prince, agitant une torche enflammée, parcourait, triomphant, les champs de la Grèce et la ville d'Élis, où il exigeait les honneurs qu'on rend aux immortels. Insensé! qui, avec son pont d'airain, et ses chevaux aux pieds retentissans, prétendait simuler les orages, et imiter la foudre inimitable. Mais le père des dieux, tout-puissant, du milieu des nuées, lança, non de vains flambeaux, non des feux mêlés de fumée, mais la véritable foudre, sur le faux dieu, et, l'enveloppant d'un noir tourbillon, le précipita dans le fond du Tartare. Là, on voit encore Titye, enfant monstrueux de la Terre, qui produit toutes choses, et dont le corps étendu couvre tout entiers neuf arpens : un énorme vautour, de son bec recourbé, ronge sans cesse le foie du Titan, qui sans cesse revit; déchire ses entrailles en tourmens fécondes; rouvre, pour s'y nourrir, d'éternelles blessures; habite sa poitrine profonde, et ne donne aucun repos à ses fibres qui renaissent toujours. Rappellerai-je les Lapithes, Ixion et Pirithous? Sur eux pend un noir rocher déjà prêt à tomber, et leur faisant de sa chute la menace éternelle. Couchés sur des lits somptueux, aux pieds d'or, ils voient briller, devant leur bouche avide, le luxe d'un banquet royal. Mais, la plus terrible des Euménides, assise à ce banquet, les arrête quand ils portent les mains sur les mets placés devant eux. Alors, elle se lève, agitant sa torche menaçante, et fait tonner sa redoutable voix. Là, sont ceux qui, pendant leur vie, ont haï leurs frères; ceux qui ont levé sur leur père une main sacrilège, ou trompé la foi d'un client; ceux, et le nombre en est infini, qui couvant d'un œil insatiable des trésors pour eux seuls entassés, Quique ob adulterium cæsi; quique arma secuti Hic thalamum invasit natæ vetitosque hymenaeos. HÆC ubi dicta dedit Phœbi longæva sacerdos : n'en ont point donné une part à leurs proches; et ceux qui, dans un amour adultère, ont trouvé le trépas; et ceux qui, suivant des guerres impies, n'ont pas craint de violer les sermens faits à leurs maîtres. Tous, renfermés dans ces lieux, attendent leur châtiment. Ne cherche point à connaître quels sont les divers supplices du Tartare, quel est leur appareil, et quel sort accable ces hommes criminels. Les uns roulent incessamment un rocher devant eux ; d'autres, attachés aux rayons d'une roue mouvante, y demeurent sans fin suspendus; le malheureux Thésée est assis sur un siège immobile, et doit y rester assis éternellement. Le plus infortuné de tous, Phlégyas les avertit sans cesse, et, sans cesse, d'une voix forte crie au milieu des ténèbres : « Apprenez, par mon exemple, « à être justes, et à ne point mépriser les dieux!» Celui-ci, vil mercenaire, a vendu sa patrie, et l'a livrée au pouvoir d'un tyran; celui-là, au gré de son avarice, a fait et refait les lois; cet autre a souillé le lit de sa fille, et cherché un affreux hyménée. Tous ont osé méditer des forfaits horribles, et tous ont osé les exécuter. Non, quand j'aurais cent bouches, cent langues et une voix de fer, je ne pourrais dire tous les genres de crimes, ni parcourir les noms de tous les supplices des Enfers. « MAIS, ajoute la prêtresse séculaire d'Apollon, il est temps d'avancer; reprends ta route, et poursuis ton dessein. J'aperçois les murs du palais forgé par les Cyclopes, et voilà devant nous la porte et la voûte où nous devons déposer notre offrande. >> ELLE dit, et tous deux marchent d'un pas égal dans ces routes obscures, franchissent rapidement l'intervalle, et arrivent au palais de Pluton. Énée s'avance Spargit aqua, ramumque adverso in limine figit. His demum exactis, perfecto munere divæ, sous le portique, purifie son corps dans l'onde fraîche et pure, et attache à la porte le rameau sacré. CE devoir accompli, et la déesse rendue propice, ils arrivent enfin dans ces champs délicieux, dans ces riantes prairies, dans ces bocages frais, séjour éternel de la paix et du bonheur. Là, l'éther plus pur revêt les campagnes d'une lumière pourprée: elles ont leur soleil et leurs étoiles. Parmi les habitans de ces lieux fortunés les uns exercent, dans des jeux sur le gazon, leur force et leur souplesse, ou luttent sur le sable doré; d'autres frappent du pied la terre en cadence, forment des chœurs et récitent des vers. Le chantre divin de la Thrace, en longue robe de lin, marie des chants harmonieux aux sept tons de sa lyre, qui résonne tantôt sous ses doigts légers, et tantôt sous le dé d'ivoire. Là sont les descendans illustres de l'antique Teucer.: Ilus, Assaracus et Dardanus, fondateur de Troie, race brillante de héros magnanimes, nés dans des temps plus. heureux. Énée s'étonne de voir au loin des armes, des chars vides, des javelots fixés dans la terre, et des chevaux sans frein qui paissent libres dans la plaine. Ceux qui, pendant leur vie, aimèrent les chars et les chevaux, sont encore charmés, par les mêmes goûts, au delà du trépas. A DROITE et à gauche le héros aperçoit d'autres ombres qui, couchées sur l'herbe, chantent, dans des festins, le joyeux Péan, sous l'ombrage odorant d'une forêt de lauriers où l'Éridan roule ses abondantes eaux. Là, sont ces guerriers généreux qui versèrent leur sang pour la patrie, les prêtres dont la vie fut toujours chaste et pure, les poètes divins qu'Apollon inspira; les mortels qui, par |