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Des taillis ténébreux, des antres enfoncés,

Les peureux habitans en foule sont chassés;
Surprises dans la nuit de leurs profonds ombrages,
Du chevreuil, du chamois les compagnes sauvages
Hâtent de roc en roc leurs sauts impétueux;
Le daim cherche des bois les sentiers tortueux;
Et des cerfs élancés du sommet des montagnes
Les bataillons poudreux franchissent les campagnes.
Ascagne, aiguillonnant un coursier plein de cœur,
Court, vole, va, revient, et dans sa jeune ardeur
Voudroit qu'un fier lion, un sanglier sauvage
Vint d'un plus beau triomphe honorer son courage.
Tout à coup
le ciel gronde; et le feu des éclairs,
Et la grêle, et la pluie, ont sifflé dans les airs;
Et du sommet des monts les ondes élancées
Poursuivent des chasseurs les troupes dispersées.
On court, on se dérobe à ces bruyans éclats;
Didon fuit dans un antre, Énée y suit ses pas:
L'Amour à l'Hyménée en a montré la route.
A peine ils sont entrés sous cette obscure voûte,
Deux grandes déités, de cet hymen fatal

A la nature entière ont donné le signal.
Complices de Junon, les vastes cieux tonnèrent,
Cybèle y répondit, les montagnes tremblèrent;
Les nymphes de longs cris remplirent les coteaux;
La nuit servit de voile, et l'éclair de flambeaux.
O malheureuse reine! amante infortunée!....
Combien tu paîras cher ce funeste hyménée!

Ille dies primus leti primusque malorum

Causa fuit: neque enim specie famâve movetur,
Nec jam furtivum Dido meditatur amorem :
Conjugium vocat; hoc prætexit nomine culpam.

Extemplò Libyæ magnas it Fama per urbes; (34
Fama, malum quâ non aliud velocius ullum;
Mobilitate viget, viresque acquirit eundo;
Parva metu primò, mox sese attollit in auras;
Ingrediturque solo, et caput inter nubila condit.
Illam Terra parens, irâ irritata deorum,
Extremam, ut perhibent, Coeo Enceladoque sororem
Progenuit, pedibus celerem et pernicibus alis :
Monstrum horrendum, ingens; cui, quot sunt corpore plu
Tot vigiles oculi subter, mirabile dictu,

Tot linguæ, totidem ora sonant, tot subrigit aures.
Nocte, volat coeli medio terræque, per umbram
Stridens, nec dulci declinat lumina somno.
Luce, sedet custos, aut summi culmine tecti,
Turribus aut altis, et magnas territat urbes;
Tam ficti pravique tenax quàm nuntia veri.
Hæc tum multiplici populos sermone replebat

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C'en est fait de ta gloire; et ce fatal bonheur
Te coûte le repos, et la vie, et l'honneur!....
Didon ne cache plus les secrets de son ame;
Son cœur en liberté laisse éclater sa flamme,
Et, pour couvrir l'erreur de ce malheureux jour,
Voile du nom d'hymen les larcins de l'amour:
Ainsi ces deux amans, au sein de la mollesse,
Goûtoient nonchalamment leur amoureuse ivresse.
Déjà la Renommée, en traversant les airs,
En a semé le bruit chez cent peuples divers.
Foiblé dans sa naissance, et timide à sa source,
Ce monstre s'enhardit et s'accroît dans sa course.
La terre l'enfanta pour se venger des cieux;
Elle aime à publier les foiblesses des dieux:
Digne sœur des géans qu'écrasa leur tonnerre,
Son front est dans l'olympe, et ses pieds sur la terre;
Rien ne peut égaler son bruit tumultueux,

Rien ne peut devancer son vol impétueux :
Pour voir, pour écouter, pour semer les merveilles,
Ce monstre ouvre à la fois d'innombrables oreilles,
Par d'innombrables yeux surveille l'univers,

Et par autant de voix fait retentir les airs.

La nuit, d'un vol bruyant, fendant l'espace sombre,

Il observe le crime enseveli dans l'ombre :

Le jour, il veille assis sur les palais des rois;
Et, de là répandant son effrayante voix,
A l'univers surpris incessamment raconte
La vérité, l'erreur, et la gloire, et la honte.

Gaudens, et pariter facta atque infecta canebat :
Venisse Ænean, Trojano a sanguine cretum,
Cui se pulchra viro dignetur jungere Dido:
Nunc hiemem inter se luxu, quàm longa, fovere,
Regnorum immemores, turpique cupidine captos.
Hæc passim dea foeda virûm diffundit in ora.
Protinus ad regem cursus detorquet Iarban,
Incenditque animum dictis, atque aggerat iras.
Hic Hammone satus, raptâ Garamantide nymphâ,
Templa Jovi centum latis immania regnis,
Centum aras posuit; vigilemque sacraverat ignem,
Excubias divûm æternas; pecudumque cruore
Pingue solum, et variis florentia limina sertis.
Isque amens animi, et rumore accensus amaro,
Dicitur ante aras, media inter numina divům,
Multa Jovem manibus supplex orasse supinis :
Jupiter omnipotens, cui nunc Maurusia pictis (35
Gens epulata toris Lenæum libat honorem,
Adspicis hæc ? an te, genitor, cùm fulmina torques,
Nequidquam horremus? cæcique in nubibus ignes
Terrificant animos, et inania murmura miscent?
Femina, quæ, nostris errans in finibus, urbem
Exiguam pretio posuit, cui littus arandum,
Cuique loci leges dedimus, connubia nostra
Reppulit, ac dominum Ænean in regna recepit.
Et nunc ille Paris, cum semiviro comitatu,

Avec la même ardeur, la déesse en son cours,
D'Énée et de Didon publioit les amours.

« Un Troyen, disoit-elle, est entré dans Carthage;
» Un secret hyménée à la reine l'engage;

» Et tous deux, oubliant le soin de leur grandeur, >> Se livrent sans remords à leur coupable ardeur. » Par de pareils récits l'agile messagère

Court d'larbe jaloux redoubler la colère.

Fier de devoir le jour au monarque des dieux,
Sur cent autels de marbre il lui portoit ses vœux.
Là, de nombreux taureaux, couronnés de guirlandes,
Chaque jour sous le fer expiroient en offrandes;
Là, cent lampes brûlant autour de ses autels,
Et veillant en l'honneur du roi des immortels,
Du culte filial assidu témoignage,

De leur clarté pieuse éternisoient l'hommage.
On dit que, plein de rage, à la face des dieux,
Son courroux exhala ce discours furieux:

« Dieu du Maure! & mon père ! ô souverain du monde !
» Sans doute c'est en vain que ton tonnerre gronde;
» Et, perdus dans les airs, tes foudres impuissans
» D'un frivole murmure épouvantent nos sens!
» Une femme exilée erre ici sans asile;

» Par pitié je lui cède un rivage stérile;
» Et c'est elle aujourd'hui qui rejette ma main!
» L'amour est pour Énée, et pour moi le dédain!
>> Et tandis que,
fidèle aux lois de ma naissance,
» Au pied de tes autels chaque jour je t'encense,

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