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Dès qu'elle entend rouler sa conque impétueuse,
Autour d'elle se tait l'onde respectueuse;
Les vents tombent, les flots s'aplanissent sous lui,
Et des cieux épurés les nuages ont fui.

Le héros s'applaudit; dans son ame flottante
L'espoir d'un sort meilleur verse la douce attente.
Par son ordre on relève, on redresse les mâts;
La vergue sur leur tige étend son double bras;
A ce mobile appui la voile suspendue,

Et tantôt resserrée et tantôt étendue,

Tourne d'un bord à l'autre, et de ses plis mouvans
Interroge, et saisit, et recueille les vents.
La flotte agile vole, et d'une main habile
Palinure conduit sa vitesse docile.

La nuit avoit rempli la moitié de son cours,
Et chacun du sommeil imploroit le secours :

Les nautonniers lassés sous leurs oisives rames

Aux songes de la nuit abandonnoient leurs ames,
Quand le dieu du Sommeil, sous les traits les plus doux,
Fend l'ombre, conduisant le plus cruel de tous.

Il cherche Palinure au milieu de la troupe;.
Sous les traits de Phorbas il s'assied sur la poupe,
S'adresse au vieux nocher, et lui parle en ces mots :
<< Palinure, tu vois, tout se livre au repos;
» D'elle-même, et docile au souffle qui la guide,
» La flotte sans effort suit sa course rapide :
» Dors, dérobe un instant à ton pénible emploi ;
» Auprès du gouvernail je veillerai pour toi.

Equatæ spirant auræ; datur hora quieti:
Pone caput, fessosque oculos furare labori.
Ipse ego paulisper pro te tua munera inibo.
Cui vix attollens Palinurus lumina fatur:
Mene salis placidi vultum fluctusque quietos
Ignorare jubes? mene huic confidere monstro?
Enean credam quid enim fallacibus Austris,
Et coeli toties deceptus fraude sereni?

Talia dicta dabat; clavumque affixus et hærens
Nusquam amittebat, oculosque sub astra tenebat:
Ecce deus ramum Lethæo rore madentem,
Vique soporatum Stygiâ, super utraque quassat
Tempora; cunctantique natantia lumina solvit,
Vix primos inopina quies laxaverat artus ;
Et super incumbens, cum puppis parté revulsâ,
Cumque gubernaculo, liquidas projecit in undas
Præcipitem, ac socios nequidquam sæpè vocantem.
Ipse volans tenues se sustulit ales ad auras.

Currit iter tutum non seciùs æquore classis, Promissisque patris Neptuni interrita fertur. Jamque adeò scopulos Sirenum advecta subibat,

- » Qui? moi! moi! je pourrois du généreux Énée » Confier à la mer la haute destinée!

Non, non; je connois trop les flots capricieux, » Et du traître élément le calme insidieux. » Du ciel le plus serein, de la mer la plus belle, » Écoute qui voudra la promesse infidèle;

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» Je ne me livre point à ces garans trompeurs. »
Il dit; et, du sommeil repoussant les vapeurs,
Tient constamment les yeux fixés sur les étoiles,
S'attache au gouvernail, et dirige les voiles.
Alors le dieu sur lui secouant ses pavots,
Que du Léthé paisible abreuvèrent les flots,
Sur sa paupière humide et déjà languissante
Il épanche en secret la sève assoupissante;
Et son œil, vers le ciel levé non sans effort,
Tombe, s'ouvre à demi, se referme, et s'endort.
A peine il sommeilloit, soudain le dieu sinistre,
De la cruelle Mort le frère et le ministre,
Avec le gouvernail, avec une moitié
De la poupe en éclats, d'une main sans pitié
Pousse le malheureux : précipité dans l'onde,
Il appelle les siens sous la vague profonde;
Sa voix meurt avec lui dans le gouffre des mers,
Et le dieu malfaisant disparoît dans les airs.

Cependant, sur la foi de l'époux d'Amphitrite, Le vaisseau sans effort suit sa course prescrite. Des Sirènes bientôt s'offrent les bords affreux Blanchis des ossemens de tant de malheureux,

Difficiles quondam, multorumque ossibus albos:
Tum rauca assiduo longè sale saxa sonabant;
Cùm pater amisso fluitantem errare magistro
Sensit, et ipse ratem nocturnis rexit in undis,
Multa gemens, casuque animum concussus amici:
O nimiùm coelo et pelago confise sereno,
Nudus in ignotâ, Palinure, jacebis arenâ!

Où, par les rocs bruyans sans cesse repoussée, Sans cesse vient mugir la vague courroucée. Le héros se réveille : il voit tous ses vaisseaux Sans guide, abandonnés à la merci des eaux; Lui-même il les conduit dans la nuit ténébreuse; Et, pleurant d'un ami la perte douloureuse, << Infortuné, dit-il, dont l'œil fut trop séduit » Par le perfide éclat d'une brillante nuit, » Sur des bords inconnus, malheureux Palinure, >> Ton corps va donc languir privé de sépulture! »

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