Il voit le chef troyen de ces grands monumens Le dieu l'aborde: « Eh quoi! dans des momens si chers, » Oubliant tes destins, oubliant l'univers, >> Tu bâtis donc Carthage! Esclave d'une femme, › Voilà donc les grands soins qui remplissent ton ame! » Le souverain du monde et le maître des dieux » M'a député vers toi de la voûte des cieux. » Va le trouver, mon fils, m'a-t-il dit : qui l'arrête? Le héros, à l'aspect du fils de Jupiter, Il brûle de partir et d'obéir aux dieux; Mais comment s'arracher à ces aimables lieux ? Et son amante, hélas!.. où, quand, par quelle adresse, A ce fatal départ préparer sa tendresse ? Atque animum nunc huc celerem, nunc dividit illuc, Mnesthea, Sergestumque vocat, fortemque Cloanthum; At regina dolos (quis fallere possit amantem? ) (41 Tandem his Ænean compellat vocibus ultro : Comment l'en prévenir? et par où commencer? Il veut, il se repent, et cette incertitude Il convoque les chefs, leur ouvre son dessein: « Qu'on équipe la flotte, et qu'on s'arme en silence; » Que d'un prétexte heureux la trompeuse apparence >> Colore ces apprêts. Lui, tandis que Didon » A son crédule amour se livre sans soupçon, » Pour disposer son ame à ce grand sacrifice, » Il épîra le temps, le lieu le plus propice. » A ces mots, s'empressant d'obéir à sa voix, Les Troyens enchantés exécutent ses lois. Mais la reine.... ah! qui peut tromper l'œil d'une amante? Même avant le danger, elle est déjà tremblante. Par des pressentimens ou des avis secrets Enfin dans ses transports elle rencontre Énée, effrénée: Posse nefas, tacitusque meâ decedere terrâ? Nec te noster amor, nec te data dextera quondam, Nec moritura tenet crudeli funere Dido? · Troja per undosum peteretur classibus æquor? Mene fugis? Per ego has lacrymas dextramque tuam, le Fama prior. Cui me moribundam deseris, hospes? Hoc solum nomen quoniam de conjuge restat. 1 « Perfide! as-tu bien cru pouvoir tromper mes yeux? » As-tu cru me cacher ton départ odieux? Quoi! notre amour.... la foi que tu m'avois donnée.... Quoi! la triste Didon, à mourir condamnée.... >> Rien ne t'arrête! Hélas! si tu fuis pour toujours, >> Fais-moi mourir, ingrat, sans exposer tes jours: » Vois ce ciel orageux, cette mer menaçante : » Perfide! est-ce le temps de quitter ton amante? » Ah! quand tu n'irois point dans de lointains climats » Chercher un triste exil et de sanglans combats; » Quand Troie encor du Xanthe orneroit les rivages, » Irois-tu chercher Troie à travers les naufrages? >> Est-ce moi que tu fuis? Par ces pleurs, par ta foi, » Puisque je n'ai plus rien qui te parle pour moi, >> Par l'amour dont mon cœur épuisa les supplices, » Par l'hymen dont à peine il goûtoit les délices, » Si mes bienfaits ont pu soulager ton malheur, » Si mes foibles attraits ont pu toucher ton cœur, » Songe, ingrat! songe aux maux où ta fuite me laisse ; » Et par pitié du moins, au défaut de tendresse, » Si pourtant la pitié peut encor t'émouvoir, » Romps cet affreux projet, et vois mon désespoir! » Pour toi de mes sujets j'ai soulevé la haine; » J'ai bravé tous les rois de la rive africaine; » J'ai perdu la pudeur, ce trésor précieux, » Qui me rendoit si fière, et m'égaloit aux dieux. ̧ » Cher hôte! puisqu'enfin la fortune jalouse D » Défend un nom plus tendre à la plus tendre épouse, |