Au mal avant qu'il soit gousté. Puis-je bien laisser la maison, Sans que je voye grand foison De choses braves et pompeuses? Et mesmement tant de pisseuses, Qui se font rembourrer leur bas, Promettent que je n'auray pas Le deffaut que j'avois au camp; Mais au fort, en si grand ahan Je n'en avois pas grand envie. Mais que fais-je, maugré ma vie? En babillant trop je demeure, Monsieur m'a chargé qu'à ceste heure Je ne faillisse à le trouver; Il s'en veut aller relever Contre son Alix les discors,
Pour veóir si luitter corps à corps Vaut mieux que de combattre aux armes. O les doux pleurs, hélas! les larmes, Desquelles Alix parlera
Quand son amant elle verra, Mais, ô fort heureuse rencontre !
Je le voy, je vais à l'encontre, Peine n'auray de le chercher.
FLORIMOND.
J'avois beau ma face cacher,
Mon Arnault me cognoist trop bien, Et bien, Arnault, de nouveau?
Que ne sçachiez, comme je croy.
FLORIMOND.
As-tu entendu que le roy
Nous rappellera bien soudain?
FLORIMOND.
Mais quel desdain!
Les plaisirs qu'Alix, ma mignonne, Quand je suis à Paris me donne, A ceste fois me seront cours. Et bien, après? fay-moy discours
De ce que tu as ouy
L'empereur remasche son ire, Et grinçant les dents s'encourage, Tant qu'on diroit, voyant sa rage, Et son appetit de vengeance, Qu'il est tousjours en celle dance Qu'il faict à l'envers sus un lict.
ARNAULD.
A ce qu'on dit
Il a desja le Rhin passé.
FLORIMOND.
Seroit-il bien tant insensé
De venir mettre siège à Mets?
On lui serviroit de bons mets, Et si n'y feroit pas grand tort. Car, outre le nouveau renfort, Les braves gens qui sont dedans,
Le feront mieux grincer les dents Que jamais il ne feist encor.
Pour le moins il ne tient à l'or, Qui est le nerf de toute guerre, Qu'il ne prenne toute la terre Que ceste année avons fait nostre.
Il attendra fort bien à l'autre, Et à l'autre an encor après; Je pense qu'il vient tout exprès Pour Thionville envitailler. Mais vous ne faites que railler,
le tout mieux que moy.
FLORIMOND.
Je m'enquiers seulement à toi, Pour voir si ce qu'on dit de luy Accorde à cela qu'aujourd'huy On m'a par missives mandé; Et tu l'as fort bien accordé.
Puis donc que ce peu de loisir Se donne ainsi à mon plaisir, Je veux recompenser le peu Par l'accroissement de mon feu, Qui jà me rend mort en vivant. Mais, Arnauld, compte moy, devant Que vers ma mignonne je voise, Quelle estoit ceste forte noise Que tu meuvois tantost en toy; Je te voyois mouvoir le doy, Et marmonner en tes deux lèvres, Comme un qui frissonne des fièvres,
Songeois tu, ainsi, seul, à part A l'outrageuse amour qui m'ard?
ARNAULD.
Je me plaisoye adonc
Aux gentilles delicatesses,
A l'heur, aux esbats, aux caresses, Que lon reçoit ici, au pris
Des maux où nous estions appris.
FLORIMOND. Je meure, c'est chose terrible
Qu'il est presque au monde impossible De trouver un, qui ne peut estre
Contraire au penser
En cela je me déplaisois
Où te plaire tu t'amusois.
ARNAULD.
Pourquoy, Monsieur?
FLORIMOND.
Car ceste pompe
Et bravade mollement trompe Les plus enflammez de courage; Et nos gentilshommes font rage D'exceder mesme l'excessif. C'est ce qui me rendoit pensif, Et en moymesme me plaignant, Quand tu t'en venois trepignant
Sauf tousjours vostre advis meilleur, Il me semble que c'est à ceux Qui n'ont point esté paresseux De maintenir le droit de France, Opposant leur vie à l'outrance De ces aiglons imperiaux, Après tant et tant de travaux D'avoir pour refraichissement En volupté contentement, Non pas à ces pourceaux nourris Dedans ce grand tect de Paris, Qui n'oseroyent d'un ject de pierre Eslongner les yeux de leur terre; Non à plusieurs larrons honnestes, Qui n'estans faits
que pour D'un visage humain emmasquées, Par pratiques mal pratiquées Despendent encor aujourd'huy Et le leur et celuy d'autry, En banquets, pompes et delices, Pour souvent estre appuy des vices. Ce pendant mesme que le roy, Ayant ses princes avec soy, Souffre maintes et maintes choses Pour garder ces bestes encloses. Non à ces petits mugueteaux, Ces baboüins advocasseaux.
pour deux ou trois loix roüillées De je ne sçay quoy embroüillées, Chevauchent les asnes leurs frères,
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