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ouvrages les meilleurs ou les moins défectueux, comparativement avec eux-mêmes.

Si ce travail offre un intérêt, ainsi que je le crois, il est instant de s'en occuper. La plupart des pièces dont se doit composer notre Recueil deviennent plus rares de jour en jour; elles n'existent même plus que dans les bibliothèques publiques, ou en très petit nombre dans quelques cabinets d'amateurs de ces curiosités littéraires; plus on tardera à les recueillir et plus la rechercheen deviendra laborieuse.

Un recueil de pièces du moyen âge, récemment découvert à l'étranger, nous a fourni la matière des trois premiers volumes. Cette publication, que nous devons aux soins intelligents et à l'obligeante collaboration de M. Anatole de Montaiglon, nous a paru suffisante pour faire connoître la littérature dramatique du moyen âge, et pour nous amener aux premiers essais de la littérature de la Renaissance, imitée des anciens.

Aux ouvrages que nous reproduirons seront joints des notices biographiques sur leurs auteurs, des anecdotes littéraires, des détails sur la mise en scène; toutes ces pièces seront classées dans l'ordre chronologique de leur apparition.

L'Introduction au premier volume de ce Recueil a déjà fait connoître l'historique matériel du théâtre sous les Confrères de la Passion, les Enfants-sansSouci, les Clercs de la Bazoche, etc., jusqu'à l'établissement du théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, fondé

par arrêt du Parlement, le 15 novembre 1548, mais toujours sous la direction des Confrères de la Passion.

Le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, pendant son installation de soixante-treize ans rue Mauconseil, et malgré son privilége, eut cependant des concurrents: d'abord le théâtre du Marais, rue de la Poterie; ce n'étoit peut-être qu'une sorte de succursalede l'Hôtel de Bourgogne, puisque, moyennant une redevance de trois livres tournois payée aux Confrères de la Passion, les mêmes pièces, entre autres la Mélite de Corneille, étoient jouées concurremment sur les deux scènes et par les mêmes acteurs. Une seconde salle s'ouvrit en 1620, rue Vieille-du-Temple, et enfin une troisième à la Croix-Blanche, faubourg Saint-Germain, sous les auspices du prince de Conti. Cette dernière prit le titre d'Illustre Théâtre. Molière y joua dans sa jeunesse, avant de courir la province avec une troupe qu'il dirigeoit. Revenu à Paris, par ordre de Louis XIV, Molière s'installa dans le Palais du Petit-Bourbon, jouant alternativement avec une troupe italienne; puis sur le théâtre du Palais-Royal, construit par Richelieu, et avec le titre de troupe de Monsieur. Enfin, au mois d'août 1665, Molière et ses acteurs furent autorisés à prendre le titre de troupe du Roi, avec 7,000 livres de subvention, comme étant au service de S. M. Cet état de choses subsista jusqu'à la mort de Molière, en 1673. En perdant son chef, sa troupe

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se réunit à celle de l'Hôtel de Bourgogne, qui existoit encore sous l'autorité de Colbert.

Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt d'avoir quelques détails sur le matériel des théâtres de ces premiers temps. Les Confrères avoient été autorisés, par arrêt du Parlement du 15 novembre 1548, à construire, dans une des dépendances de l'Hôtel de Bourgogne, une salle de spectacle dans les dimensions de 17 toises de long sur 16 de large. Le théâtre de l'Hôtel d'Argent, dit du Marais, s'installa plus tard dans un jeu de paume de la Vieille-Rue-duTemple. On connoît les dimensions ordinaires de ces sortes d'établissements. Une estrade étoit élevée à l'une des extrémités et formoit la scène, 'sur laquelle deux ou trois châssis de chaque côté, en forme de coulisses, représentoient tant bien que mal le lieu de l'action. Presque toujours le changement de décoration se bornoit au changement du rideau de fond. Une galerie appliquée sur les parties latérales du jeu de paume figuroit les loges. Le parterre occupoit tout l'espace compris au dessous des galeries et dans l'intervalle qui les séparoit. On y étoit debout, sur les dalles en pierre qui pavent les jeux de paume. Les places les plus recherchées par les élégants étoient sur des banquettes rangées sur le théâtre même, le long des coulisses; de sorte que les acteurs ne pouvoient entrer en scène que par le fond, et jouoient leurs rôles dans l'espace laissé entre ces banquettes.

La construction d'une salle de spectacle n'étoit donc pas une chose aussi difficile et aussi dispendieuse qu'elle l'est de nos jours, et pouvoit s'improviser presque en quelques heures dans un des jeux de paume qui étoient alors très nombreux à Paris. C'est ainsi que l'acteur Dorimont ouvrit en 1661 un quatrième théâtre, rue des Quatre-Vents, faubourg Saint-Germain, sous les auspices de Mademoiselle (Mlle de Montpensier). Mais le double talent de Dorimont, qui n'y jouoit que ses propres ouvrages, n'étoit pas de nature à soutenir cet établissement, qui n'eut pas de durée.

Depuis 1629, un arrêt du Conseil avoit affranchi les Comédiens François du privilége exercé sur eux par les Confrères de la Passion.

Le prix d'une place de parterre étoit de quinze sols.

Un clerc, pour quinze sols, sans craindre le hola, Peut aller au parterre attaquer Attila. (BOILEAU.)

A la première représentation des Précieuses ridicules de Molière (1659), le prix du parterre fut porté à vingt sols, les places sur les banquettes du théâtre à quatre livres, et celles des loges à quarante sols.

Maintenant, quels étoient les interprètes de ces premières ébauches d'un art encore bien imparfait ? Il est évident que des tragédies héroïques faites à

l'imitation des anciens Grecs et Romains, telles que celles de Jodelle, de La Peruze et de quelques autres, ne pouvoient convenir aux habitudes et aux talents populaires des Enfants-sans-Souci, des Bazochiens, etc. Aussi verrons-nous que ces essais tragiques furent représentés par les auteurs eux-mêmes et leurs amis, écoliers et lettres comme eux, jusqu'à la formation d'une troupe spéciale à l'Hôtel de Bourgogne pour jouer les pièces de Garnier, de Hardy, de Rotrou, et même de Corneille; mais il est fort difficile de se procurer des renseignements certains à cet égard; voici toutefois ceux que j'ai trouvés dans quelques vieux livres, tels que ceux de Sauval, de Marolles, de Chappuzeau, etc.

Henry Legrand, dit Belleville, connu au théâtre sous le nom de Turlupin, mourut en 1634, après avoir joué cinquante ans les rôles de farce rendus sous le masque. Il a passé pour excellent comédien.

Hugues Guéru, dit Fléchelles, connu sous le nom de Gauthier-Garguille, joua pendant plus de quarante ans, également sous le masque, la farce et tous les rôles comiques.

Robert Guérin, dit Lafleur, joua cinquante ans la comédie sous le nom de Gros-Guillaume. Il fut le premier qui monta sur la scène à visage découvert, c'est-à-dire sans masque. Il remplissoit dans la troupe l'emploi des raisonneurs. C'étoit un homme grave et sérieux, excellent mime. Dans un de ses rôles, ayant contrefait la grimace, sorte de tic habituel

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