Éryx armait ses mains dans les combats, et que de dures courroies enlaçaient à ses bras vigoureux. Tous les courages sont étonnés à l'aspect de cette masse où sept cuirs épais se replient sept fois sur eux-mêmes sous des lames de plomb et de fer. Plus que tous les autres Darès s'étonne, et il refuse le combat avec de telles armes. Le magnanime fils d'Énée les soulève, en examine le poids, et déroule l'immense volume des courroies. « Et que serait-ce donc, dit alors le vieux Entelle, si quelqu'un de vous eût vu les cestes d'Hercule, et l'affreux combat qu'il livra sur ce même rivage. Les armes que vous voyez, Aceste, sont celles que portait autrefois Éryx, votre frère : elles gardent encore de sanglantes traces des blessures de ses rivaux et de leurs têtes fracassées. C'est avec ces armes qu'il lutta contre le grand Alcide; c'est avec elles que moi-même je combattais, quand un sang jeune encore animait mes forces, et avant que la vieillesse eût blanchi mes cheveux. Mais, si le Troyen Darès refuse notre ceste, si c'est la volonté du pieux Énée, et si Aceste l'approuve, rendons les armes égales. Darès, cesse de craindre je te fais grâce du ceste d'Éryx; mais, à ton tour, dépose le ceste troyen.» IL dit, rejette de ses épaules son double vêtement, découvre à nu ses muscles athlétiques, ses os saillans, ses bras vigoureux, et sa taille énorme s'élève au milieu de l'arène. Alors le fils d'Anchise fait apporter des cestes égaux, et lui-même les enlace aux bras des deux athlètes. A l'instant, l'un et l'autre se dressent sur leurs pieds pleins d'une même audace, ils élèvent leurs bras menaçans, et rejettent en arrière loin des coups une Abduxere retro longe capita ardua ab ictu; Hic membris et mole valens, sed tarda trementi Ipse gravis, graviterque ad terram pondere vasto tête hautaine. Les mains se croisent avec les mains et provoquent le combat. L'un, plus léger et plus agile, a pour lui l'avantage que donne la jeunesse; l'autre est plus puissant par sa masse et sa force musculaire, mais ses genoux tremblans fléchissent sous le poids du corps, et ses larges flancs sont battus d'une haleine pénible. Mille coups sont de part et d'autre portés vainement; mille tombent pressés sur leurs flancs, ou retentissent à grand bruit sur leur robuste sein. La main rapide erre sans cesse autour des oreilles et des tempes; les dents ébranlées crient sous le ceste pesant. Entelle est ferme par son poids, immobile dans son attitude, et, par un coup d'œil vigilant, par un léger détour, il trompe les efforts de son rival. Tel qu'un guerrier qui attaque une ville munie de hauts remparts, ou qui assiège un fort assis sur un mont élevé, tente l'un après l'autre tous les accès: tel, joignant la ruse à l'audace, Darès attaque son adversaire, tourne en tous sens, et livre mille assauts inutiles. : ENFIN, Entelle se dresse, et lève son bras de toute sa hauteur : Darès a vu le coup qui le menace, et, par un mouvement rapide, il recule et l'évite : l'effort d'Entelle est perdu dans les airs, et lui-même, entraîné par son poids, tombe pesamment sur l'arène tel un vieux pin, creusé par le temps et arraché de ses racines, tombe dans les forêts d'Érymanthe ou de l'Ida. Saisis d'une émotion soudaine, Troyens et Siciliens, tous se lèvent, et leurs clameurs montent jusqu'aux astres. Aceste accourt le premier : il relève un ami qui a son âge, et il plaint sa faiblesse. Mais, sans être ni ralenti, ni effrayé de sa chute, le héros, plus terrible, revient au combat; son courage est encore excité par sa colère. Acrior ad pugnam redit, ac vim suscitat ira; Et qua servetis revocatum a morte Dareta. » : La honte et le sentiment de son ancienne vaillance enflamment son audace : ardent, il s'élance, et poursuit Darès, qui, fuyant, précipite ses pas dans toute la carrière sans relâche, il frappe à droite, à gauche, des deux cestes, son rival; point de trève, point de repos : telle que tombe de la nue et retentit sur les toits la grêle impétueuse; tel, à coups pressés, l'impétueux athlète chasse d'un bras Darès, et de l'autre le ramène. : ALORS Énée ne peut souffrir qu'emporté dans sa fureur et dans sa vengeance, Entelle en prolonge le cours il fait cesser le combat, arrache à son terrible. rival Darès près de succomber, et par ces mots console sa disgrâce : « Malheureux ! quelle grande illusion égare tes esprits? ne sens-tu pas ici des forces plus qu'humaines, et la présence de divinités contraires? Cède à un dieu ! » Il dit, et sa voix sépare les combattans. Les amis de Darès l'emmènent vers les vaisseaux, traînant des pas pénibles sous ses genoux tremblans, abandonnant sa tête qui penche sur l'une et l'autre épaule, et dans des flots de sang noir vomissant ses dents entremêlées. Ses compagnons sont rappelés : ils reçoivent des mains du fils d'Anchise le casque et l'épée, et abandonnent à Entelle la palme et le taureau. Alors, fier de sa conquête : « Fils de Vénus, et vous Troyens, dit le superbe athlète, connaissez quelle fut dans mon jeune âge ma force, et de quelle mort vous venez de sauver Darès ! » Il dit, se dresse en face du taureau prix de sa victoire, élève et ramène en arrière son bras armé du ceste formidable, frappe entre les deux cornes, fait rejaillir du front brisé la cervelle sanglante, et soudain tremble, et sans vie tombe à terre le taureau. « Éryx! s'écrie alors |