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à l'entrée des enfers; c'est pour cela qu'elle vient la première. Pourquoi reconnaît-il Ulysse avant d'avoir bu du sang? Je ne suivrai point les commentateurs dans l'explication subtile où ils s'engagent. Les anciens croyaient sans doute qu'avant d'être consumé par les flammes et enseveli, on n'était pas semblable en tout aux ombres.

(Page 155. Sans voile et sans aviron, tu as devancé mon navire.)

Madame Dacier, d'après Eustathe, juge içi que le caractère d'Elpénor ne demandait point de sérieux, et q'uUlysse plaisante sur sa diligence. Comment Eustathe a-t-il eu cette pensée ? Il est dit qu'Ulysse « versait des « larmes » en parlant à Elpénor, qu'il est « touché de «< compassion ». Aurait-il plaisanté, ayant les larmes aux yeux? Je ne vois point ici de plaisanterie. Elle contrasterait avec tout le reste de l'entretien, et avec la douleur qu'Ulysse témoigne au chant suivant, lorsqu'il raconte la sépulture de son compagnon. On a changé en raillerie une réflexion amère sur le prompt trépas d'Elpénor.

(Page 156. Je sais que...... ton navire doit aborder encore à cette île.)

C'était un point de la théologie païenne, qu'après la mort les ames étaient plus éclairées que pendant la vie. Ce fut sans doute une des raisons de la descente d'Ulysse aux enfers: il comptait apprendre non-seulement la route qu'il devait suivre, mais ce qui était arrivé de plus remarquable dans sa patrie. L'ombre de sa mère

lui dit de se bien rappeler ce qu'il a vu, et de le raconter

à Pénélope.

Anciennement on mettait sur le tombeau les instrumens qui marquaient la profession du mort.

(Page 157. Tout à coup s'élève l'ombre pâle de ma mère.)

Ulysse semble manquer ici de tendresse. Il refuse, dit Plutarque pour le justifier, de s'entretenir même avec sa mère, jusqu'à ce qu'il ait obtenu une réponse de Tirésias sur le but principal de son voyage aux enfers, qui est son retour dans sa patrie. Ulysse se montre d'abord un homme sage, ensuite un fils tendre.

(Ibid. Retire ton glaive.)

La crainte que causait une épée à ces ombres peut paraître ridicule : mais Homère suivait les opinions de son temps. Les ombres étaient environnées d'un véhicule qui ressemblait au corps, et qui n'était pas insensible. Que signifierait sans cela la description des peines de Titye et de Tantale? La sibylle dit à Enée :

Tuque invade viam, vaginâque eripe ferrum.

AENEID. LIB. VI.

Ses armes mettent en fuite les ombres des Grecs.

(Page 158. Et cherchent à la séduire par l'offre de leurs dons.)

Ils ne s'en avisèrent que tard. Voyez le chant xvi.

II. Od.

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Il semble que le prophète Tirésias se trouve ici en défaut.

- Ce qu'Ulysse dit de son retour était propre à flatter les Phéaciens, que le ciel semble avoir nommés pour le ramener dans sa patrie.

(Page 159. Reprends l'aviron, parcours.....)

Le but de ce singulier pélerinage est, au sentiment d'un scoliaste, de faire connaître Neptune chez un peuple où il n'était pas connu. Pausanias dit que ce peuple auquel Ulysse apporta ce culte, ou qu'il instruisit dans la navigation, était les Epirotes. Ce passage fait croire qu'Homère ne connaissait que le sel de la mer.

Ce que Tirésias dit de la rencontre de ce voyageur est dans le caractère des oracles, qui désignaient toujours par quelques circonstances les lieux où devaient s'accomplir leurs prédictions. Prendre une rame pour un van est une marque sûre d'un peuple qui ne connaît pas la mer. Il fallait qu'en ce temps-là le van eût lą forme d'une pelle. Et ce qui le confirme, c'est qu'après. Homère on a appelé angoλoryor, van, une espèce de grande cuiller.

Ulysse devait sacrifier à Neptune un belier, un taureau et un verrat. Le bélier marque le calme de la mer, le taureau sa fureur et ses mugissemens, le verrat sa fécondité, Tprva était le nom de ces sacrifices de trois différentes victimes.

Selon la plupart des interprètes, Tirésias dit à Ulysse que « la mort lui viendrait de la mer »; et voici comment ils l'expliquent. Ulysse fut tué par son propre fils Télégonus, qu'il eut de Circé. Ce fils, poussé par la

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tempête sur les côtes d'Ithaque, dont il ignorait le nom, fit quelque dégât. Il y eut un combat où Télégonus, sans connaître son père, le tua d'un javelot dont la pointe était de l'os d'un poisson.

Qui ne voit que le sens qu'on donne à cette prophétie ne cadre point du tout avec le discours de Tirésias? Il prescrit à Ulysse un sacrifice expiatoire, dans le dessein d'appaiser Neptune. Dès-lors, pour lui prouver que ce dieu n'était plus courroucé contre lui, pouvait-il annoncer à Ulysse qu'un parricide terminerait sa vie? Homère n'avait aucune connaissance de cette histoire ni de la naissance des deux fils qu'on prétend être le fruit des amours d'Ulysse et de Circé. Il n'eût pas manqué d'un parler, lui qui en toute occasion se plaît à montrer la science qu'il avait des généalogies. Si Ulysse devait être tué par son fils, Tirésias, eût-il pu nommer cette mort, « une mort douce, abλyxpos »? « La mort «. à laquelle les poëtes donnent cette épithète, dit Elien', << est semblable au sommeil ». Pourrait-on reconnaître à cette peinture la mort d'un père tué par son fils?

Si l'on ne veut rien changer au texte, ces paroles, « une mort douce viendra de la mer », signifient que, du gré de Neptune, les derniers jours d'Ulysse seront heureux et paisibles. Mais comme cette interprétation est forcée, j'ai préféré d'admettre, avec plusieurs critiques, une autre leçon : au lieu de séparer ces deux mots, es, il faut les joindre, aλos; ce qui signifie tout au contraire, « loin de la mer ». Neptune est appaisé, et il consent qu'Ulysse termine sa vie dans un

'Histoire des animaux, liv. IV.

A

âge avancé, et au milieu des siens et de son peuple. Tirésias dit à Ulysse « qu'il laissera en mourant son « peuple dans la prospérité », consolation bien douce pour un bon roi.

(Page 160. Une barrière immense, l'Océan.)

Homère dit que cette descente aux enfers se fait au bout de l'Océan. Il était assez naturel de penser que le seul endroit pour y descendre était celui par lequel le soleil regagne l'autre hémisphère, et paraît se plonger dans la nuit. Or, les contrées dont parle ici Homère, étaient à l'occident de la Grèce.

(Page 162. Il participe aux festins du peuple.)

Selon une autre leçon, c'est Télémaque qui invite les chefs et les étrangers. J'ai suivi la leçon ordinaire. On remarque ici que les peuples, dans tous les festins publics, invitaient les rois et les principaux magistrats, que les rois et leurs sujets ne formaient qu'une même famille.

Il paraît que la mort d'Anticlée précéda les troubles d'Ithaque. On dit qu'elle se pendit de désespoir. Elle cache ici cette circonstance, pour ne pas trop attrister son fils.

(Page 163. Telle disparaît une ombre fugitive, un songe léger.)

On connaît la belle imitation que Virgile a faite de cet endroit. En voici une de Silius, qui est moins heu

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