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» On a beau l'arracher au tronc qui le possède,

» Soudain un rameau d'or au rameau d'or succède; » Et, toujours reproduit, le fertile métal

» Rend à l'arbre immortel son luxe végétal.

Toi donc, perçant des bois la nuit silencieuse, » Va chercher, va cueillir la branche précieuse : » Si dans les sombres lieux t'appelle le destin, » Docile, d'elle-même elle suivra ta main; » Autrement, aucune arme, aucune main mortelle » Ne pourroit triompher de sa tige rebelle. » C'est peu: tandis qu'ici tu consultes les dieux, » De l'un de tes amis la mort ferme les yeux, » Et souille tes vaisseaux de ses vapeurs funestes. » Dans l'asile des morts va déposer ses restes; » Offre une brebis noire aux noires déités.

» Que ces premiers devoirs soient d'abord acquittés : » Alors tu pourras voir, au gré de ton envie,

>> Ces lieux où la mort règne, et qu'abhorre la vie. »
Elle dit. Le héros, le cœur préoccupé,
D'étonnement, de crainte, et de respect frappé,
Triste, les yeux baissés, s'éloignant en silence,
Maudissoit la fortune et sa longue inconstance.
A son chagrin profond Achate unit le sien:
Mille discours divers forment leur entretien.
Quel est ce malheureux, quelle est cette ombre chère,
Pour qui Pluton demande un tribut funéraire?
Quand leurs tristes regards, ô coup inattendu!
Reconnoissent Misène à leurs pieds étendu,

Ære ciere viros, Martemque accendere cantu.
Hectoris hic magni fuerat comes: Hectora circum
Et lituo pugnas insignis obibat et hastâ.
Postquam illum vitâ victor spoliavit Achilles,
Dardanio Æneæ sese fortissimus heros

Addiderat socium, non inferiora secutus.
Sed tum fortè cavâ dum personat æquora concha,
Demens, et cantu vocat in certamina divos;
Æmulus exceptum Triton (si credere dignum est )
Inter saxa virum spumosâ immerserat undă.
Ergo omnes magno circùm clamore fremebant,
Præcipuè pius Æneas. Tum jussa sibyllæ,
Haud mora, festinant flentes; aramque sepulcri
Congerere arboribus, coloque educere certant.
Itur in antiquam silvam, stabula alta ferarum :
Procumbunt picea; sonat icta securibus ilex;
Fraxineæque trabes, cuneis et fissile robur
Scinditur; advolvunt ingentes montibus ornos.
Nec non Æneas opera inter talia primus
Hortatur socios, paribusque accingitur armis:
Atque hæc ipse suo tristi cum corde volutat,
Adspectans silvam immensam, et sic voce precatur :
Si nunc se nobis ille aureus arbore ramus
Ostendat nemore in tanto! quando omnia verè,
Heu! nimiùm de te vates, Misene, locuta est.
Vix ea fatus erat, geminæ cùm fortè columbæ

Misène dont l'airain, cher au dieu de la Thrace,
Échauffoit la valeur et rallumoit l'audace.
Jadis, du grand Hector illustre compagnon,
Il portoit près de lui la lance et le clairon;
Mais quand Hector perdit la vie et la victoire,
Sous un autre héros gardant la même gloire,
Du vaillant fils d'Anchise il suivit le destin.
Un jour qu'il embouchoit l'harmonieux airain,
Provoqué par les sons de sa conque sonore,
Un des Tritons jaloux, qu'un noir dépit dévore
Si le dépit est fait pour les ames des dieux,
Saisit dans sa fureur ce rival odieux,
Le plonge entre les rocs, sous la vague écumeuse.
Tous pleurent sa vaillance et sa trompe fameuse;
Et le héros surtout, du sommet d'un rocher,
Veut porter jusqu'aux cieux son superbe bûcher..
De l'antique forêt déjà les chênes tombent;
Les sapins orgueilleux sous la hache succombent :
Ils déchirent leurs troncs, il coupent leurs rameaux,
Et du sommet des monts font rouler des ormeaux..
Énée est à leur tête; il médite en silence;
Et, plongeant ses regards dans la forêt immense :
«Oh! dans son vaste sein, si ce bois spacieux

>> Me montroit le rameau que demandent les dieux!"
» La sibylle l'annonce; et ta mort, ô Misène!
» Me prouve trop combien sa parole est certaine;
» Et le destin, toujours trop fécond en douleurs,
»Ne m'a jamais en vain annoncé des malheurs. »

Ipsa sub ora viri coelo venêre volantes,

Et viridi sedêre solo. Tum maximus heros
Maternas agnoscit aves, lætusque precatur :
Este duces, o, si qua via est, cursumque per auras
Dirigite in lucos ubi pinguem dives opacat
Ramus humum. Tuque, o, dubiis ne defice rebus,
Diva parens. Sic effatus, vestigia pressit,
Observans quæ signa ferant, quò tendere pergant.
Pascentes illæ tantùm prodire volando

Quantùm acie possent oculi servare sequentum.
Inde, ubi venêre ad fauces graveolentis Averni,
Tollunt se celeres; liquidumque per aëra lapsæ,
Sedibus optatis geminæ super arbore sidunt,
Discolor unde auri per ramos aura refulsit.
Quale solet silvis brumali frigore viscum
Fronde virere novâ, quod non sua seminat arbos,
Et croceo fetu teretes circumdare truncos:
Talis erat species auri frondentis opaca
Ilice; sic leni crepitabat bractea vento.
Corripit Æneas extemplò, avidusque refringit
Cunctantem, et vatis portat sub tecta sibyllæ.

Nec minùs interea Misenum in littore Teucri Flebant, et cineri ingrato suprema ferebant. Principio pinguem tædis et robore secto

Comme il disoit ces mots, deux colombes légères,

De la belle Cypris agiles messagères,
S'abattent sur la terre; et son regard surpris
Reconnoît de Vénus les oiseaux favoris.
Aussitôt il s'écrie: « Oiseaux de Cythérée!

>>

Si vous venez vers moi de la voûte éthérée,

» Volez; que votre vol me guide vers ces lieux

» Où ma main doit cueillir le rameau précieux.

» Et toi, ma mère, et toi, conduis-moi sur leur trace. » Le couple alors s'envole, et d'espace en espace,

Autant que l'œil de loin peut suivre son essor,
S'élève, redescend, et se relève encor.

1

Mais de l'affreux Averne et de ses lacs immondes
A peine ces oiseaux ont reconnu les ondes,
Ils détournent leur course, et d'un vol assuré
Vont se poser tous deux sur l'arbre désiré.
Son or brille à travers une sombre verdure.
Tel, quand le pâle hiver nous souffle la froidure,
Le gui sur un vieux chêne étale ses couleurs,
Et l'arbuste adoptif le jaunit de ses fleurs :
Tel étoit ce rameau; tel, en lames bruyantes,
S'agite l'or mouvant de ses feuilles brillantes.
Au doux frémissement, à l'éclat de cet or,
Le héros court, saisit, emporte son trésor,
Et vole triomphant l'offrir à la déesse.

Cependant les Troyens, accablés de tristesse,
Debout près de Misène, objet de leurs douleurs,
L'entouroient en silence, et répandoient des pleurs.

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