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SUR LE CHANT TREIZIÈME.

(Page 253. Nous ferons concourir, par un tribut, chaque citoyen à ces largesses.)

LA bonhomie de ces mœurs est frappante. Alcinous dit en présence d'Ulysse que ces présens sont considérables. C'était, en ce siècle, une politesse; car par là il faisait sentir l'estime et l'attachement extraordinaires qu'il avait pour son hôte. Aujourd'hui, où tout est fard, la politesse consisterait à dire précisément le contraire.

Ce passage d'Homère présente une coutume remarquable pour la forme du gouvernement. Alcinoüs et les princes de sa cour font à Ulysse des présens dont ils retirent ensuite une partie en mettant une imposition sur le peuple sans le consulter. Il y a de l'apparence que cette imposition doit se faire pour ces nouveaux dons, et non pour ceux dont ils ont déjà comblé leur

hôte.

Ici Homère omet la description du sacrifice; il ne parle pas du sujet des chants de Démodoque ; il se hâte d'en venir au départ d'Ulysse. Les détails cadreraient mal avec l'impatience que le héros a de partir. (Page 256. Mettant la coupe entre les mains de la femme d'Alcinoüs.)

Après avoir fait ses libations debout, il présente sa

coupe à la reine pour la prier de boire la première, comme c'était la coutume en des occasions solennelles; c'est ce qu'on appelait pois. On ne vidait pas la coupe sans former des prières et des voeux. PROPINO avait un autre sens chez les Latins.

Nausica n'était pas présente, elle n'assistait pas à ces festins. On se rappellera qu'elle s'était tenue, il y avait quelques jours, à la porte de la salle, pour parler à Ulysse lorsqu'il s'y rendit au sortir du bain. Il y eut alors entre lui et Nausica un petit entretien où il lui fit ses adieux.

Ulysse s'adresse à la reine plutôt qu'au roi, parce qu'elle était sa protectrice, et l'avait reçu la première dans sa maison.

(Page 256. D'un pas tranquille et lent.)

Le texte ne le dit pas en propres termes; mais διαμπερές amene ce sens.

(Page 257. Il se repose en silence sur cette couche.)

Ce silence, trait omis par d'autres traducteurs, me semble bien éloquent. Chacun sent ce que le cœur d'Ulysse éprouve en cette occasion. Madame Dacier traduit, « Ulysse monte et se couche »; et elle n'a pas changé de pinceau quand elle dit un peu plus bas: « Ce prince ressemblait moins à un homme endormi « qu'à un homme mort ».

(Ibid. Tels que, dans la vaste arène, quatre coursiers généreux.)

Virgile, en décrivant une course de vaisseaux, a fait une imitation admirable de cette comparaison :

Non tam præcipites bijugo certamine campum.
Corripuêre, ruuntque effusi carcere currus:

Nec sic immissis aurigæ undantia lora

Concussêre jugis, proniqué in verbera pendent.
AENEID. LIB. V.

Quand les Phéaciens parlent de leur navigation, leurs vaisseaux sont aussi rapides que la pensée, ils ont de l'intelligence. Quand Homère en parle luimême, c'est avec moins d'hyperbole. Il montre en cela du jugement. Pope, qui a fait cette observation, ajoute que les mariniers, même de nos jours, quand ils se livrent à leur enthousiasme, sont enclins à parler de leurs vaisseaux comme d'êtres animés.

Rochefort croit, avec raison, qu'il s'est glissé une faute dans le texte d'Homère, et qu'on doit lire węgn au lieu de wgóμ»; parce que, dit-il, lorsqu'une galère vogue avec le plus de vitesse, ce n'est pas la poupe, mais la proue qui s'élève. Il n'y a pas, suivant lui, de médaille représentant un char antique, qui ne justifie son opinion. J'ai adopté la correction qu'il propose, et qui rend la comparaison plus exacte.

(Page 258. Et au même temps le navire.... aborde à une île.)

Ce vaisseau arrive de Corcyre à Ithaque en une nuit

et la véritable distance des lieux fait voir que cela est possible. Si Homère, comme on l'a cru, a placé dans l'Océan l'ile des Phéaciens, cette diligence serait incroyable.

Phorcys, fils de l'Océan et de la Terre, avait peut-être en ce lieu un temple.

(Page 258. Auprès est un antre obscur.... consacré aux Néréides.)

Je crois devoir donner au lecteur un petit indice de la manie de ceux qui ont allégorisé le texte d'Homère. Cet antre est, selon Porphyre, un mystère trèsprofond et très-merveilleux ; c'est l'emblème du monde: il est appelé « obscur», c'est-à-dire que le monde est fait d'une matière qui était ténébreuse et sans forme: « il est consacré aux nymphes », c'est-à-dire à l'habitation des ames qui viennent à la naissance : « on y voit « des urnes et des cruches de belles pierres »; qui ne reconnaîtrait là les corps qui sont pétris de terre? « Le << miel des abeilles », ce sont les opérations de l'ame : «<les ouvrages merveilleux que ces nymphes font sur « leurs métiers » ; que serait-ce sinon ce tissu admirable de veines, d'artères et de nerfs qu'elles étendent sur les os comme sur des métiers? « Les deux portes » sont les deux pôles, etc. J'abrège. Madame Dacier trouve cette explication « très - ingénieuse et très-vraisemblable », et elle fait une sortie très-forte contre les gens qui diront « qu'Homère n'a jamais pensé à de si grandes mer« veilles ». Il n'est peut-être pas inutile, pour l'histoire de l'esprit humain, de faire quelque mention de semblables allégories. Je suis moins étonné que Porphyre

ait imaginé celle-ci dans un siècle où l'allégorie était la science des philosophes, que de voir un écrivain moderne l'adopter avec enthousiasme ; et rien ne prouve mieux qu'Homère a quelquefois trop fortement ébranlé l'esprit de ses commentateurs.

Tout le monde connaît la belle imitation que Virgile a faite de la description du port d'lthaque:

Est in secessu longo locus, etc.

AENEID. LIB. I.

(Page 259. Le déposent doucement sur le sable..... et se hâtent de reprendre le chemin de leur île.)

Il n'est sortes d'explications auxquelles on n'ait eu recours pour justifier cet endroit, où l'on désirerait que le poëte grec eût été moins concis. Les uns, selon Plutarque, ont dit qu'Ulysse était naturellement grand dormeur, ce qui faisait qu'on avait souvent de la peine à lui parler. D'autres ont dit que ce sommeil d'Ulysse était feint, ayant honte de renvoyer les Phéaciens sans les recevoir chez lui, et sans leur faire des présens. Aritoste n'a trouvé d'autre apologie que celleci: «< L'endroit où Ulysse est exposé par les Phéaciens « sur le rivage d'Ithaque, est de ces absurdités qui ne « seraient pas supportables si un méchant poëte nous « les eût données; mais ce grand homme les cache sous « une infinité de choses admirables, dont il assaisonne << toute cette partie de son poëme, et qui sont autant « de charmes qui nous empêchent d'en apercevoir les « défauts ». Aristote venait de dire que si le sujet est

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