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NOTES

DU LIVRE SIXIÈME.

1.- Page 108. Sic fatur lacrymans.

Les anciens ne regardaient point les pleurs comme une faiblesse de l'humanité. Leurs historiens nous apprennent que les hommes les plus célèbres, qu'Alexandre, Scipion, Annibal versaient des larmes. Homère ne croit pas dégrader son héros, en lui faisant suivre les mouvemens de la nature. Achille furieux, qui,

Épouvantait l'armée et partageait les dieux,

pleure aussi souvent que le pieux Énée. Pourquoi donc les tragiques modernes ont-ils craint de rendre les rois et leurs personnages héroïques, sans dignité, presque ridicules, en faisant pleurer les grandes douleurs? La fausse doctrine des stoïciens doitelle être nécessairement celle des héros? Plutarque parle d'un tyran qui, se sentant ému à une représentation d'Hécube et Polixène, sortit brusquement du théâtre, et fut près d'ordonner le trépas de l'auteur qui l'avait attendri. Un tyran seul peut voir dans les vives émotions, une faiblesse. Le sévère ami de Racine avait dit lui-même :

Achille déplairait moins bouillant et moins prompt:
J'aime à lui voir verser des pleurs pour un affront.

Mais Achille pleure plus long-temps et plus amèrement la mort de son ami Patrocle; et c'est la violence de sa douleur qui, seule, excuse son triomphe barbare sur les restes du grand Hector.

2.- Page 108. Et tandem euboicis Camarum allabitur oris.

Au lieu de Cumarum on lit, dans les plus anciens manuscrits, Cymarum.

Selon Strabon (liv. v), la ville de Cumes, que rendirent si célèbre dans l'antiquité l'antre et l'oracle de la Sibylle, avait été fondée par une colonie grecque venue de Chalcis, ville de l'île d'Eubée. Aussi, Virgile dit-il plus bas Chalcidica arce et euboicæ rupis (vers 17 et 42). La colonie de Cumes est regardée par Strabon, comme le plus ancien monument du passage des Grecs en Italie.

Servius croit que Cumes tire son nom des flots, nommés cumata par les Grecs. Il y avait dans l'Éolide une ville de ce nom; et Pausanias parle d'une autre ville de Cumes dans l'Opique, pays aujourd'hui inconnu. Il ne reste de la cité de Cumes en Italie, que d'incertains vestiges, sur le golfe de Gaëte, à une lieue de Pouzzol.

On montre encore aux voyageurs, à quelque distance du lac Averne, l'antre de la Sibylle, « tel à peu près qu'il est décrit par Virgile. Il est creusé dans le roc; mais des terres éboulées et couvertes de ronces, en rendent l'entrée très-difficile: elle est large d'environ dix pieds, et haute de douze. Lorsqu'on y a fait environ deux cent cinquante pas, on est obligé de tourner sur la droite; et l'on parvient, quatre-vingt pas plus loin, à une cellule dont la voûte était peinte autrefois en mosaïque. La terre, qui s'est affaissée à quelque distance de là, ne permet pas d'aller plus loin. » (GASTON.)

3.

Page 108.

Pars, densa ferarum

Tecla, rapit silvas.

Le professeur Binet rend ainsi ce passage : « Ceux-ci vont abattre les forêts. » D'autres traducteurs avaient déjà dit que les Troyens abattaient ou entraînaient les forêts. Cette interprétation est étrange. Dans quel but la forêt de Cumes aurait-elle été abattue? Il ne s'agissait que de couper le bois nécessaire pour le service du camp ou pour les sacrifices. Aussi, faut-il entendre par rapit silvas, parcourir d'un pas rapide les forêts pour y trouver (comme dans le 1 er livre, v. 192) quelques cerfs ou d'autres animaux destinés à nourrir les Troyens, et des sources d'eau que les navigateurs descendus sur les côtes s'empressent d'y chercher.

4.- Page 108. At pius Æneas arces, quibus Altus Apollo

Præsidet.

Virgile suppose que ce temple d'Apollon, bâti sur la montagne où s'éleva depuis la citadelle de Cumes, arx chalcidica, existait déjà lorsqu'Énée arriva dans l'Ausonie, et qu'il avait été construit par le fameux Dédale : ce qui donne occasion au poète de rappeler, et il le fait avec esprit et sentiment, toute la fable du labyrinthe de Crète, de son architecte volant dans les airs, et de son fils Icare, dont la chute rappelle celle de Phaëton, et le mépris imprudent que l'un et l'autre firent des conseils paternels.

5.- Page 108. Antrum immane, petit, magnam cui mentem animumque Delius inspirat vales.

Ces deux mots, mens et animus, exprimaient deux idées différentes, comme on le voit dans ce passage de Lucrèce : Animi vix mente valemus. On lit dans Térence mala mens, malus animus. Les anciens entendaient par mens, l'esprit ou l'âme intelligente; et par animus, l'âme qui reçoit les impressions sensibles, qui est agitée par les passions.

6.- Page 108. Jam subeunt Trivia lucos.

Diane, sous le nom d'Hécate, était appelée Trivia, parce que l'antiquité païenne plaçait son culte dans les carrefours.

7. Page 108. Dædalus, út fama est.

Les anciens donnent une origine illustre au premier mécanicien connu, qui fut en même temps architecte célèbre et sculpteur renommé. Dédale était petit-fils de Métion, de la famille d'Érechthée, sixième roi d'Athènes. On lui attribue l'invention de la hache, du villebrequin, de la scie, du compas, du niveau.

Servius dit que Dédale, proscrit par Minos, se réfugia d'abord dans l'île de Sardaigné, d'où il se rendit ensuite à Cumes, et il cite le témoignage de Salluste, ut dicit Sallustius, libro 11 Historiarum *.

* Il ne reste de ces histoires que des fragmens cités dans Sénèque, Quintilien, Aulu-Gelle, Isidore, saint Augustin (de Civitate Dei), dans les anciens grammairiens et les vieux glossateurs. Ces fragmens ont été recueillis par Paul

Les anciens habitans de l'Italie et de la Sicile rapportaient aux travaux de Dédale tout ce que l'art offrait de merveilleux dans leur patrie. (Voyez DIODORE DE Sicile, l. iv, 78.)

Horace, parlant du voyage aérien de Dédale, dit (1. 1, od. 3):

Expertus vacuum Dædalus aera

Pennis non homini datis.

Cette fable célèbre est ainsi rapportée par Ovide dans le vin livre de ses Métamorphoses.

« Minos veut dérober au monde la honte de son hymen il enferme le Minotaure dans la profonde enceinte, dans les détours obscurs du Labyrinthe. Le plus célèbre des architectes, Dédale, en a tracé les fondemens. L'œil s'égare dans des sentiers infinis, sans terme et sans issue, qui se croisent, se mêlent, se confondent toujours. Tel le Méandre se joue dans les champs de Phrygie: dans sa course ambiguë, il suit sa pente ou revient sur ses pas, et détournant ses ondes vers leur source, ou les ramenant vers la mer, en mille détours il égare sa route, et roule ses flots incertains. Ainsi Dédale confond tous les sentiers du Labyrinthe à peine lui-même il peut en retrouver l'issue, tant sont merveilleux et son ouvrage et son art!

« Enfermé dans le Labyrinthe, le monstre, moitié homme et moitié taureau, s'était engraissé deux fois du sang athénien. Après neuf ans il tomba sous les coups du héros que le sort d'un troisième tribut condamnait à être dévoré. Thésée, à l'aide du fil d’Ariane, revient à la porte du Labyrinthe, qu'avant lui nul autre n'avait pu retrouver.....

Cependant Dédale, que lasse un long exil, ne peut résister au désir si doux de revoir sa patrie; mais la mer qui l'emprisonne est un obstacle à ses désirs : « Si de la terre et de la mer Minos, ditil, me ferme le passage, la route de l'air est libre, et c'est par là que j'irai. Que Minos étende son empire sur la terre et sur les

Manuce, Jean Douza, Louis Carrion et par le président de Brosses, qui en a rassemblé plus de sept cents. M. Charles du Rozoir a fait un choix judicieux de ces fragmens dans sa traduction de Salluste pour la Bibliothèque latinefrancaise. Au mérite remarquable de cette nouvelle version, est joint celui des notes, qui annoncent dans le savant professeur un habile écrivain.

flots, le ciel du moins n'est pas sous ses lois. » Il dit, et, occupant sa pensée d'un art inconnu, il veut vaincre la nature par un prodige nouveau. Il prend des plumes qu'il assortit avec choix : il les dispose par degrés suivant leur longueur; il en forme des ailesTelle jadis la flûte champêtre se forma, sous les doigts de Pan, en tubes inégaux. Avec le lin, Dédale attache les plumes du milieu; avec la cire, celles qui sont aux extrémités. Il leur donne une courbure légère: elles imitent ainsi les ailes de l'oiseau. Icare est auprès de lui ignorant qu'il prépare son malheur, tantôt en folâtrant il court après le duvet qu'emporte le zéphir; tantôt il amollit la cire sous ses doigts; et, par ses jeux innocens, il retarde le travail merveilleux de son père. Dès qu'il est achevé, Dédale balance son corps sur ses ailes; il s'essaie, et s'élève suspendu dans les airs.

:

« En même temps, il enseigne à son fils cet art qu'il vient d'inventer. « Icare, dit-il, je t'exhorte à prendre le milieu des airs si tu descends trop bas, la vapeur de l'onde appesantira tes ailes; si tu voles trop haut, le soleil fondra la cire qui les retient. Évite, dans ta course, les deux extrêmes garde-toi de trop approcher de Bootès, et du char de l'Ourse, et de l'étoile d'Orion. Imite-moi, et suis la route que je vais parcourir. » Il lui donne encore d'autres conseils. Il attache à ses épaules les ailes qu'il a faites pour lui et, dans ce moment, les joues du vieillard sont mouillées de larmes; il sent trembler ses mains paternelles; il embrasse son fils, hélas! pour la dernière fois et bientôt, s'élevant dans les airs, inquiet et frémissant, il vole devant lui. Telle une tendre mère instruit l'oiseau novice encore, le fait sortir de son nid, essaie et dirige son premier essor. Dédale exhorte Icare à le suivre; il lui montre l'usage de son art périlleux; il agite ses ailes, et regarde les ailes de son fils.

« Le pêcheur qui surprend le poisson au fer de sa ligne tremblante, le berger appuyé sur sa houlette, et le laboureur sur sa charrue, voyant des hommes voler au dessus de leurs têtes, s'étonnent d'un tel prodige, et les prennent pour des dieux. Déjà ils avaient laissé à gauche Samos, consacré à Junon; derrière eux étaient Délos et Paros; ils se trouvaient à la droite de Lébynthe et de Calymne, en miel si fertile, lorsque le jeune Icare, devenu trop imprudent dans ce vol qui plaît à son audace, veut s'élever

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