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les plus anciens par le nôtre. Parce que certains arts mécaniques occupent aujourd'hui le petit peuple, on pense qu'il en était de même autrefois. Les princes alors travaillaient de leurs mains; c'est cette louable coutume qui avait mis Ulysse en état de se construire un navire. Ce maître pasteur se fait ici une sorte de bottines nécessaires à un homme soigneux qui allait nuit et jour pour veiller sur ses troupeaux. On soupçonne bien que Perrault a parodié cet endroit. Le lecteur doit regarder ces descriptions, et beaucoup d'autres de ce genre, comme des peintures fidèles de l'ancienne manière de vivre; il sera bien aise de connaître quelle était la vie privée des hommes distingués de ces temps, qui souvent faisaient des choses si mémorables sur la scène du monde. Chez les Romains, ne vit - on pas le triomphe d'un dictateur qu'on avait enlevé à la charrue?

Voici quelques observations que fait Boileau dans ses réflexions sur Longin, et qui trouveront ici leur place:

« Il n'y a rien qui avilisse davantage un discours que « les mots bas. Longin accuse Hérodote, c'est-à-dire le plus poli de tous les historiens grecs, d'avoir laissé << échapper des mots bas dans son histoire. On en re< proche à d'autres écrivains illustres. N'est-ce donc pas << une chose fort surprenante qu'on n'ait jamais fait sur « cela aucun reproche à Homère, bien qu'il ait com«posé deux poëmes chacun plus gros que l'Enéide, et

qu'il n'y ait pas d'écrivain qui descende quelquefois « dans un plus grand détail que lui, ni qui dise și volontiers les petites choses, ne se servant jamais que « de termes nobles, ou employant les termes les moins

<< relevés avec tant d'art, comme le remarque Denys << d'Halicarnasse, qu'il les rend nobles et harmonieux ? « On voit donc par là le peu de sens de ces critiques

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modernes, qui ne jugent Homère que sur des traduc<<tions rampantes. Le mot de GENISSE en français est « fort beau; VACHE ne s'y peut souffrir. PASTEUR et << BERGER y sont du bel usage; GARDEUR de POUR « CEAUX OU GARDEUR de BOEUFS seraient horribles. << Cependant il n'y a peut-être pas en grec deux plus « beaux mots que συβώτης et βουκόλος, qui répondent « à ces deux mots français; et c'est pourquoi Virgile a << intitulé ses Eglogues de ce doux nom de BUCOLIQUES, << qui veut pourtant dire en notre langue, à la lettre,

« LES ENTRETIENS DES BOUVIERS ».

(P. 288. Il s'assied, et pose son bâton à terre.)

Pline et d'autres ont remarqué que c'était un moyen d'adoucir la fureur des chiens Impetus canum et sævitia mitigantur ab homine humi considente. Cependant Ulysse, malgré ses précautions, n'était pas en sûreté si le pasteur n'eût écarté ces animaux. On a dit que ce poëte donne ici à Ulysse une aventure qui lui était arrivée à lui-même, lorsqu'ayant été exposé sur le rivage de Chio par des pêcheurs, il fut attaqué par des chiens qui l'auraient dévoré si le berger Glaucus n'eût couru à son secours. Ce berger le mena dans sa cabane. Le poëte lui raconta ce qu'il avait vu de plus curieux dans ses voyages. Je me plais, dit madame Dacier, voir, dans Ulysse qui s'entretient avec Eumée, Homère. s'entretenant avec Glaucus. Cette anecdote se trouve

dans la Vie d'Homère attribuée à Hérodote. Il y a une éloquence très-naturelle et très-naïve, et beaucoup de sagesse, dans les discours d'Eumée.

(Page 290. Les dons légers ne laissent pas de soulager et de réjouir.)

Pope omet cette réflexion naïve; il se contente de dire:

Little, alas! is all the good I can!

Il est plus singulier qu'il ait omis le détail non moins naïf que fait Eumée de tous les avantages qu'il aurait pu tenir de l'amitié de son maître.

(Ibid. Soumis à des maîtres jeunes et impérieux.):

Selon plusieurs interprètes, Eumée parle de domestiques qui, ayant un maître jeune, tel que Télémaque, doivent être encore plus attentifs et plus craintifs lorsqu'il s'agit de dépenser, que lorsqu'ils ont un maître qui gouverne son bien. Il paraît qu'il est ici question des prétendans.

(Page 291. Il en apporte deux jeunes porcs.)

On reconnaît, dans ces coutumes des temps héroïques, les usages des patriarches; on n'y faisait pas plus de façon pour les repas.

« Les habitans de l'île Sumatra, dit Marsden, voya« geur moderne, apprêtent les chairs des animaux dès « qu'ils les ont tués; ce qui est conforme à la pratique « des anciens, comme on le voit dans Homère; et ils

« prétendent que les chairs ainsi préparées sont plus « tendres que si on les mortifiait »>.

La fleur de farine dont Eumée saupoudre ces porcs était rôtie, et tenait lieu de l'orge sacrée qu'on répandait sur les victimes.

(Page 292. Puisqu'au lieu..... de suivre, en recherchant la reine, les lois de la justice et de l'honneur.)

Eumée est persuadé que l'unique but des poursuivans est de demeurer dans le palais d'Ulysse et de manger son bien, en faisant semblant de poursuivre Pénélope en mariage. Horace a dit en parlant d'eux :

Nec tantùm veneris quantùm studiosa culinæ.

(Ibid. Il a dans les champs d'Epire douze troupeaux de bœufs.)

Pope a montré, par un calcul vraisemblable, d'après ce qu'Homère dit du nombre des truies, que celui des boeufs pouvait monter à 14,400. Si l'on juge par là des autres troupeaux dont parle Eumée, on pourra se faire quelque idée des richesses d'Ulysse; et ceci confirme l'observation qu'on a faite plus haut sur la puissance de ce roi. Les anciens, pour désigner les richesses d'un homme, lui donnent l'épithète de woning dwr, wodumprar, « qui a beaucoup de brebis ou d'a<< gneaux ». David, comme Ulysse, avait ses officiers, auxquels il commettait la garde de ses troupeaux. Jonathan yeillait sur les richesses des campagnes, des

bourgs et des villages; Shiméi sur les vignobles, etc. Ceux qui ne lisent Homère que comme un poëte, perdent beaucoup du plaisir qu'il peut leur procurer. C'est, après Moïse, l'historien le plus ancien que nous ayons des lois et des mœurs de ces temps reculés.

(Page 293. Eumée prend sa coupe.... Il la présente à Ulysse.)

Madame Dacier, d'après Eustathe, a étrangement défiguré ce passage. Elle prétend que c'est Ulysse qui présente la coupe à Eumée. « Il veut, dit-elle, lui té« moigner sa reconnaissance, et comme l'associer aux << dieux qui l'ont sauvé. Eumée est ravi ». Mais, selon Homère, celui-là même « qui est ravi » s'adresse d'abord à Eumée pour lui demander comment il est venu en ces lieux. C'est donc, en suivant l'explication de madame Dacier, Eumée qui se demande cela à luimême, et qui se fait ensuite la réponse. Il en résulterait, comme on voit, assez de confusion.

(Page 295. Que ma récompense... soit prête.)

Homère glisse dans les discours des mots intéressans. Il semble que la reconnaissance va se faire mais il l'éloigne ensuite en ajoutant, « dès qu'il arrivera ».

(Page 296. A la fin de ce mois, ou aux

premiers jours du mois suivant.)

Madame Dacier à traduit : « Il reviendra à la fin d'un << mois, et au commencement de l'autre ». Il n'est pas étonnant qu'elle dise que le bon Eumée n'y devait rien comprendre. D'autres y ont cherché, comme elle, beauII. Od.

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