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252 REMARQUES SUR LE CHANT XII.

« qu'Ulysse a éprouvés. Nous ne manquons point d'en« nemis qui nous persécutent, ni de beautés qui nous << séduisent. De là ces monstres cruels qui font leurs « délices de sang humain, ces enchantemens volup<< tueux dont nos oreilles et nos sens sont séduits; de là << tant de naufrages et tant de malheurs de toute espèce « dont la vie est assiégée ».

FIN DES REMARQUES SUR LE CHANT XII,

TANDIS ANDIS que la nuit enveloppait de son ombre le palais, tous les assistans, dans cette vaste salle, enchantés du récit d'Ulysse, semblaient avoir perdu la parole, et lui prêtaient encore une oreille attentive. Alcinous rompt enfin le silence. O fils de Laërte, dit-il, puisque le ciel t'a conduit dans ce palais inébranlable et élevé, aucune tempête ni aucun malheur ne troublera ton retour, quoique le sort n'ait cessé de te poursuivre et de t'accabler de ses rigueurs. Vous tous, chefs de ce peuple, qui jouissez ici chaque jour de l'honorable distinction de tenir en main la coupe et d'entendre la voix d'un chantre divin, nous avons renfermé dans un coffre précieux les riches vêtemens, l'or, et tous les dons faits à cet étranger par les chefs des Phéaciens: qu'il ne s'éloigne point sans recevoir encore un témoignage public de notre estime et de notre attachement; que chacun de nous couronne ces dons par un rare trépied et une urne superbe. Nous ferons concourir, par un tribut, chaque citoyen à ces largesses, qu'un seul ne pourrait soutenir, et dont ne fut comblé encore aucun étranger.

Tous approuvent l'avis d'Alcinous. Puis ils vont prendre quelque repos dans leurs demeures. Dès les premiers rayons de la vigilante Aurore, ils se précipitent vers la rive, chargés d'urnes et de trépieds, dons honorables. Alcinoüs, entrant dans le navire, fait ranger avec soin ces vases sous les bancs, pour que les nautonniers, se livrant à leur ardeur, manient librement la rame. Tous les chefs vont ensuite au palais d'Alcinoüs, où se forment les apprêts d'un grand festin.

Le roi sacrifie un taureau superbe au dieu qui gouverne le tonnerre et qui règne sur l'univers. La flamme ayant consumé l'offrande, ils participent avec alégresse à ce festin; Démodoque, révéré des peuples, élève au milieu de l'assemblée sa voix harmonieuse. Mais Ulysse tournait souvent l'œil vers l'astre du jour, impatient de le voir terminer sa carrière; son cœur ne soupirait qu'après l'heure du départ. Tel aspire au repos le laboureur dont les bœufs noirs et vigoureux ont, depuis l'aurore jusqu'au soir, fendu d'un soc tranchant une terre forte et durcie; lorsqu'enfin le soleil disparaît à ses regards charmés, il va dans sa chaumière ranimer sa vigueur par un repas; ses genoux s'affaissent et sont prêts à

lui manquer; il se hâte de se traîner vers sa demeure: tel Ulysse enchanté voit le soleil se précipiter vers les bords de l'horizon. Aussitôt s'adressant aux Phéaciens, et sur-tout au roi, il leur parle en ces mots :

Alcinoüs, revêtu de l'éclat de la majesté suprême, et vous, princes de ce peuple, faites sans retard des libations, pour me renvoyer heureusement dans ma patrie; et puisse le ciel couronner vos désirs ! Ce qui pouvait être l'objet de mes vœux, je l'ai obtenu ; je suis honoré de vos dons; le vaisseau est prêt. Dieux, achevez et dirigez tout vers ma félicité! Que je retrouve dans mon palais une épouse fidèle et mes amis exempts de peines! Et vous, dont je me sépare, puissiez-vous ici être long-temps la consolation et la gloire de vos femmes, vos compagnes dès l'adolescence, et de vos enfans! Daignent les immortels, en faisant toujours naître au milieu de vous toutes les vertus, vous donner des jours prospères, et détourner les calamités loin de cette île!

Les chefs sont touchés de ces sentimens ; tous animent le roi à n'apporter aucun délai au départ de l'étranger dont la sagesse a dicté la prière. Alors Alcinoüs s'adressant à son héraut: Hâte-toi, Pontonoüs, dit-il; remplis

les coupes du vin le plus pur, et porte-les à tous les assistans; qu'invoquant le père des dieux, nous ne retardions plus le retour de notre hôte dans sa patrie.

Pontonous remplit les coupes d'un vin délicieux et les porte de toutes parts aux conviés. Les chefs, assis, font des libations en l'honneur des habitans fortunés de l'Olympe. Seul, le fils de Laërte se lève; mettant la coupe entre les mains de la femme d'Alcinoüs, il lui dit: O reine, que rien ne trouble ton bonheur jusqu'à ce que s'avancent vers toi d'un pas tranquille et lent la vieillesse et la mort, partage commun des hommes ! Je retourne au sein de mes foyers. Toi cependant, entourée du roi ton époux, de tes enfans et d'un peuple nombreux, coule des jours sereins. dans ce palais !

En achevant ces mots, le noble Ulysse s'éloigne, franchit le seuil de la salle. Devant lui marche un héraut qui, par l'ordre d'Alcinous, le conduit jusqu'au navire. La reine Arété le fait suivre de trois de ses femmes, chargées d'une tunique de pourpre, d'un manteau éclatant, du coffre précieux, et d'alimens et de vin, liqueur vermeille. Quand on est arrivé au bord de la mer, les illustres Phéa

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