Obscuris vera involvens: ea frena furenti Concutit, et stimulos sub pectore vertit, Apollo. O virgo, nova mî facies inopinave surgit: Quin, ut te supplex peterem, et tua limina adirem, Ainsi le dieu terrible, aiguillonnant son ame, La perce de ses traits, l'embrase de sa flamme, Répand sur ses discours sa sainte obscurité, Et même en l'annonçant voile la vérité. Enfin sa rage tombe, et son délire cesse. Énée alors reprend : « O sublime prêtresse! » De mon triste avenir ces terribles tableaux, >> Ces aspects menaçans ne me sont pas nouveaux. >> Cent fois, anticipant ma pénible carrière, » J'ai tout prévu. Mais vous, exaucez ma prière; » Puisque s'ouvre en ces lieux là porte de Pluton, » Que ce lac communique au sombre Phlégéthon, » Ah! d'un père chéri que je voie au moins l'ombre! » Vous-même guidez-moi dans cet abîme sombre. » Hélas! parmi les morts, et le fer, et les feux, >> Tout fier de me courber sous ce poids glorieux, » Et des traits ennemis évitant la poursuite, » A la Grèce en fureur j'échappai par la fuite; » Et lui, foible et penché sous le fardeau des ans, » Sous un ciel orageux, sur les flots menaçans, » Accompagnant son fils sur des rives lointaines, » Partageoit à la fois et consoloit mes peines. » Son ordre exprès m'envoie à vos sacrés lambris: Ayez pitié du père, ayez pitié du fils! » Hécate sur ces lieux vous remit sa puissance; » Ne trahissez donc point ma pieuse espérance. Orphée a pu jadis, grâce à ses doux accords, >> Descendre encor vivant dans l'empire des morts; Si potuit manes arcessere conjugis Orpheus, Talibus orabat dictis, arasque tenebat; Cùm sic orsa loqui vates : Sate sanguine divûm, Sed revocare gradum, superasque evadere ad auras, » Tour à tour revoyant et perdant la lumière, » Pollux au bord du Styx va remplacer son frère : » Conterai-je Thésée, Alcide, et tous les noms H » Des demi-dieux admis dans ces gouffres profonds? » Comme eux de Jupiter j'ai reçu la naissance : » Ayant les mêmes droits j'ai la même espérance. » Ainsi le fils des dieux, une main sur l'autel, Demande une faveur au-dessus d'un mortel. La prêtresse répond : « O l'espoir de ta race! >> Sais-tu bien ce qu'ici demande ton audace? » Il n'est que trop aisé de descendre aux enfers, >> Les palais de Pluton nuit et jour sont ouverts; » Mais rentrer dans la vie et revoir la lumière » Est un bonheur bien rare, un vœu bien téméraire. » Le destin n'accorda ce privilége heureux » Qu'à peu de favoris issus du sang des dieux. » Le passage est fermé par des forêts profondes; >> Le Cocyte alentour roule ses noires ondes. » Mais si tels sont tes vœux, si ton pieux amour » Veut passer l'Achéron qu'on passe sans retour, >> Écoute mes lecons : dans la nuit ténébreuse » Dont un bois vaste entoure une vallée ombreuse, » D'un rameau précieux se cache le trésor; » L'or brille sur sa tige, et son feuillage est d'or. >>> La Junon des enfers, l'auguste Proserpine, >> Seule a droit au tribut de la branche divine : » Nul ne peut l'aborder qu'avec ce riche don : » C'est Thommage qu'attend l'épouse de Pluton. Sed non antè datur telluris operta subire, Eneas moesto defixus lumina vultu Quem socium exanimem vates, quod corpus humandum |