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Non, tu n'es point le fils de la mère d'Amour;

» Non, au sang de Teucer tu ne dois point le jour: » N'impute pas aux dieux la naissance d'un traître; >> Non, du sang des héros un monstre n'a pu naître; » Non. Le Caucase affreux, t'engendrant en fureur, » De ses plus durs rochers fit ton barbare cœur ; » Et du tigre inhumain la compagne sauvage, » Cruel! avec son lait t'a fait sucer sa rage. » Car enfin qui m'arrête? Après ses durs refus, » Après tant de mépris, qu'attendrois-je de plus?

» Auteur de tous mes maux, a-t-il plaint mes alarmes?

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Ai-je pu de ses yeux arracher quelques larmes?

>> S'est-il laissé fléchir à mes cris douloureux?

A-t-il au moins daigné tourner vers moi les yeux? » Prosternée à ses pieds, plaintive, suppliante, » N'a-t-il pas d'un front calme écouté son amante? » Le cruel! quand pour lui j'ai tout sacrifié,

M'a-t-il, pour tant d'amour, rendu quelque pitié? » Ah! de ses cruautés quelle est la plus coupable? » O de l'hymen trahi vengeresse équitable, » Junon! qu'attends-tu donc? Ton époux n'est-il plus » Et la terreur du crime, et l'appui des vertus? » Des vertus! A quel signe, ô dieux! les reconnoître? » A qui se confier, quand Énée est un traître?

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Sans secours, sans asile, errant de mers en mers, » Par les flots en courroux jeté dans nos déserts,

» Je l'ai reçu, l'ingrat! Des fureurs de l'orage

» J'ai sauvé ses sujets, ses vaisseaux du naufrage.

Sollicitat. Neque te teneo, neque dicta refello.

I, sequere Italiam ventis; pete regna per undas.

Spero equidem mediis, si quid pia numina possunt, Supplicia hausurum scopulis, et nomine Dido

Sæpè vocaturum. Sequar atris ignibus absens;

Et, cùm frigida mors animâ seduxerit artus, Omnibus umbra locis adero : dabis, improbe, poenas.

Audiam ; et hæc Manes veniet mihi fama sub imos.

» Je lui donne mon cœur, mon empire, ma main:
» O fureur! et voilà que ce monstre inhumain
» Ose imputer aux dieux son horrible parjure,
>> Me parle et d'Apollon, et d'oracle, et d'augure!
>> Pour presser son départ, l'ambassadeur des dieux
>> Est descendu vers lui de la voûte des cieux:

>> Dignes soins, en effet, de ces maîtres du monde ! » En effet, sa grandeur trouble leur paix profonde! » C'en est assez va, pars; je ne te retiens pas : » Va chercher loin de moi je ne sais quels états. >> Au tranquille bonheur que t'offrent ces rivages, » Va, préfère les vents, les flots et les orages; » Pour prix de mes bienfaits donne-moi le trépas. » S'il est encore un dieu redoutable aux ingrats, J'espère que bientôt, pour prix d'un si grand crime, » Brisé contre un écueil, plongé dans un abîme, » Tu paîras mes malheurs, perfide! et de Didon >> Ta voix, ta voix plaintive invoquera le nom. >> Et moi, je poursuivrai l'ingrat qui me délaisse; » Absente, à tes regards je m'offrirai sans cesse. >> Des funestes brandons prêts à me dévorer, >> Barbare! à ton départ les feux vont t'éclairer: » Et, lorsque de mon corps affranchissant mon ame >>> Les dieux de mes destins auront coupé la trame, >> Ne crois pas m'échapper; à toute heure, en tous lieux, » Spectre pâle et sanglant, j'assiégerai tes yeux.

>> Oui, je serai vengée; et, dans l'empire sombre,

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» Le bruit de tes malheurs viendra charmer mon ombre. »

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His medium dictis sermonem abrumpit, et auras Egra fugit, seque ex oculis avertit et aufert, Linquens multa metu cunctantem et multa parantem Dicere. Suscipiunt famulæ, collapsaque membra Marmoreo referunt thalamo, stratisque reponunt.

At pius Æneas, quamquam lenire dolentem (46 Solando cupit, et dictis avertere curas,

Multa gemens, magnoque animum labefactus amore,
Jussa tamen divûm exsequitur, classemque revisit.

Tum verò Teucri incumbunt, et littore celsas
Deducunt toto naves; natat uncta carina:

Frondentesque ferunt remos et robora silvis
Infabricata, fugæ studio.

Migrantes cernas, totâque ex urbe ruentes.

Ac veluti ingentem formica farris acervum

Cùm populant, hiemis memores, tectoque reponunt: It nigrum campis agmen, prædamque per herbas Convectant calle angusto; pars grandia trudunt

Obnixa frumenta humeris; pars agmina cogunt,

A ces mots menaçans qu'elle interrompt soudain,
Elle fuit, laisse Énée interdit, incertain,

Et cherchant à calmer le chagrin qui l'oppresse,
Ses femmes dans leurs bras soutiennent sa foiblesse,
Et sur un lit pompeux la portent, loin du jour,
Mourante de douleur, et de rage, et d'amour.

Énée.... ah! quel regret accable sa tendresse !
Qu'il voudroit de Didon consoler la tristesse !
Mais le respect des dieux, de l'amour est vainqueur.
Il retourne à sa flotte, où chacun plein d'ardeur
Se dispose à voler sur les plaines profondes.
Des vaisseaux, qui long-temps ont oublié les ondes,
On répare les flancs; et ces vastes apprêts
De chênes, de sapins dépeuplent les forêts.
Des avirons encor tout couverts de feuillage,
Des mâts encor grossiers sont traînés au rivage.
On s'empresse, on s'assemble, on voit de toutes parts
Les Troyens par torrens déserter les remparts.
Ainsi, quand des fourmis la diligente armée,
Des besoins de l'hiver prudemment alarmée,
Porte à ses magasins les trésors des sillons,

Leur foule au loin s'empresse, et leurs noirs bataillons,
Par un étroit sentier s'avançant sous les herbes,
Entraînent à l'envi la dépouille des gerbes :
L'une conduit la troupe et trace le chemin;
L'autre, non sans effort, pousse un énorme grain;
Celle-ci des traîneurs excite la paresse:

Pour le bien de l'état, tout agit, tout s'empresse;

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