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12. - Page 4.

Occurrit Acestes.

On reconnaît, en lisant les historiens de l'antiquité, que Virgile suit fidèlement, dans son épopée, les anciennes origines et les traditions nationales. Denys d'Halicarnasse raconte les mêmes voyages d'Énée sur les mers, la fondation faite par lui des mêmes villes, et les mêmes combats livrés contre les peuples du Latium : il rapporte, dans son 1er livre, l'histoire d'Aceste, son établissement en Sicile, et l'accueil qu'il fit aux Troyens. Le récit du poète s'accorde avec celui de l'historien : seulement ce dernier ne donne point pour père à Aceste le fleuve Crinise. Virgile lui prête poétiquement cette origine mythologique. « Mais il suffisait, que l'amant de la mère d'Aceste vécût près du fleuve Crinise, pour autoriser cette fable. La naissance de tous ces héros, issus des dieux de la mer et des fleuves, s'explique aisément par le joli conte de La Fontaine, intitulé Le fleuve Scamandre » (l’Énéide de DELILLE, liv. v, note 3).

L'aïeul d'Aceste, dit Denys d'Halicarnasse, homme illustre et de race troyenne, eut quelques différens avec Laomedon. Celui-ci le fit mourir avec tous ses enfans mâles, et remit ses filles à des marchands, avec ordre de les conduire loin de Troic. Un jeune homme, amoureux de l'une d'elles, la suivit et l'épousa en Sicile. De ce mariage naquit Aceste, qui reçut Énée dans la partie de la Sicile qu'arrose le fleuve Crinise. Les Troyens y bâtirent deux villes, et leur donnèrent les noms d'Aceste et d'Hélyme, son ami. Énée y laissa tous les Troyens qui ne pouvaient supporter les fatigues de la mer, et un grand nombre de femmes qui avaient brûlé, dit-on, une partie de la flotte, dans l'espoir de s'arrêter en Sicile.

Servius, qui rapporte diverses traditions sur la généalogie d'Aceste, dit que sa mère avait pour nom Égeste, qu'elle était fille d'Hippotès, et que le fleuve Crinise prit, pour la séduire, la forme d'un chien (concubuit cum ea conversus in canem).

Le fleuve Crinise se jette dans l'Hypsa, et ensuite dans la mer de Tyrrhène, près de Sélinunte.

13. - Page 4....

Et pelle libystidis ursæ.

Variantes des anciens manuscrits: Libyssidis, Libysticis, Liby

stinis.

Pline nie (livre vii) qu'il y ait des ours en Afrique; mais di

vers commentateurs pensent que la Libye avait pu en avoir dans les siècles antérieurs au naturaliste latin. Plusieurs traducteurs de l'Énéide, Segrais, Desfontaines et autres, présumant que Virgile s'était trompé, ont donné pour manteau, au roi Aceste, une peau de panthère; ils ont ainsi adopté l'assertion hasardée de JusteLipse, que les Romains donnaient aux panthères le nom d'ursi; et ils n'ont pas fait attention que Virgile lui-même distingue l'ours de la panthère: il peint, dans le v111o livre (v. 460), Évandre couvert d'une peau de panthère :

Demissa ab læva pantheræ terga retorquens.

Deloynes, qui prétend toujours corriger Virgile, trouve qu'une peau de lion est plus convenable à la dignité d'Aceste qui était roi; et voici sa traduction :

Il était revêtu d'une peau de lion.

Cependant Virgile ne s'était pas trompé. Son savant commentateur, La Cerda, invoque le témoignage d'Hérodote et celui de plusieurs autres auteurs qui ont parlé des ours engendrés dans la Libye. Solin dit même (ch. 1x), que les ours de Libye étaient plus grands que ceux des autres contrées. « Les ours noirs, dit Buffon, n'habitent guère que les pays froids; mais on trouve des ours bruns ou roux dans les climats tempérés, et même dans les régions du Midi. Les Romains en faisaient venir de Libye, pour servir à leurs spectacles. Il s'en trouve à la Chine, au Japon, en Arabie, en Égypte, et jusque dans l'île de Java; etc. >>

On a vu que Virgile mettait aussi des troupeaux de cerfs dans les environs de Carthage (liv. 1, v. 184; et l. Iv, v. 154), quoique Hérodote, Aristote, et, après eux, Pline, affirment qu'on ne trouve point de cerfs en Afrique; Lucain y en met dans sa Pharsale (1. ix, v. 921). Oppien et Philostrate pouvaient déjà être invoqués en faveur des poètes, lorsque des voyageurs modernes tels que de La Croix et Schaw sont venus affirmer que, dans les contrées septentrionales de l'Afrique, se trouvent des chèvres et des cerfs.

14- Page 6. Annuus exactis completur mensibus orbis.

Un an s'était écoulé depuis qu'Ènée avait perdu Anchise dans le

port de Drépane. La durée de l'action, dans l'épopée, n'a donc point de limites assignées cette durée n'est pas de deux mois dans l'Iliade, tandis qu'elle embrasse plus d'une année dans l'Énéide.

15. - Page 6. Hunc ego getulis agerem si Syrtibus exsul.

Ce n'est ni de la grande ni de la petite Syrte, bancs de sable dangereux dans les mers voisines de Carthage, mais des arides déserts de l'Afrique, que parle le héros troyen.

L'amour filial emporte ici le pieux Énée au delà des bornes de la froide raison. « S'il avait la faculté de réfléchir, dit Gaston, il ne promettrait rien au delà de son pouvoir. Captif à Mycènes, pourrait-il célébrer, en l'honneur de son père, des fêtes solennelles? non sans doute; mais on se plaît à voir un fils tendre et religieux croire que rien n'est impossible à l'amour qu'il a pour son père.

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- Page G.

Adhibete Penates.

Par Penates, les anciens entendaient non-seulement les dieux du foyer domestique, mais aussi les dieux du pays.

Adhibete est employé ici pour invoquer. Horace donne à ce mot le même sens : Alteris te mensis adhibet deum.

17. - Page 6. Præterea si nona diem mortalibus almum.

C'est le neuvième jour après la pompe funèbre que doivent s'ouvrir les jeux on ne sait pourquoi Delille les fait commencer le lendemain :

Ce n'est pas tout: demain, des portes d'orient

Si l'Aurore revient avec un front riant.

18. - Page 8. Ore favete omnes.

Même formule que celle favete linguis : les prêtres la prononçaient avant de commencer les sacrifices, et ordonnaient ainsi le silence. On lit dans Sénèque : Hoc verbum, non ut plerique existimant, a favore trahitur, sed imperatur silentium ut rite peragi possit sacrum, nulla voce mala obstrepente (de Vita beata, c. 26). Cependant le philosophe ajoute que cette formule pouvait ne pas commander un silence absolu, mais l'abstension de toute parole

profane. C'est dans ce sens qu'Horace dit : Male ominatis parcite verbis.

19. - Page 8.

.....

Velat materno tempora myrto.

Ovide, dans le quatrième livre des Fastes, dit (vers 15):

Mota Cytheriaca leviter mea tempora myrto

Contigit.

20.- Page 8. Hoc Helymus facit.

Variantes des anciens manuscrits: Elimus, Elinus, Elenus, Helimus, Holimus, Helenus.

Denys d'Halicarnasse raconte qu'un certain Elymos fut le compagnon d'Égeste ou Aceste, qui, après la chute de Troie, aborda en Sicile (1. 1, 47, 52).

21 Page 8. Ad tumulum magna comitante caterva.

Ovide dit, dans le second livre des Fastes (v. 543), que la piété envers les morts, et le culte qui doit leur être rendu, furent enseignés par Énée aux peuples du Latium :

Hunc morem Æneas, pietatis idoneus auctor,
Attulit in terras, juste Latine, tuas.

Ille patris genio solemnia dona ferebat;

Hinc populi ritus edidicere pios.

Avant Ovide, Virgile avait représenté Énée comme l'instituteur de toutes les cérémonies du culte des Romains : c'est ce qui explique en les justifiant, les sacrifices qui sont si multipliés dans l'Énéide.

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Page 8. Hic duo rite mero libans carchesia Baccho.

Cette cérémonie funèbre, au tombeau d'Anchise, rappelle les honneurs rendus à l'ombre de Polydore, dans le 1o livre. Virgile, poète mélancolique, semble se complaire dans le culte des

tombeaux.

Les longs vases appelés carchesia, rétrécis vers le milieu, avaient deux anses qui se prolongeaient sur leurs flancs. On lit dans la traduction latine d'Athénée, par Daléchamp : Carchesium est poculum oblongum, in medio leviter compressum, auribus utrinque ad fundum usque pertinentibus.

Le carchesium était particulièrement consacré à Bacchus (Géorgiq., liv. iv, v. 380).

23. - Page 8. Purpureosque jacit flores.

Plusieurs commentateurs pensent que les anciens entendaient par l'épithète purpureus, non-seulement la couleur pourpre, mais aussi toutes les couleurs fines, même le blanc; et, à l'appui de leur opinion, ils citent ces paroles d'Anchise, dans le vie livre de l'Énéide:

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:

...Animæque umbræque paternæ.

Les anciens plaçaient, dans le corps de l'homme, trois espèces d'âmes l'une spirituelle, qui s'envolait dans la région des astres; l'autre qui descendait aux enfers; la troisième, appelée ombre, qui errait dans les lieux où se trouvait le corps, jusqu'à ce qu'elle eût été fixée dans le tombeau par les sacrifices et par les libations funèbres.

25.- Page 8. Nec licuit fines italos, fataliaque arva,

Nec tecum Ausonium, quicumque est, quærere Tibrim.

De ces deux vers, rien ou presque rien ne se trouve traduit dans cette longue interprétation de Delille :

Quels que soient ces états où le destin m'appelle,
Que m'importe sans toi ma fortune nouvelle?
Que m'importe un empire où tu ne seras pas ?
Le ciel n'a pas voulu qu'en ces heureux climats,
Où m'attend, me dit-on, un destin plus prospère,
Mon bonheur s'embellît de celui de mon père.

Ce dernier vers est plus dans l'esprit de notre langue et dans le caractère français, que dans le génie de la langue latine et dans le caractère plus grave des Romains. Et d'ailleurs, où est la traduction?

C'est seulement dans l'intérêt de l'art que j'ose relever quelques défauts de ce grand ouvrage. Le meilleur élève de Delille, M. Tissot, en fait impartialement connaître les beautés et les imperfections. « Delille, dit-il, lutte avec son maître, comme Darès contre

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