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maris punissent leurs femmes du crime que la sienne a commis. C'est la logique ordinaire. On a demandé ce que devait penser la reine Arété de ce discours. Il est vrai que si l'on reconnaît ici la simplicité antique, on ne reconnaît pas trop la prudence d'Ulysse. A-t-il voulu égayer son récit par ce trait? Au reste Ulysse profita de cet avis d'Agamemnon; car il entra inconnu dans Ithaque.

Medea reddit fœminas dirum genus.

SEN.

(Page 178. J'aimerais mieux être l'esclave du plus indigent des laboureurs.)

Platon a condamné ce passage; il a pensé que ce sentiment ne pouvait que rendre la mort effroyable aux jeunes gens, et les disposer à tout souffrir pour l'éviter. Voici l'apologie peu raisonnable que madame Dacier fait d'Achille : « Il ne faut pas craindre qu'Achille per« suade à quelqu'un qu'il faut préférer la servitude à « la mort, lui qui a mieux aimé mourir que de ne pas « venger Patrocle. Il ne nous persuadera pas plus ici " qu'il ne nous a persuadés dans l'Iliade, quand il a dit « que la vie est d'un prix infini que rien n'égale ».

Ces deux cas ne sont pas les mêmes. Dans l'Iliade, Achille parle dans un transport de colère et de vengeance, on peut croire que la passion l'égare; ici il est calme : là il préfère simplement la vie à la mort; ici la servitude là il est plein de vie; ici l'expérience donne plus de force à la sentence qu'il débite.

Pourrait-on dire, pour la justifier, qu'elle présente

un côté philosophique? Achille veut-il insinuer que la mort nous détrompe des vains honneurs? L'apologie que Denys d'Halicarnasse fait de cet endroit est trop subtile. « Achille, dit-il, allègue la raison du souhait «< qu'il forme, c'est qu'il est dénué de force, et ne peut << plus secourir son père

J'ai déjà eu plusieurs occasions d'observer que les anciens, même parmi les héros, ne se cachaient pas du sentiment naturel qui nous attache à la vie. Cela ne les empêchait pas de montrer, lorsqu'il le fallait, de la force et de l'héroïsme. Il y avait plus de grandeur à savoir sacrifier un bien auquel ils mettaient tant de prix. Pour ne citer que deux passages d'Euripide, Iphigénie dit : « Celui qui souhaite la mort est insensé; «< mieux vaut une vie triste et dure qu'une belle mort ». Dans Oreste on trouve cette maxime : « Tout homme, « l'esclave même, est charmé de voir la lumière du « soleil ». Virgile parle ainsi de ceux qui se sont donné la mort :

Quàm vellent æthere in alto

Nunc et pauperiem et duros perferre labores!

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AENEID. LIB. VI.

La peinture qu'Homère fait du séjour des morts, répond à ces maximes. Il paraît, au moins chez les anciens Grecs, que l'imagination s'était plus attachée à présenter le côté hideux de ce séjour, qu'à créer les charmes d'un élysée.

Pélée fut banni de son royaume par Acaste; mais Pyrrhus, le fils d'Achille, vengea son grand-père. Achille est ici, comme dans l'Iliade, plein de tendresse

pour son père. Ce n'est qu'après la mort de ce héros que son fils vint au siége.

(Page 180. La main d'une des filles de Priam.)

« Les Cétéens, dit Hesichius, sont des peuples de << Mysie; leur nom dérive de celui d'un fleuve ». Priam promit de donner à Eurypyle sa fille Cassandre. Voyez Dictys.

(Page 181. La sombre prairie d'asphodèle.)

Nom de la prairie, à cause d'une plante dont elle était pleine.

(Ibid. Décerné par Minerve et par nos captifs, les fils de Troie.)

Les généraux, trouvant ce jugement très-difficile, et ne voulant pas s'exposer au reproche d'avoir favorisé l'un de ces héros, firent venir leurs prisonniers troyens, et leur demandèrent duquel des deux ils avaient reçu le plus de mal; ils répondirent que c'était d'Ulysse.

Longin cite le silence d'Ajax comme un exemple du sublime; car on peut être sublime par la seule élévation de l'ame, et sans proférer une seule parole. Virgile a imité cet endroit. Didon, en voyant paraître Enée dans les enfers, se retire aussi sans dire un seul mot. Fraguier préfère le silence de Didon à celui d'Ajax : « Une << femme, dit-il, dont l'amour avait été si cruellement « récompensé, devait être accablée du poids de ses « malheurs. Mais ce ressentiment est indigne d'un

« héros ». Cette critique est peu juste. La conduite d'Ajax répond très-bien à son caractère dur, intraitable et silencieux.

(Page 183. Les uns assis, les autres debout.)

Ceux qui étaient debout plaidaient pour accuser ou pour défendre; et ceux qui étaient assis, c'étaient ceux pour lesquels ou contre lesquels on plaidait, et qui allaient être jugés. Il y a de l'apparence que cette coutume était observée dans les cours de judicature, au temps d'Homère.

(Ibid. Au-delà j'aperçus Titye.)

Il est l'image de ceux qui sont dévorés par les passions, et sur-tout par l'amour, dont les anciens plaçaient le siége dans le foie. Voyez Lucrèce.

Panope est dans la Phocide. Strabon rapporte qu'Apollon tua Titye, qui régnait à Panope, et qui était un homme vicieux et injuste. Jupiter eut d'Elara, fille d'Orchomène, ce Titye; mais, pour dérober à Junon la connaissance de cette intrigue, il alla cacher cet enfant sous la terre dans l'Eubée, et l'en retira ensuite. Voilà pourquoi l'on dit qu'il était fils de la Terre. Les Eubéens montraient l'antre où il avait été caché, et une chapelle où on lui rendait quelques honneurs.

Tantale est l'image des avares, qui meurent de faim et de soif au milieu de la plus grande abondance Voyez Horace, Sat. liv. 1. Sisyphe est l'emblême des ambitieux.

(Page 184. Jusqu'au roide sommet d'un mont sourcilleux.)

L'original nous montre réunies dans un court tableau la peinture des efforts les plus pénibles et celle de la plus grande rapidité. On a l'agrément du contraste, et chaque peinture est achevée. Denys d'Halicarnasse et Démétrius de Phalère ont développé ici tout l'art d'Homère, qui emploie si à propos le choc des voyelles, les spondées et les dactyles. Mais il suffit de lire ces vers pour en être frappé.

Il n'était pas facile d'en rendre l'image. On jugera si j'ai réussi. Ceux qui me compareront ici à l'original pourront dire qu'on ne trouve pas dans le texte, « lu« gubres gémissemens », ni les épithètes ROIDe et SOURCILLEUX. J'ose soutenir que ces additions ne sont rien moins que superflues; qu'elles servent, au contraire, à représenter l'effet des spondées qu'emploie Homère, et des voyelles qu'il fait heurter pour peindre l'effort de Sisyphe. Cet exemple peut servir à donner quelque idée des principes que j'ai suivis dans la traduction d'Homère. Il faut, autant qu'il est possible, rendre fidèlement, non les mots, mais la poésie. Est-ce là ce qu'on veut dire lorsqu'on établit pour principe que les traductions doivent être LITTÉRALES? Ce terme peut induire en erreur; il vaudrait mieux y substituer celui de FIDÈLES. L'exemple allégué, et beaucoup d'autres qu'il est facile d'y joindre, peuvent confirmer qu'il est plus impossible encore d'offrir les traits d'un poëte par une traduction absolument littérale, que par une

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