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Sans adopter cette opinion, et sans croire aux livres qui auraient été écrits par Adam, Seth, Énoch, Abraham et Jacob, on peut admettre que l'écriture est plus ancienne que Moïse. Cneus Gellius, cité par Pline (1. v11, c. 56), Platon, dans son dialogue intitulé Phèdre, et Diodore de Sicile (l. 1, c. 16), attribuent l'invention des lettres à Thot, appelé Hermès par les Grecs, et Mercure par les Latins: ainsi l'alphabet hébreu dériverait de l'alphabet égyptien. Selon Tacite (Annales, x1, 14), Cécrops avait porté l'écriture en Grèce, avant Cadmus. Lucain (1. Iv) fait honneur de l'invention des lettres aux Phéniciens; et, suivant l'opinion la plus générale, c'est des Phéniciens que les Hébreux et les Égyptiens ont reçu les lettres.

On lit, avec intérêt, les chapitres où M. de Fortia traite de l'introduction de l'écriture dans la Grèce, ou par un certain Menos, qui peut-être perfectionna l'écriture de Thot, en la simplifiant, et qui vivait, suivant Eusèbe, l'an 1820 avant notre ère; ou par Prométhée qui, d'après le témoignage d'Eschyle, dans sa tragédie de Prométhée enchaîné (act. 111, sc. 1), se vantait, en Arcadie, d'avoir enseigné à ses concitoyens l'art de tracer des caractères (vers l'an 1606 avant notre ère); ou par Cécrops, qui vint d'Égypte vers l'an 1581. Or, Eusèbe ne fait arriver le Phénicien Cadmus à Thèbes que l'an 1428, et la Chronique des marbres de Paros le fait naître l'an 1540. Il est donc vraisemblable que Cadmus n'apporta dans la Grèce qu'un perfectionnement dans l'art d'écrire.

Le savant académicien donne des détails curieux sur le biblos dont parle Hérodote (1. v, 58), extrait d'une plante ou d'un jonc plus connu sous le nom de papyrus. Théophraste, en décrivant cette plante (1. iv, c. 9), dit : « Le papyrus sert lui-même à beaucoup de choses; on en construit en effet des barques, et avec la tranche qui en est extraite (ẞúbλos) on fait des voiles, des nattes, de certains vêtemens, des couvertures de lit, des cordages, et plusieurs autres choses; le plus remarquable de ses usages est la fabrication des livres. » Théophraste distingue le biblos du papyros. Le papyros est la plante, et le biblos est la pellicule ou tranche de la moelle de cette plante avec laquelle on fait du papier.

Dans le temps où le biblos était rare, on écrivait, dit Hérodote, sur les diphthères ou les peaux de chèvre et de mouton. Selon

Marcus Varron, dit Pline (1. xIII, C. 11 ou 21, selon les éditions), l'usage du papyrus commença lors des conquêtes d'Alexandre-leGrand et de la fondation d'Alexandrie en Égypte. Auparavant on ne connaissait pas le papyrus : on écrivit d'abord sur des feuilles de palmier, ensuite sur l'écorce de certains arbres. Plus tard des feuilles de plomb recurent les actes publics; la toile et la cire furent ensuite consacrées aux affaires particulières. L'usage des tablettes était connu avant la guerre de Troie, si l'on s'en rapporte à Homère (Iliade, 1. vi, v. 168 et 169).

Varron ajoute que, les rois Ptolémée et Eumène rivalisant l'un avec l'autre au sujet de leurs bibliothèques, le premier prohiba la sortie du papyrus, et qu'on inventa alors à Pergame le parchemin. Dans la suite, cette dernière espèce de papier, qui donna l'immortalité aux hommes, devint d'un usage très-commun. Ainsi, suivant l'Art de vérifier les dates, Varron placerait l'invention du parchemin de l'an 180 à l'an 157 avant l'ère vulgaire, époque approximative de l'établissement de la bibliothèque de Pergame, qu'on place sous l'an 170. Mais M. de Fortia prouve, contre Varron, que, bien long-temps avant Alexandre, les Égyptiens faisaient usage du papyrus1; et le témoignage d'Hérodote, qui vivait plus de deux siècles avant Alexandre, lui sert aussi à établir que l'usage pour l'écriture des peaux de diphthères qui étaient entières, et non amincies et taillées en feuilles, est antérieur de plusieurs siècles à l'invention du parchemin.

Dans son chapitre des diverses natures du papier, M. de Fortia passe en revue les différens végétaux qui ont été employés pour l'écriture. L'usage des feuilles de plusieurs espèces de palmier remonte à des temps que leur antiquité empêche de connaître. « On se sert encore dans l'Inde des feuilles de diverses espèces de monocotylédones peu connues. Les manuscrits sanscrits et tamouls sont écrits sur de pareil papier. Les écorces de frêne, de tilleul, de hêtre, ont autrefois servi à retracer l'écriture. » Isidore de Séville dit, dans ses Origines (1. vi, 13), qu'avant l'usage du papier les livres se composaient des pellicules des arbres,

1 On cultive aujourd'hui le papyrus au Jardin-des-Plantes. M. de Fortia en a un dans son cabinet, et la lithographie coloriée qu'il en donne est composée d'après nature.

après qu'elles avaient été préparées : Ante usum chartæ, de libris arborum volumina fiebant. On employait aussi l'épiderme qui s'enlève par plaques de l'écorce du bouleau. L'écorce intérieure du mûrier de la Chine sert encore à fabriquer un papier dont l'usage est très-répandu dans l'Inde.

Tite-Live parle de certains livres de toile (lintei libri) sur lesquels on écrivait, dans les premiers temps de Rome, les noms des magistrats et l'histoire de la république. (Encycl. mod., t. xvii.)

Pline cite, pour prouver la haute antiquité des manuscrits, une lettre écrite par Sarpédon, en date de Troie. Mucien, trois fois consul, rapportait l'avoir lue étant préfet de Lycie, et M. de Fortia croit que le témoignage de ce consul, contemporain du célèbre naturaliste, pourrait difficilement étre récusé.

On a trouvé sous les enveloppes générales qui recouvrent les momies, ordinairement entre les deux cuisses, et quelquefois entre les bras et le corps, des volumes ou rouleaux de papyrus, dont le plus grand et le plus précieux a neuf mètres vingt centimètres de long (environ vingt-huit pieds quatre pouces.) Ces volumes sont bien plus anciens que la lettre de Sarpédon : <«< N'oublions pas que nous avons des monumens qui remontent au dix-neuvième siècle avant notre ère, c'est-à-dire plus de neuf siècles avant qu'Homère eût composé ses poëmes.

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Pline rapporte les divers procédés employés pour faire disparaître les aspérités et l'humidité du papyrus, et pour le coller. « C'est sur ce papier, ajoute-t-il, que depuis si long-temps Tiberius et Caïus Gracchus (morts l'un l'an 133, et l'autre l'an 122 avant notre ère) ont écrit de leurs propres mains leurs mémoires, dont j'ai vu, environ deux siècles après, l'autographe chez Pomponius Secundus, citoyen et poète illustre. Cicéron, Auguste et Virgile s'en servaient aussi, et nous avons vu nombre de fois leurs manuscrits '. >>

Cet extrait doit suffire pour inspirer le désir de connaître le

'On trouve, dans la nouvelle et savante traduction de l'Histoire naturelle de Pline, par M. Ajasson de Grandsagne, et qui fait partie de la Bibliothèque latine-francaise, des notes curieuses sur ce que le vieux naturaliste dit de l'ancienneté de l'écriture, des feuilles de palmier, du papyrus et du biblos, des diphthères, des tablettes, des procédés employés dans la préparation de tout ce qui servait pour les manuscrits, etc., etc.

savant ouvrage de M. de Fortia. On peut combattre quelques-unes des autorités qu'il cite : M. Dugas-Monbel, traducteur d'Homère, en a attaqué plusieurs; mais il est plus facile de les attaquer que de les détruire.

Remarquons que de biblos et liber, noms que les Grecs et les Latins donnaient à l'écorce ou à la peau fine des arbres, sont venus les mots bible et livre; comme le mot papier a été tiré de papyrus, et le mot parchemin, de Pergame ou Pergamena. 32.- Page 114. ..... Finem dedit ore loquendi.

Les commentateurs citent, comme ayant pu être imité par Virgile, ce vers de Lucile :

Hæc ubi dicta dedit, pausam facit ore loquendi.

33.- Page 114. At, Phœbi nondum patiens, immanis in antro Bacchatur vates.

Voyez, plus haut, l'heureuse imitation de ces vers par J.-B. Rousseau.

34. - Page 114. O tandem magnis pelagi defuncte periclis!

La Sibylle prend enfin un ton plus respectueux. Vaincue par le dieu, elle reconnaît dans Énée le fondateur de Rome, le fils de Vénus, le favori des dieux: sate sanguine divum.

Le poète semble annoncer ici la division de l'Eneide en deux parties. « Elles se présentent au lecteur inattentif comme deux tableaux distincts, n'ayant point entre eux une liaison nécessaire, et pouvant subsister séparément; mais pour celui qui lit l'Énéide avec attention, ces deux parties sont réellement inséparables : elles roulent toutes deux sur une seule action, laquelle, annoncée dès le commencement de la première, n'est terminée qu'au dernier vers de la seconde. » (BINET.)

Turnus, fils de Vénilie, est le nouvel Achille qu'annonce la Sibylle.

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Cette prédiction de la Sibylle rappelle celle d'Helenus (1. 111, v. 458):

Illa tibi Italiæ populos, venturaque bella, etc.

C'est par anticipation que le poète appelle le royaume des Latins, Lavinium; la ville qui reçut ce nom n'existait pas encore : elle fut bâtie par Énée.

36.- Page 114. Externique iterum thalami.

La Sibylle annonce le nouveau mariage d'Énée avec Lavinie, fille de Latinus, qui avait été promise à Turnus, et que ce guer– rier doit disputer au héros troyen.

37.

Page 114. Tu ne cede malis; sed contra audentior ito.

Il fallait, dans Énée, un courage supérieur à sa fortune, pour qu'il osât entreprendre de soutenir, avec une poignée de Troyens, la guerre contre toute l'Italie. Et quel succès pouvait-il attendre, si le hasard ne lui eût procuré l'alliance d'Évandre, et, par ce prince, celle des Toscans? C'est ce hasard hors de prévision qu'annonce la Sibylle.

38. - Page 114.

Via prima salutis,

Quod minime reris, graia pandetur ab urbe.

Il s'agit ici de la ville de Pallantée, qui fut bâtie par Évandre sur les bords du Tibre, et qui, depuis, fit partie de la ville de Rome. Le nom de Pallantée fut changé, par la suppression de deux lettres, en celui de Palatium, d'où est venu celui de Palatinus.

Évandre, prince arcadien, apporta, dit-on, en Italie, l'agriculture, l'usage des lettres, et la plupart des dieux de la Grèce; sa sagesse lui mérita l'estime et le respect des aborigènes qui, sans l'avoir pris pour leur roi, lui obéirent comme à un homme que chérissaient les dieux. Ancien ami d'Anchise, il n'avait point épousé la querelle qui arma tous les rois de la Grèce contre l'Asie Mineure. Après sa mort, les peuples reconnaissans le placèrent au rang des immortels, et lui élevèrent un autel sur le mont Aventin. Selon quelques auteurs, le règne d'Évandre fut l'âge d'or pour les Latins, et c'était ce prince qu'ils honoraient sous le nom de Saturne. Silius Italicus (liv. vII, v. 18) désigne en effet cet heureux âge par ces mots Evandria regna, le règne d'Évandre.

39.- Page 116.

Ea fræna furenti

Concutit, et stimulos sub pectore vertit Apollo.

Cette image hardie, empruntée d'un cavalier qui soumet un

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