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Doit, repliant sa course au bout de la carrière,

Revenir, et de loin regagner la barrière.

Le sort règle les rangs: brillants de pourpre et d'or,

Sur leurs poupes montés, prêts à prendre l'essor,
Les chefs fixent les yeux témoins de cette fête :
De pâles peupliers leur troupe ceint sa tête;
Et du fruit de Pallas la brillante liqueur
De leurs corps demi-nus assouplit la vigueur.
Ils se placent, les bras étendus sur la rame;
Attentifs au signal, ils l'attendent; leur ame
Est déja dans la lice; et l'espoir et la peur
Font bouillonner leur sang, font palpiter leur cœur.
Enfin l'airain sonore a rompu le silence;

La troupe impatiente au même instant s'élance;
Du même point déja tout sort, tout est sorti,
Et des cris du départ l'Olympe a retenti.
Loin d'eux leur vol rapide a laissé la barrière;
Tous, roidissant leurs bras ramenés en arrière,
Fendent l'onde qui fuit et roule à gros bouillons;
Tous déchirent son sein par de larges sillons.
L'eau frémit sous la proue, et l'humide carrière
Sous la rame s'ébranle et s'ouvre tout entière.
D'un moins rapide essor, dans la lice emportés,
Volent en tourbillons cent chars précipités :
Avec moins de transport retenant leurs haleines,
Penchés sur le timon, et secouant les rênes,
Dans les plaines d'Élis les jeunes combattants
De leurs coursiers rivaux aiguillonnent les flancs.
On vogue, on gagne, on perd, on reprend l'avantage :
Des nombreux spectateurs l'intérêt se partage;

Tum plausu fremituque virum studiisque faventum
Consonat omne nemus, vocemque inclusa volutant
Litora; pulsati colles clamore resultant.

Effugit ante alios, primisque elabitur undis
Turbam inter fremitumque Gyas; quem deinde Cloanthus
Consequitur, melior remis; sed pondere pinus
Tarda tenet. Post hos, æquo discrimine Pristis
Centaurusque locum tendunt superare priorem ;
Et nunc Pristis habet; nunc victam præterit ingens
Centaurus; nunc una ambæ junctisque feruntur
Frontibus, et longa sulcant vada salsa carina.
Jamque propinquabant scopulo, metamque tenebant,
Quum princeps medioque Gyas in gurgite victor
Rectorem navis conpellat voce Menœten:

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Quo tantum mihi dexter abis? huc dirige gressum;

Litus ama, et lævas stringat sine palmula cautes;

Altum alii teneant. » Dixit; sed cæca Menotes

Saxa timens, proram pelagi detorquet ad undas.

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Quo diversus abis?» iterum: «Pete saxa, Menote, »

Cum clamore Gyas revocabat; et ecce Cloanthum
Respicit instantem tergo, et propiora tenentem.
Ille inter navemque Gyæ scopulosque sonantis
Radit iter lævum interior, subitoque priorem

Præterit, et metis tenet æquora tuta relictis.

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On entend tour-à-tour les vœux de l'amitié,
L'accent du désespoir, celui de la pitié;

Dans le vague des airs mille cris se confondent:
Au loin sur les coteaux les clameurs se répondent;
Et l'écho du rivage, et la voûte des bois,
Roulent en murmurant le bruit confus des voix.

Au milieu des clameurs et de la foule immense,
Le premier des rivaux qui part et les devance,
C'est Gyas. Après lui Cloanthe fend les flots:
Ses rameurs sont plus forts; mais l'art des matelots
De son vaisseau pesant accuse la paresse.

Après eux, emportés d'une même vitesse,
L'orgueilleuse Chimère et le Centaure altier
Volent; et le Centaure est tantôt le premier,
Et tantôt devant lui s'échappe la Baleine;

Tantôt tous deux de front, fendant l'humide plaine,
Glissent; et, parcourant des espaces égaux,
De leur longue carène ils sillonnent les eaux.
Déja s'offroit de près la borne desirée,
Quand Gyas, qui croyoit sa victoire assurée,

Du milieu de la mer crie à son vieux nocher:

<< Prends la gauche, reviens, et gagne ce rocher. >>

Il dit : l'autre, craignant que son vaisseau n'échoue,
S'écarte, et du rocher il détourne sa proue :

« Reviens, encore un coup; reviens, rapproche-toi,
Dit Gyas; et soudain il voit avec effroi
Cloanthe qui l'atteint, et qui, d'un vol rapide,
Glissant entre la borne et le vaisseau timide,
Tandis que de vains cris son rival frappe l'air,
Passe, tourne, s'échappe, et vogue en pleine mer.

"

Tum vero exarsit juveni dolor ossibus ingens;
Nec lacrimis caruere genæ; segnemque Menoten,
Oblitus decorisque sui sociumque salutis,
In mare præcipitem puppi deturbat ab alta;
Ipse gubernaclo rector subit, ipse magister,
Hortaturque viros, clavumque ad litora torquet.
At gravis, ut fundo vix tandem redditus imo est,
Jam senior, madidaque fluens in veste Menotes,
Summa petit scopuli, siccaque in rupe resedit.
Illum et labentem Teucri, et risere natantem,
Et salsos rident revomentem pectore fluctus.

Hic læta extremis spes est accensa duobus,
Sergesto Mnestheique, Gyan superare morantem.
Sergestus capit ante locum, scopuloque propinquat,
Nec tota tamen ille prior præeunte carina;
Parte prior, partem rostro premit æmula Pristis.
At media socios incedens nave per ipsos

Hortatur Mnestheus: « Nunc, nunc insurgite remis,
Hectorei socii, Trojæ quos sorte suprema

Delegi comites; nunc illas promite vires,

Nunc animos, quibus in Gætulis syrtibus usi,

Ionioque mari, Maleæque sequacibus undis.

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Le jeune homme frémit de perdre la victoire,

Des pleurs mouillent ses yeux: sans respect pour sa gloire,
Sans égard pour les siens, dans l'abîme flottant

Il pousse le nocher, le remplace à l'instant.
Lui-même il guide, il presse, il anime sa troupe,
Et plus près du rocher il ramène sa poupe.
Le malheureux vieillard, malgré le lourd fardeau
De l'âge et des habits qu'appesantissoit l'eau,
Reparoît, et, montant sur la roche prochaine,
S'assied tout ruisselant. La jeunesse troyenne
Avoit ri de le voir s'abreuver dans les mers,
Et rit en le voyant rendre les flots amers.

Cependant les derniers, et Mnesthée et Sergeste,

Sur Gyas arrêté par un retard funeste

Se disputent le prix. Plus prompt dans son essor,
Sergeste vole au but; mais son navire encor
Ne passe qu'à demi le vaisseau qui lui cède;
Une part l'accompagne, une autre le précède.
Cependant à grands pas, de l'un à l'autre bout,
Mnesthée alloit, couroit, et s'écrioit par-tout:

"

« Allons, amis, allons, courbez-vous sur vos rames;

Fiers compagnons d'Hector, vous que dans Troie en flammes

J'ai choisis pour les miens, voici, voici l'instant

De déployer encor ce courage éclatant

Qui dompta les courants des mers de l'Ausonie,

Et les syrtes d'Afrique, et les flots d'Ionie.

Je ne demande pas de vaincre mes rivaux :

Si toutefois... mais non, ô dieu puissant des eaux!
Donne à ton gré la palme, et régle la victoire!
Nous, en perdant le prix, défendons notre gloire;

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