l'Averne, elles s'élèvent d'un vol rapide, nagent dans un air plus pur et plus léger, et vont se poser ensemble sur l'arbre désiré, où l'or, variant ses reflets, brille à travers le feuillage. Tel qu'au milieu de l'hiver brumeux, le gui, dans les forêts, étale sa verdure nouvelle, et jaunit de ses fruits le tronc étranger qui le nourrit: tel, sur un chêne touffu, brillait le rameau d'or; et ses feuilles déliées frémissaient brillantes sous l'haleine du zéphyr. Soudain le héros avide le saisit, le détache d'une main impatiente, et le porte à la demeure de la Sibylle. CEPENDANT, réunis sur le rivage, les Troyens pleuraient Misène, et rendaient à ses froides reliques les honneurs suprêmes. D'abord, avec le bois résineux et le chêne fendu, ils élèvent un immense bûcher. Sur les flancs s'entrelacent en festons de lugubres feuillages; au devant sont plantés des cyprès funèbres, et, sur le faîte, brillent les armes du guerrier. Les uns apportent l'eau qui bouillonne dans l'airain : ils lavent le corps glacé, et le parfument. Alors de lamentables cris se font entendre: les uns le placent sur un lit funéraire; ils jettent, sur ces restes déplorés, des habits de pourpre, dépouilles, hélas ! trop connues. D'autres, triste ministère ! portent le lit funèbre sur le bûcher, et, suivant l'antique usage, inclinent la torche allumée en détournant les yeux. La flamme consume et l'encens, et la chair des victimes, et l'huile qu'à grands flots versent les cratères. Lorsque le bûcher se consume et s'affaisse, et que le feu s'éteint, on lave dans le vin ces tristes débris et les cendres brûlan Relliquias vino et bibulam lavere favillam; His actis, propere exsequitur præcepta Sibyllæ. tes; on recueille les os, et Corynée les renferme dans une urne d'airain. Ensuite, tenant dans sa main un rameau d'olivier, il s'avance trois fois autour du bûcher, jette sur l'assemblée l'eau lustrale qui tombe en légère rosée, et enfin il dit les derniers adieux. Cependant le pieux Énée élève un vaste tombeau, où sont déposés les armes de son ami, sa rame et son clairon, sur une haute montagne, qui porte encore aujourd'hui le nom de Misène, et qui, dans la longue suite des âges, gardera ce nom immortel. CE devoir rempli, Énée se hâte d'exécuter les ordres de la Sibylle. Dans les flancs d'un affreux rocher, une caverne profonde ouvre sa bouche immense : un lac aux noires ondes et une forêt ténébreuse en défendent l'accès. De ce gouffre horrible s'exhalent d'impures vapeurs qui s'élèvent au plus haut des airs. Nul oiseau ne peut voler impunément sur ce marais, et de là les Grecs lui ont donné le nom d'Averne. C'est là que d'abord la prêtresse fait conduire quatre taureaux noirs; elle épanche du vin sur leur front, coupe, entre les cornes, l'extrémité du poil, et jette dans les feux des autels ces prémices, en appelant, à grande voix, Hécate, puissante au ciel et dans l'Érèbe. D'autres saisissent les couteaux sacrés, égorgent les victimes, et reçoivent le sang fumant dans les patères. Énée lui-même immole à la mère des Euménides, et à la Terre sa sœur, une jeune brebis, et à toi, Proserpine, une vache stérile. Enfin, des autels nocturnes sont dressés pour le monarque stygien; les feux y sont allumés : ils dévorent les entrailles entières des victimes, et l'huile est versée à flots sur ces entrailles brûlantes. Et solida imponit taurorum viscera flammis, IBANT obscuri sola sub nocte per umbram, Est iter in silvis, ubi cœlum condidit umbra Jupiter, et rebus nox abstulit atra colorem. VESTIBULUM ante ipsum, primisque in faucibus Orci Pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus, Tout a coup, et quand naissent à l'horizon les premiers rayons du soleil, le sol mugit sous les pieds, les forêts tremblent agitant leur cime, les chiens jettent dans l'ombre de longs aboiemens, la déesse arrive : « Loin d'ici! ô loin d'ici, profanes! crie la prêtresse, sortez de cette enceinte sacrée ! Et toi, suis mes pas; tire ton glaive du fourreau: c'est ici qu'il faut du courage, Énée; ici qu'il faut une âme inébranlable. » Elle dit, et, furieuse, s'élance dans le gouffre ouvert. Le héros, d'un pas assuré, suit son guide, et l'égale en vitesse. DIEUX, à qui appartient l'empire des âmes! ombres silencieuses! chaos! Phlégéthon! vaste séjour de la nuit et du silence! qu'il me soit permis de redire ce que j'ai entendu pardonnez si je dévoile des secrets ensevelis dans les profonds abîmes de la terre, et qui sont plongés sous d'immenses ténèbres. : ILS marchaient, invisibles, dans les ombres de la nuit solitaire, à travers les demeures vides de Pluton et ses tristes royaumes : tel, le voyageur traverse les forêts, à la lueur incertaine et trompeuse de la lune, quand Jupiter a caché le ciel dans l'ombre, et que la nuit a ôté aux objets leurs couleurs. DEVANT le vestibule, et dans les premières gorges des enfers, sont couchés les Chagrins et les Remords vengeurs. Là résident les pâles Maladies, et la triste Vieillesse, et la Crainte, et la Faim, mauvaise conseillère; et la honteuse Indigence, spectres terribles; et la Mort, et le Travail, et le Sommeil, frère de la Mort; et les Joies |