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est digne de nous, les gages les plus honora bles de l'hospitalité. Douze rois qu'on révère partagent avec moi le gouvernement de cette île donnons chacun à notre hôte des vêtemens de la plus brillante pourpre, et un talent de l'or le plus précieux. Hâtons-nous de rassembler ici tous ces dons, afin qu'étant comblé des témoignages de notre amitié, il se rende au festin le cœur satisfait. J'exige qu'Euryale, qui l'a traité avec indécence, emploie les soumissions et les présens pour l'adoucir.

Il dit. Chacun l'approuve, et le confirme dans son dessein; chacun ordonne à son héraut d'apporter ces dons au milieu du cirque, Alors Euryale se tournant vers Alcinous: Roi de cette île, dit-il, je ferai tous mes efforts, selon tes ordres, pour fléchir le courroux de cet étranger. Je le prierai de recevoir cette épée d'un acier très-fin; la poignée est d'argent, le fourreau du plus brillant ivoire. Je me flatte que ce don ne sera pas d'un faible prix à ses yeux, et qu'il daignera l'accepter.

En finissant ces mots il présente au héros la superbe épée, et lui dit: Puisse le ciel te bénir, ô vénérable étranger! et si je t'ai blessé par quelque parole téméraire et insultante, puisse-t-elle être emportée par un tourbillon

impétueux! Veuillent les dieux te rendre à ton épouse et à ta patrie! car, depuis longtemps éloigné des tiens, tu gémis sous le poids de l'infortune.

Et toi, cher ami, répond le sage Ulysse, sois aussi comblé des faveurs du ciel! puissent les dieux t'envoyer la félicité! puisses-tu n'avoir jamais besoin de cette épée que je reçois de ta main généreuse, après que tes paroles ont effacé de mon esprit le souvenir de ton offense! Il dit, et suspend à son épaule la riche épée.

Le soleil penchait vers son déclin ; et l'on voit arriver les honorables présens que ces chefs ont destinés à leur hôte. De nobles hérauts les portent au palais d'Alcinous; les fils de ce prince reçoivent ces dons et les posent devant leur mère vénérable. Le roi, à la tête des chefs, entre dans sa demeure. Ils se placent sur des siéges élevés ; et le majestueux Alcinous s'adressant à la reine :

Femme que j'honore, fais apporter le coffre le plus précieux que ta main y étende une : tunique et un manteau dont rien ne souille l'éclat, et qu'à tes ordres l'eau bouillonne dans l'airain embrasé. Après que notre hôte aura vu renfermer avec soin tous les présens

des illustres chefs de notre île, et qu'il sera sorti d'un bain limpide et rafraîchissant, il se livrera avec plus d'alégresse au festin, et prêtera une oreille plus charmée aux accens de l'harmonie. Je veux joindre à ces présens ma coupe d'or, merveille de l'art. Ainsi, dans son palais, il se retracera chaque jour mon souvenir en faisant des libations à Jupiter et à la troupe entière des immortels.

Il dit. Arété ordonne à ses femmes de préparer le bain avec la plus grande diligence. Aussitôt elles placent sur d'ardentes flammes une cuve énorme; l'eau y coule à longs flots; des rameaux entassés nourrissent la flamme: jaillissante, elle s'élève de toutés parts autour de la cuve, et l'eau murmure.

Cependant Arété se fait apporter hors de son cabinet un coffre d'un grand prix; sa main y place les vêtemens et l'or, présens des Phéaciens; elle y joint une fine tunique et un manteau de la plus belle pourpre. Scelle ce coffre par le secret de tes nœuds, dit-elle à Ulysse; tu n'auras à redouter aucune perte, et le plus tranquille sommeil pourra s'épancher sur ta paupière, pendant que ton vaisseau fendra les ondes.

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Elle dit. Ulysse, d'une main adroite, forme

en un moment le labyrinthe de divers nœuds merveilleux dont l'ingénieuse Circé lui enseigna le secret. Au même instant une femme âgée lui annonce que le bain l'attend, et elle l'y conduit. Il s'approche avec une vive satisfaction de l'eau tiède; elle n'a point coulé sur son corps depuis qu'il a quitté la grotte de la belle Calypso, qui le traitait avec les attentions que l'on a pour les immortels. Par les soins des captives, il prend le bain; parfumé d'essence, il est couvert de superbes vêtemens, et va rejoindre la troupe des conviés prête à prendre en main les coupes.

Nausica, dont la beauté était l'ouvrage des dieux, se tenait à l'entrée de la salle.superbe. Elle voit arriver Ulysse, et l'admire. Que le ciel te favorise, ô étranger! lui dit-elle ; emporte mon souvenir dans ta patrie, et n'oublie pas, même dans l'âge le plus avancé, que tu me dois à moi la première le salut de tes jours.

Nausica, fille du magnanime Alcinoüs, répond Ulysse, que le père des dieux m'accorde le bonheur de revoir ma demeure, et d'être au milieu des miens; je te promets qu'aussi long-temps que je vivrai, il ne s'écoulera pas une journée que tu ne reçoives,

comme ma déesse, le tribut de mes vœux : car, ô jeune Nausica, tu m'as tiré des portes de la mort.

Il dit, et va s'asseoir à côté du roi. On partageait les victimes, et l'on versait le vin dans l'urne. Un héraut s'avance, conduisant le chantre mélodieux, révéré des peuples, Démodoque, et le plaçant, l'adosse à une haute colonne, au milieu des conviés. Ulysse détache la meilleure partie du dos succulent d'un porc, portion qu'on venait de lui servir. Héraut, dit-il, tiens, présente à Démodoque cette portion distinguée; je veux, malgré ma tristesse, lui témoigner combien je l'honore. Il n'est aucun mortel qui ne doive respecter ces hommes divins auxquels les muses ont enseigné le chant, et dont elles chérissent la race.

Pontonous présente cette portion au héros Démodoque, qui la reçoit, satisfait de cette attention flatteuse. Vers la fin du repas, Ulysse s'adressant au chantre divin: Démodoque, dit-il, tu t'élèves dans ton art fort audessus de tous les mortels; oui, les muses, filles de Jupiter, t'ont instruit, ou c'est Apollon lui-même. Tes chants offrent la plus fidèle image des incroyables exploits et des terribles

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