rames et sous les proues armées de triples éperons. Moins rapides, dans les jeux du Cirque, les chars s'élancent de la barrière et se précipitent dans la lice; moins ardens, les conducteurs rivaux, penchés sur les coursiers, le fouet levé, agitent les rênes ondoyantes. Toute la forêt, qui borde le rivage, retentit du murmure confus des vœux qui partagent les spectateurs entre les combattans: les voix roulent d'échos en échos, et les collines renvoient les acclamations dont elles sont frappées. Au milieu des clameurs frémissantes, Gyas s'est élancé plus rapide, et il devance ses rivaux. Cloanthe le suit de près, plus fort par ses rameurs, mais retardé par la pesanteur de son navire. Après eux voguent, à une distance égale, la Baleine et le Centaure, qui, par leurs efforts, se disputent l'avantage du premier rang. Tantôt la Baleine l'emporte; tantôt, vainqueur à son tour, l'énorme Centaure est en avant; tantôt enfin les deux vaisseaux voguent de front, et côte, à côte leurs carènes sillonnent l'onde amère. DÉJA ils approchaient du rocher, et le but allait être atteint, lorsque Gyas, qui toujours devance ses rivaux et vogue en triomphe sur la plaine liquide, crie à Ménète, son pilote : « Pourquoi vas-tu si loin à droite? Tourne de ce côté ! serre les flancs du rocher; effleureles, à gauche, de tes rames : laisse aux autres la pleine mer! » Il dit; mais le vieux pilote, craignant les écueils cachés sous l'onde, détourne sa proue et gagne au large. «< Où vas-tu, Ménète? et pourquoi ce détour? rapproche-toi du rocher ! » C'est ainsi que Gyas parlait encore, quand il voit derrière lui Cloanthe qui le presse, se rapproche à gauche, glisse entre son vaisseau et le rocher Ille inter navemque Gyæ scopulosque sonantes Hic læta extremis spes est accensa duobus, Hortatur Mnestheus : « Nunc, nunc insurgite remis, Delegi comites; nunc illas promite vires, Nunc animos, quibus in gætulis syrtibus usi, Non jam prima peto Mnestheus, neque vincere certo; retentissant, passe comme un trait, le devance, atteint le but, le tourne, revient, et, vainqueur, vogue vers le rivage. Alors, une colère violente enflamme le cœur du jeune guerrier; des pleurs brûlans descendent sur ses joues; et, oubliant les soins de sa gloire et la sûreté de ses compagnons, il précipite du haut de la poupe dans les flots l'indocile Ménète, prend lui-même le gouvernail; nouveau pilote, il excite les rameurs, et tourne sa proue vers les bords du rocher. Cependant, malgré le poids des ans et celui de ses vêtemens, d'où l'eau de toutes parts ruisselle, Ménète revient du fond de l'abîme, gravit avec peine le roc, et s'assied sur la cime. Les Troyens avaient ri de sa chute et de sa lenteur à lutter contre les flots : ils rient encore en le voyant revomir l'onde amère. EN ce moment, un espoir joyeux vient animer Sergeste et Mnesthée, qui, les derniers dans la course, se flattent de regagner Gyas retardé dans la sienne. Sergeste s'avance le premier, et approche du rocher : mais son navire tout entier ne dépasse pas encore celui de son rival. Une partie seule est en avant, et la proue de la Baleine serre les flancs du Centaure. Cependant Mnesthée parcourt, à pas pressés, les rangs des nautonniers, dont il excite l'ardeur : « Maintenant, dit-il, maintenant insistez sur les rames, dignes compagnons d'Hector, que j'ai choisis pour les miens depuis le dernier jour de Troie! Maintenant déployez cette même vigueur et ce courage éclatant qui vous firent dompter les Syrtes de Gétulie, et les flots de la mer Ionienne, et les rapides courans de Malée! Ce n'est plus à la première palme qu'aspire Quamquam o!.. sed superent, quibus hoc, Neptune, dedisti. Namque furens animi, dum proram ad saxa suburget Infelix saxis in procurrentibus hæsit. Concussæ cautes, et acuto in murice remi Radit iter liquidum, celeres neque commovet alas. Mnesthée; et ce n'est plus pour vaincre que je combats... si toutefois..... mais non, qu'ils l'emportent, puissant dieu des mers, ceux à qui tu as donné la victoire! seulement, évitons la honte de revenir les derniers! Amis, fuyons cet opprobre; et que ce soit là notre triomphe. »> Il dit, et tous ensemble les matelots se courbent sur les rames. Sous leurs vastes efforts le navire tremble, l'onde en grondant s'enfuit; leur souffle haletant bat leurs flancs qui palpitent, et la sueur ruisselle de leurs corps. Le hasard leur donne l'avantage désiré; tandis que, emporté par son ardeur, Sergeste dirige sa proue trop près du rocher, et veut le tourner dans l'étroit intervalle qui l'en sépare; malheureux! il s'engage dans les écueils cachés : le roc est ébranlé; les rames qui le heurtent volent en éclats, et la poupe brisée y demeure suspendue. Les nautonniers se lèvent, jettent de grands cris et s'arrêtent. Bientôt, ils saisissent des pieux armés de fer, de longs avirons aux pointes aigués, et recueillent les débris flottans de leurs rames. ALORS Mnesthée, que la joie excite, et qui sent redoublr son ardeur, secondé par ses rameurs agiles et par la faveur des vents qu'il a invoqués, tourne le rocher, et vogue rapidement sur la plaine azurée. Telle qu'une colombe, saisie d'une frayeur soudaine dans le creux d'un roc, sa demeure solitaire, où est sa tendre couvée, ébranle son nid du battement de ses ailes, s'envole avec bruit, et bientôt, portée mollement dans un air tranquille, fend rapide les champs de l'éther sans paraître agiter ses ailes : tel, emporté par son essor, le vaisseau de Mnesthée vole sur les dernières eaux qui conduisent au rivage. Il a laissé derrière lui Sergeste luttant contre les écueils et les sables où il est arrêté, implorant en vain du secours, et cher |