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critiques éclairés, qui croient voir dans l'apothéose d'Anchise une image de l'apothéose de César.

17) PAGE 196, VERS 18.

At procul in solâ secretæ Troades actâ
Amissum Anchisen flebant, cunctæque profundum
Pontum adspectabant flentes, etc.

On admire justement l'image de ces femmes troyennes qui pleurent assises au bord des mers, en songeant au malheur de l'exil et au charme de la patrie; leur douleur, qui contemple l'abîme immense des eaux, semble s'accroître et s'approfondir dans l'harmonie douloureusement prolongée de ces vers, tout remplis de spondées :

Cúnctaeque profúndum

Pontum adspectabánt fléntés, etc.

moins dignes

Mais les mouvemens qui suivent ne sont pas de remarque, et ne me paroissent pas moins beaux:

Nullane jam Troja dicentur moenia? nusquam

Hectoreos amnes, Xanthum et Simoënta, videbo ?

<«< N'habiterai-je jamais une ville qui porte le doux nom » de Troie? Ne verrai-je point les eaux d'un autre Xanthe, » d'un autre Simoïs, de ces fleuves défendus par Hector?... » Je m'étonne qu'aucun critique n'ait observé la ressemblance de ce tableau avec celui des tribus captives, qui, assises aux bords des fleuves de Babylone, pleurent au souvenir de Sion. C'est le même fonds de sentimens, et quelquefois exprimé par les mêmes tours.

On avoit déjà remarqué plusieurs traits de conformité entre la quatrième églogue de Virgile et divers passages d'Isaïe. Virgile a-t-il eu quelque notion des livres hébreux? Je n'oserois soutenir cette opinion, quoiqu'ils aient à toute force lui être connus par pu la version grecque faite du temps des Ptolémées; mais il faut plutôt penser que la nature et le génie ont le même accent dans tous les siècles.

18) PAGE 204, VERS 8.

Tum pius Æneas humeris abscindere vestem,
Auxilioque vocare deos, et tendere palmas.

Vix hæc ediderat, cùm effusis imbribus atra
Tempestas sine more furit, etc.

Godefroy, à peu près dans la même situation, prie le ciel; et les nues et les torrens descendent à sa voix. C'est le même tableau.

Così dicendo, il capo mosse; e gli ampi

Cieli tremaro, etc.

(Voyez la JÉRUSALEM DÉL., 13. ch., 74. stance.)

19) PAGE 212, VERS 3.

Ipse jam matres, ipsi quibus aspera quondam
Visa maris facies, et non tolerabile numen,
Ire volunt, omnemque fugæ perferre laborem.

Ces femmes qui ont brûlé la flotte troyenne, pour contraindre Énée à séjourner en Sicile, veulent, au moment

de la séparation, le suivre sur toutes les mers; elles sont prêtes à braver tous les périls; elles ne peuvent se détacher de leurs compatriotes,

Complexi inter se noctemque diemque morantur.

Rien n'est plus vrai que ce contraste; rien n'est plus touchant que cette peinture.

10) PAGE 216, VERS 16.

Cæruleo per summa levis volat æquora curru :
Subsidunt undæ, etc.

Cette description de Neptune faisant voler son char sur la surface des eaux, et des monstres marins, immania cete, qui bondissent autour de lui, est imitée de l'Iliade; et, quoiqu'elle soit très belle, elle n'est pourtant pas égale à l'original, à l'image de ce dieu qui atteint en trois pas au but de sa course. Mais, dans d'autres passages, les dieux de l'Eneide ont un caractère non moins imposant que ceux de l'Iliade. Si les dieux d'Homère paroissent avoir quelquefois des traits plus fiers et plus hardis, Virgile donne aux siens une majesté plus soutenue, et les fait agir avec plus de jugement. « Homère, dit Pope, ressemble à son Jupiter, qui, » lorsqu'il veut effrayer le monde, ébranle l'Olympe, lance » la foudre et les éclairs. Virgile aussi ressemble à Jupiter, » mais à Jupiter bienfaisant, lorsqu'il délibère avec les dieux, trace le plan des empires, et dispose tout avec » une souveraine sagesse, »

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ARGUMENT

DU LIVRE SIXIÈME.

ÉNÉE aborde à Cumes, ville et port de la Campanie; et,

suivant les conseils de son père, il va d'abord consulter la sibylle Deiphobe, qui lui prédit tout ce qui doit lui arriver - en Italie, avant qu'il y puisse fonder une ville et établir sa colonie. Après avoir celebré la cérémonie des obsèques de Misène son trompette, et lui avoir fait élever un tombeau sur le promontoire qui porte encore son nom, il va chercher, suivant l'ordre de la sibylle, dans une vaste forét, le rameau d'or, sans lequel il lui eût été impossible de pénétrer aux enfers. Ayant enfin trouve le précieux rameau, il le porte à la sibylle, qui le fait descendre avec elle aux enfers par l'embouchure du lac d'Averne. Il rencontre d'abord tous les monstres qui étoient à l'entrée de cet affreux séjour; il arrive ensuite sur les bords du Styx, où, parmi les ombres qui se présentent en foule sur le rivage, et qui supplient Caron de les recevoir dans sa barque, il reconnoît Oronte et son pilote Palinure. Le héros, toujours accompagné de la sibylle, est reçu dans la barque, à la faveur du rameau d'or. Il traverse le fleuve ; et le chien Cerbère ayant été endormi par un gâteau soporifique que la sibylle lui jette, ils parcourent ensemble les différens lieux qui partagent l'empire des ombres. Enée rencontre l'infortunée Didon; il l'aborde et lui parle, pour essayer de justifier son départ de Carthage; elle dédaigne de l'écouter, et se retire sans lui répondre. Il

pas

passe dans le séjour de ceux qui ont acquis de la gloire par les armes ; il reconnoit parmi eux Deiphobe, fils de Priam, le troisième mari d'Hélène, qui lui apprend les funestes circonstances de sa mort. Il marche ensuite vers le Tartare, séjour des ombres criminelles; la sibylle lui nomme les plus célèbres, et lui peint les divers tourmens qu'elles endurent. Arrivé enfin au palais du roi des enfers, il suspend le rameau d'or à la porte de la demeure de Proserpine; de là ils sent l'un et l'autre aux Champs-Élysées, lieux agreables habité's par les ames heureuses de ceux qui ont bien vécu sur la terre. Musée leur sert de guide pour les conduire dans un vallon où Anchise se promenoit. Anchise reconnoît son fils et lui parle; il lui explique les principes les plus sublimes de la philosophie, et lui développe les mystères de la physique générale, conformément à la doctrine de Platon et à celle de Pythagore, touchant la transmigration des ames; ce qui lui donne lieu de l'entretenir au sujet de sa glorieuse postérité. Il lui nomme les rois d'Albe qui doivent descendre de lui, et ensuite ceux de Rome; il lui peint tous les héros de la république, et surtout Jules-César et Auguste, sans oublier Marcellus, fils d'Octavie sœur de cet empereur. (Marcellus venoit de mourir à la fleur de l'âge; son éloge funèbre est un des plus beaux morceaux du poëme.) Énée, satisfait de toutes ces connoissances que son père lui donne, sort enfin des enfers par la porte d'ivoire, et revient sur la terre. Il va rejoindre sa flotte qui étoit à l'ancre dans la rade de Cumes; il s'embarque, met à la voile, et arrive enfin à Caïète, ville et port du Latium.

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