ページの画像
PDF
ePub

les terres qu'ils connaissent. Selon quelques-uns, Ulysse ne parle ici que du couchant et du levant; le sens est

à

peu près le même. J'ai cru devoir suivre l'explication de Strabon et d'autres bons critiques. L'ignorance où se trouve Ulysse a paru quand il est parti de Formies: car, au lieu de prendre à gauche, comme il fallait, pour aller à Ithaque, il a pris à droite.

(Ibid. Quant à moi, je n'en connais point.)

[ocr errors]

Ceci a paru indigne d'un héros, et propre à plonger ses compagnons dans le désespoir. « Les plus grands << hommes, dit ici Pope, peuvent montrer quelques degrés de sensibilité ». Cela est vrai : mais on voit aussi qu'Ulysse, après tant de catastrophes, craint de révolter ses compagnons en leur proposant d'une manière directe d'aller visiter ces lieux; il n'était pas assuré d'être obéi. C'est en leur montrant qu'ils sont dénués de toute ressource, qu'il veut faire naître ce désir dans leur esprit. Voilà pourquoi il a recours au sort. Il est si loin de décliner ce péril, qu'il veut le partager. Toute la manière dont il se conduit dans la suite marque, non son désespoir, mais sa fermeté. Cet endroit de l'Odyssée est fort pathétique. Le silence de cette troupe pendant que l'on consulte le sort, fait beaucoup d'effet : ils ne délibèrent point s'ils iront à la découverte de cette contrée; sans oser en prononcer la résolution, qui leur paraît terrible, ils se préparent à l'exécuter.

(Page 108. On voyait, à l'entrée, des loups et des lions..... apprivoisés.)

Circé est l'emblème de la volupté, et Homère veut

faire voir que la volupté dompte les animaux les plus féroces. Xénophon nous apprend que Socrate expliquait ainsi cette fable. Circé, dit-on, était une fameuse courtisane qui retint Ulysse chez elle assez long-temps. Ses mœurs corrompues n'empêchèrent pas la postérité de lui accorder les honneurs divins. Du temps dé Cicéron elle était encore adorée par les habitans de Circéi. Hésiode dit qu'Ulysse eut d'elle deux fils, AGRIUS et LATINUS, qui régnèrent en Toscanie. D'autres les appellent NAUSITHOUS et TÉLÉGONUS. Virgile a emprunté d'Homère toute cette description de Circé, et l'a embellie.

Hinc exaudiri gemitus iræque leonum

Vincla recusantum, et sera sub nocte rudentum ;
Setigerique sues atque in præsepibus ursi
Sævire, ac formæ magnorum ululare luporum.

AENEID. LIB. VII.

On a critiqué Homère d'avoir donné à ces animaux un caractère doux et apprivoisé. Virgile leur laisse leur férocité ordinaire. On aurait dû se souvenir que, dans l'Odyssée, ces animaux ne sont pas des métamorphoses, mais de vrais animaux; le changement qui s'est fait en eux marque le pouvoir des enchantemens de Circé.

(Page 110. Selon tes ordres, noble Ulysse, nous traversons la forêt.)

Longin a cité ce passage entier pour montrer que rien ne donne plus de mouvement au discours que d'en ôter les liaisons : « C'est la marque d'une vive

<< douleur qui empêche en même temps et force de << parler ».

(Page 111. Il tombe à mes genoux.)

Ce caractère d'Euryloque est celui d'un homme sage qui, ayant vu ce qui était arrivé à ses compagnons, se défie de lui-même, et croit que le plus sûr est de fuir le danger. On voit briller avec d'autant plus d'éclat l'intrépidité d'Ulysse, qui, se confiant en sa sagesse et dans le secours des dieux, tente l'aventure pour délivrer ses compagnons.

Dum sibi, dum sociis reditum parat, aspera multa
Pertulit, adversis rerum immersabilis undis.

HOR. EP. LIB. I, ep. 2.

Quand à Euryloque, il y a cependant des critiques qui, malgré l'épithète de « magnanime » que lui donne Homère, trouvent de la poltronnerie dans sa conduite. Sur de bonnes autorités, j'omets ici un vers qui ne paraît pas dans plusieurs bons manuscrits: Euryloque y montre trop de faiblesse; il y pleure; il s'y lamente.

(P. 112. Comme des pourceaux immondes.)

Par ce seul mot COMME, Homère fait voir que cette métamorphose est une allégorie. Pope déclare d'une manière positive qu'il croit à la magie. La baguette de Circé fait penser à madame Dacier que tous les magiciens sont des singes de Moïse, et qu'ils lui ont dérobé leur

verge.

Je renvoie à la petite dissertation qui se trouve à la

fin de mes remarques du chant v de l'Odyssée, ceux qui voudraient comparer Circé et Armide. La différence des mœurs et des situations doit en mettre dans les tableaux.

(Page 112. Ne dédaigne point l'amour d'une déesse.)

Voilà un conseil peu sévère pour un dieu. Dans ces temps-là ces commerces étaient non-seulement soufferts, mais encore permis et même loués. Ulysse, dira-t-on peut-être, ne fit qu'imiter ses compagnons. Ils furent possédés par Circé; Ulysse, fortifié par un préservatif, ne se livre qu'avec quelque sorte de sagesse pour les délivrer, et pour obtenir les secours qui lui sont nécessaires. La moralité de toute cette fable est que le plaisir est un ennemi plus dangereux que Polyphême, et plus difficile à vaincre.

Sirenum voces et Circes pocula nosti,

Quæ si cum sociis stultus cupidusque bibisset,
Sub domina meretrice fuisset turpis et excors
Vixisset canis immundus; vel amica luto sus.

HOR. EP. LIB. I, ep. 2.

(Page 113. Ainsi parle Mercure; et arrachant du sein de la terre cette plante.)

On dérive μωλυ de μωλύειν, " dissiper un charme ». On dit qu'il y avait une plante qui portait ce nom en Egypte et en Arcadie, et qu'on l'employait contre les enchantemèns. Pline et Théophraste la décrivent. Isocrate et d'autres ont expliqué l'allégorie que cet endroit

présente; elle mérite d'être rapportée. Mercure est la raison; cette plante qu'il donne, c'est l'industrie, la sagesse sa racine est noire; les principes de l'instruction sont désagréables et amers : la fleur est blanche et douce; les fruits de l'instruction sont doux, agréables et nourrissans Mercure prend cette plante dans le lieu même où il est ; partout où Dieu se trouve, on peut trouver l'instruction et la sagesse. Maxime de Tyr a dit : « Ne vois-tu pas comment Ulysse, en opposant la vertu « à l'adversité, conserve sa vie? Voilà le moly qui le << garantit des pièges de Circé; voilà l'écharpe qui le tire « de la tempête, et ce qui le sauve de Polyphême, de « l'enfer, etc. ».

(P. 115. Après que sa bouche l'a prononcé.)

Celui qui exigeait le serment le dictait lui-même, et il n'oubliait rien pour le rendre très-précis et sans aucune équivoque. C'est ce que les latins appellaient conceptis verbis jurare et jurare in verba alicujus.

(Page 116. Une autre nymphe s'avance, tenant une aiguière d'or.)

[ocr errors]

Madame Dacier retranche ici cinq vers. J'ai cru devoir n'en retrancher qu'un; il ne se trouve pas dans le manuscrit de Bentley, et offre une répétition inutile.

(Ibid. Mon ame...... en présageait d'aussi terribles.)

Voilà la sagesse et la prudence d'Ulysse.

« 前へ次へ »