacrymis implevit obortis. (12

Anna refert: O luce magis dilecta sorori, (13 Solane perpetuâ moerens carpere juventâ ?

» Mon ame en l'écoutant se sentoit alarmer!

» Ah! si mon cœur flétri pouvoit encore aimer;
» Si ce cœur, trop puni d'avoir été sensible,
» Ne s'étoit commandé de rester inflexible;
Si, depuis que la mort trahit mes premiers feux,
» Je pouvois consentir à former d'autres nœuds;
» Chère sœur,
c'eût été mon unique foiblesse !
» Oui, depuis qu'un époux si cher à ma tendresse
» Par mon barbare frère a vu percer son flanc,
» Et nos dieux paternels arrosés de son sang,
» Cet étranger lui seul, dans mon ame constante,
Ébranla, j'en conviens, ma vertu chancelante;

>>

>> Lui seul, apprivoisant ma farouche pudeur, » M'a fait ressouvenir de ma première ardeur: » Du feu dont j'ai brûlé je reconnois la trace.

» Mais des dieux, qui du crime épouvantent l'audace, Que le foudre vengeur sur moi tombe en éclats;

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» Que la terre à l'instant s'entr'ouvre sous mes pas; >> Que l'enfer m'engloutisse en ses royaumes sombres, » Ces royaumes affreux, pâle séjour des ombres, » Si jamais, ô pudeur ! je viole ta loi!

>> Celui qui le premier reçut jadis ma foi

» Dans la tombe emporta le seul bien que j'adore; » Dans la tombe avec lui mon cœur habite encore. >>

Elle dit: et des pleurs ont inondé ses yeux.

<< O vous que j'aime plus que la clarté des cieux, >> Voulez-vous, dit sa sœur, toujours triste et sauvage » Vous imposer l'ennui d'un éternel veuvage,

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