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avoir défait les Achéens, montera au Capitole sur un char de triomphe. Celui-là doit renverser Argos et Mycènes, villes d'Agamemnon il frappera, dans le dernier des Eacides, la race de l'invincible Achille, vengera les Troyens, ses aïeux, et la profanation du temple de Minerve. Qui pourrait, ô grand Caton, et toi, Cossus, vous passer sous silence? Qui pourrait oublier la famille des Gracques, et les deux Scipions, ces deux foudres de guerre, qui désoleront la Libye! et Fabricius, puissant dans sa pauvreté ! et toi, Serranus, qui dois passer de la charrue aux faisceaux du consulat! où m'entraînezvous, race de Fabius, quand j'ai peine à vous suivre? Te voilà, toi, le plus grand de tous, et qui, seul, en temporisant, sauves la république!

« D'AUTRES peuples, je le crois, seront plus habiles dans l'art d'animer l'airain, et de faire sortir d'un marbre insensible de vivantes figures; ils feront, dans la tribune, entendre des voix plus éloquentes ; ils sauront décrire, avec plus de science, les mouvemens des cieux, et mieux dire le lever et la course des astres: toi, Romain, souviens-toi de régir par ton empire l'univers. Voici quels seront tes arts imposer les lois de la paix, pardonner aux peuples soumis et dompter les superbes. >>

AINSI parlait Anchise; et, tandis que son fils et la Sibylle admirent, il ajoute : « Vois s'avancer l'illustre Marcellus chargé de dépouilles opimes, et qui, de son front, paré par la Victoire, domine cette foule de héros : c'est lui qui soutiendra la république ébranlée par de grands revers: il renversera les succès de Carthage et l'orgueil du Gaulois indompté; il sera le troisième Romain qui suspendra les armes ennemies dans le temple de Quirinus. >>

ATQUE hic Eneas (una namque ire videbat

Egregium forma juvenem et fulgentibus armis,
Sed frons læta parum, et dejecto lumina vultu):

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Quis, pater, ille, virum qui sic comitatur euntem? Filius, anne aliquis magna de stirpe nepotum?

Qui strepitus circa comitum! quantum instar in ipso est! Sed nox atra caput tristi circumvolat umbra. »>

«

TUM pater Anchises, lacrymis ingressus obortis :
<< O nate, ingentem luctum ne quære tuorum;
Ostendent terris hunc tantum fata, neque ultra
Esse sinent. Nimium vobis romana propago

Visa potens, superi, propria hæc si dona fuissent.
Quantos ille virum magnam Mavortis ad urbem
Campus aget gemitus! vel quæ, Tiberine, videbis
Funera, quum tumulum præterlabere recentem!
Nec puer iliaca quisquam de gente latinos

In tantum spe tollet avos; nec Romula quondam
Ullo se tantum tellus jactabit alumno.
Heu pietas! heu prisca fides! invictaque bello
Dextera! non illi se quisquam impune tulisset
Obvius armato, seu quum pedes iret in hostem,
Seu spumantis equi foderet calcaribus armos.
Heu, miserande puer! si qua fata aspera rumpas,
Tu Marcellus eris. Manibus date lilia plenis :
Purpureos spargam flores, animamque nepotis

EN ce moment, Énée interrompt Anchise (car il voyait, à côté de Marcellus, marcher un guerrier adolescent que rendaient remarquable la beauté de ses traits et l'éclat de ses armes, mais dont le front était triste et le regard abattu): « O mon père! quel est ce jeune homme qui accompagne le héros? Est-ce son fils, ou l'un des rejetons de son illustre race? Quel bruyant cortège l'environne! et combien il ressemble à l'autre guerrier! mais une affreuse nuit enveloppe d'un voile lugubre sa tête. »

ALORS Anchise reprend, et les pleurs coulent sur son visage : « O mon fils! ne me demande pas ce qui, pour les tiens, sera de regrets une source éternelle. Ce jeune prince, les Destins le montreront seulement à la terre, et ne permettront pas qu'il y prolonge ses jours. Dieux immortels! Rome vous eût paru trop puissante, si elle avait conservé ce don précieux de vos mains. Oh! de quels gémissemens retentiront le champ illustre et la cité de Mars! et toi, dieu du Tibre, quelle pompe funèbre tu verras sur tes rives, lorsque, pour la première fois, tes ondes couleront près de son tombeau ! Non, jamais enfant du sang des Troyens n'aura donné un si haut espoir aux Latins ses aïeux ! jamais Rome ne verra naître un de ses fils qui la réjouisse de tant d'orgueil. Oh! quelle piété, oh! quelle vertu antique, et quelle invincible ardeur dans les combats! Nul ne se fût avancé impunément contre ce héros sous les armes, soit que, d'un pied ferme, il marchât à l'ennemi, soit qu'il pressât les flancs d'un coursier écumant. Hélas! jeune infortuné, si tu peux vaincre un jour les Destins trop cruels, tu seras Marcellus. Donnez des lys à pleines mains que je couvre de fleurs vermeilles son tombeau! qu'au moins je prodigue à l'ombre de mon petit-fils ces

III.

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His saltem accumulem donis, et fungar inani

Munere. >>

Sic tota passim regione vagantur Aeris in campis latis, atque omnia lustrant. Quæ postquam Anchises natum per singula duxit, Incenditque animum famæ venientis amore : Exin bella viro memorat quæ deinde gerenda, Laurentesque docet populos, urbemque Latini; Et quo quemque modo fugiatque feratque laborem. SUNT geminæ Somni portæ : quarum altera fertur Cornea, qua veris facilis datur exitus umbris: Altera candenti perfecta nitens elephanto; Sed falsa ad cœlum mittunt insomnia Manes. His ubi tum natum Anchises unaque Sibyllam Prosequitur dictis, portaque emittit eburna. Ille viam secat ad naves, sociosque revisit. Tum se ad Caietæ recto fert limite portum : Anchora de prora jacitur; stant litore puppes.

offrandes légères, et qu'elle reçoive' de moi ces vains honneurs. >>

AINSI le héros troyen errait, avec son père, dans le vaste Élysée, et partout promenait ses regards. Anchise lui a fait admirer toutes les merveilles de ces champs aériens. Enfin, il enflamme son cœur de l'amour de sa gloire future; il lui fait connaître les guerres qu'il devra soutenir, les peuples Laurentins et la ville de Latinus, et les moyens de détourner ou de surmonter les dangers qui le menacent.

LE Sommeil a, dans les Enfers, deux portes : l'une est faite de corne, et donne un passage facile aux ombres véritables; l'autre, d'un pur et blanc ivoire, s'ouvre aux songes trompeurs, qui sont envoyés par les dieux Mânes sur la terre. C'est devant cette double issue qu'arrive Anchise, poursuivant son entretien avec son fils et la Sibylle, et il les fait sortir par la porte d'ivoire. Le héros presse ses pas vers la flotte, et rejoint ses compagnons. Bientôt, les voiles déployées, et côtoyant les bords de la mer, ils entrent dans le port de Caïète : l'ancre est jetée du haut de la proue, et les vaisseaux reposent attachés au rivage.

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