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phétique, un auguste sanctuaire t'est réservé dans mes états. J'y déposerai tes oracles, renfermant les secrètes destinées annoncées à mon peuple; et des mortels, choisis par moi, en seront les sacrés interprètes. Seulement, ne confie point tes décrets à des feuilles légères, pour que, jouets des vents rapides, elles ne s'envolent point dérangées de l'ordre que tu leur as donné : mais, parle toi-même, je t'en conjure. » Telle fut la prière du héros.

CEPENDANT, luttant contre le dieu puissant qui la presse, la Sibylle farouche s'agite dans son antre pour le repousser; mais, plus elle résiste, plus le dieu fatigue sa bouche écumante, s'imprime dans son cœur rebelle, et la soumet enfin docile à ses inspirations. Déjà les cent portes de l'antre s'ouvrent, et ces paroles de la Sibylle retentissent dans les airs : « Tu ne courras plus de grands dangers sur les eaux: mais des dangers plus terribles t'attendent sur la terre. Les Troyens arriveront dans le royaume de Lavinie (cesse d'en douter): mais ils voudront n'y être jamais entrés. Je vois des guerres, d'horribles guerres, et le Tibre écumant de sang. Ni le Simoïs, ni le Xanthe, ni le camp des Grecs, ne te manqueront encore. Le Latium a vu naître un autre Achille, fils aussi d'une déesse; et Junon, toujours acharnée contre les Troyens, ne cessera de les poursuivre. De qui, dans ta détresse, de quels peuples, et de quelles villes n'iras-tu pas implorer les secours? Un hymen étranger, une nouvelle épouse qui aura accueilli les Troyens, telle sera la cause de tant de maux. Mais, toi, ne cède point à l'adversité, et que ton audace triomphe de ta fortune! La première voie ouverte à tes succès, le sera, tu n'aurais pu l'espérer, par une ville grecque.

Quod minime reris, graia pandetur ab urbe. »
TALIBUS ex adyto dictis cumaa Sibylla
Horrendas canit ambages, antroque remugit,
Obscuris vera involvens: ea fræna furenti
Concutit, et stimulos sub pectore vertit Apollo.
Ur primum cessit furor, et rabida ora quierunt,
Incipit Æneas heros : « Non ulla laborum,

O virgo, nova mi facies inopinave surgit.
Omnia præcepi, atque animo mecum ante peregi.
Unum oro: quando hic inferni janua regis
Dicitur, et tenebrosa palus Acheronte refuso,
Ire ad conspectum cari genitoris et ora
Contingat; doceas iter, et sacra ostia pandas.
Illum ego per flammas et mille sequentia tela
Eripui his humeris, medioque ex hoste recepi;
Ille, meum comitatus iter, maria omnia mecum,
Atque omnes pelagique minas cœlique ferebat
Invalidus, vires ultra sortemque senectæ.

Quin, ut te supplex peterem, et tua limina adirem,
Idem orans mandata dabat. Natique patrisque,
Alma, precor, miserere! potes namque omnia; nec te
Nequidquam lucis Hecate præfecit avernis.

Si potuit manes arcessere conjugis Orpheus,
Threicia fretus cithara fidibusque canoris;

Si fratrem Pollux alterna morte redemit,
Itque reditque viam toties; quid Thesea, magnum

C'EST en ces mots que, du fond de l'antre mugissant, la Sibylle de Cumes annonce ces redoutables mystères, et enveloppe la vérité de ténèbres. Ainsi le dieu maîtrise ses transports furieux, et de ses traits aiguillonne son âme.

Dès que son délire a cessé, et que l'écume ne blanchit plus sa bouche prophétique : « Vierge sacrée, dit le prince troyen, il n'est point de dangers dont l'aspect me soit nouveau et inattendu. J'ai su, dans ma pensée, tout prévoir, et à tout me préparer d'avance. Je te fais une seule prière : puisque c'est en ces lieux qu'est, diton, la porte des enfers, dans le ténébreux marais formé par les eaux débordées de l'Achéron, ah! qu'il me soit permis de descendre aux sombres bords pour voir encore un père chéri. Enseigne-moi le chemin : ouvre-moi ces portes sacrées. C'est ce père que j'enlevai sur mes épaules, à travers les flammes, au milieu de mille traits lancés, et que je sauvai de la fureur des ennemis; lui qui, compagnon de mes longs voyages, a traversé avec moi toutes les mers, et, malgré sa faiblesse et le poids des ans, a supporté, avec une constance supérieure à son âge, toutes les menaces du ciel et des flots en courroux. C'est luimême qui, joignant l'ordre à la prière, m'a fait chercher ta demeure sacrée pour implorer ton secours. Prêtresse auguste, prends pitié du fils et du père! car tu peux tout, et ce n'est pas en vain qu'Hécate t'a confié la garde des sombres bois de l'Averne. Si, par les sons mélodieux de sa lyre de Thrace, Orphée a pu ramener vers la lumière l'ombre de son épouse; si Pollux a pu racheter la mort de son frère en mourant à son tour, et tant de fois passer et repasser la porte des enfers!... qu'ai

Quid memorem Alciden? et mi genus ab Jove summo. »

TALIBUS orabat dictis, arasque tenebat;

Quum sic orsa loqui vates : « Sate sanguine divum, Tros Anchisiade, facilis descensus Averni;

Noctes atque dies patet atri janua Ditis;

Sed revocare gradum, superasque evadere ad auras,
Hoc opus, hic labor est. Pauci, quos æquus amavit
Jupiter, aut ardens evexit ad æthera virtus,
Dis geniti potuere. Tenent media omnia silvæ,
Cocytusque sinu labens circumvenit atro.
Quod si tantus amor menti, si tanta cupido est
Bis stygios innare lacus, bis nigra videre
Tartara, et insano juvat indulgere labori :
Accipe quæ peragenda prius. Latet arbore opaca
Aureus et foliis et lento vimine ramus,

Junoni infernæ dictus sacer : hunc tegit omnis
Lucus, et obscuris claudunt convallibus umbræ.
Sed non ante datur telluris operta subire,
Auricomos quam quis decerpserit arbore fetus.
Hoc sibi pulchra suum ferri Proserpina munus
Instituit. Primo avulso, non deficit alter

Aureus; et simili frondescit virga metallo.
Ergo alte vestiga oculis, et rite repertum

Carpe manu. Namque ipse volens facilisque sequetur,
Si te fata vocant: aliter, non viribus ullis
Vincere, nec duro poteris convellere ferro.

je besoin de te rappeler Thésée et le grand Alcide? et moi aussi je descends du puissant Jupiter.

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AINSI priait Énée, en embrassant les autels: << Troyen, répond la Sibylle, fils d'Anchise, et issu du sang des dieux, la descente aux enfers est facile. La porte du noir empire est ouverte nuit et jour. Mais, revenir sur ses pas et revoir la lumière éthérée, c'est une entreprise, c'est un travail difficile: il n'a été donné de le tenter avec succès qu'à peu de favoris de Jupiter, ou à quelques enfans des dieux qu'une vertu sublime a élevés jusqu'aux astres. Des forêts profondes ferment l'avenue de l'empire des Mânes, et le Cocyte l'enferme dans les replis de ses noires ondes. Mais si un tel empressement est dans ton âme, si tu as un tel désir de traverser deux fois les marais du Styx, de voir deux fois le noir Tartare, et si cette téméraire entreprise plaît à ton audace, apprends ce qu'avant tout tu devras faire. Sur un arbre, et dans son épais feuillage, est caché un rameau consacré à la Junon des enfers: sa tige légère et ses feuilles sont d'or : toute la forêt le dérobe aux yeux des mortels, et une vallée ténébreuse l'enferme dans ses ombres. Mais il n'est donné de pénétrer dans l'empire des morts, qu'à celui qui a pu détacher de l'arbre le rameau d'or: c'est le présent que la belle Proserpine exige, et qui doit lui être apporté. Le rameau détaché est soudain remplacé par un autre, dont l'or forme aussi le feuillage et la tige. Va donc le chercher des yeux dans la vaste forêt; et, dès que tu l'auras trouvé, que ta main le saisisse: car il viendra docile, et sans résistance, si les destins t'appellent aux enfers. Autrement, ni l'effort de ton bras, ni le fer tranchant, ne pourraient le détacher. Ce n'est pas tout :

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