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Et de ce qu'elle doit à son peuple, à sa gloire,
Sa folle passion étouffer la mémoire,

Elle aborde Vénus, et lui parle en ces mots :

« Eh bien, vous l'emportez, déesse de Paphos!
Pour vous, pour votre fils, quelle gloire éclatante!
Et quel noble succès a comblé votre attente!
Ainsi contre Didon combattent réunis

pour votre

Et la ruse et la force, et la mère et le fils!
Applaudissez-vous bien de cette heureuse trame,
Deux puissances du ciel triomphent d'une femme!
Je connois vos soupçons : Carthage et ses remparts
De leur gloire naissante offusquent vos regards.
Mais pourquoi prolonger ces discordes cruelles?
Ah! plutôt terminons nos haines mutuelles;
Oublions nos débats; qu'au gré de vos souhaits
Les liens de l'amour soient les nœuds de la paix.
Vous voyez; tout est prêt pour ce grand hyménée;
Didon de tous vos feux brûle
Énée :
Vos vœux sont accomplis. Par le noeud des serments,
Par le nœud conjugal unissons ces amants;
Que leurs peuples amis, sous nos communs auspices,
Deviennent nos sujets, et nous leurs protectrices;
Que dans l'heureux oubli de nos dépits jaloux,
Leur pacifique encens se partage entre nous.
Permettez qu'un hymen où Didon même aspire,
Fasse d'un Phrygien le maître de l'empire,
Que le Troyen s'unisse aux enfants de Sidon:
Je les donne pour dot à l'époux de Didon.
Ainsi Junon vouloit sur la rive africaine
Arrêter les destins de la grandeur romaine.

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Quo regnum Italia Libycas averteret oras,
Sic contra est ingressa Venus: « Quis talia demens
Abnuat, aut tecum malit contendere bello?

Si modo, quod memoras, factum fortuna sequatur.
Sed fatis incerta feror, si Juppiter unam

Esse velit Tyriis urbem Trojaque profectis,
Miscerive probet populos, aut fœdera jungi.
Tu conjux; tibi fas animum tentare precando.
Perge, sequar. » Tum sic excepit regia Juno:

<< Mecum erit iste labor. Nunc qua ratione, quod instat, Confieri possit, paucis, adverte, docebo.

Venatum Æneas, unaque miserrima Dido

In nemus ire parant, ubi primos crastinus ortus
Extulerit Titan, radiisque retexerit orbem.
His ego nigrantem commixta grandine nimbum,
Dum trepidant alæ, saltusque indagine cingunt,
Desuper infundam, et tonitru cœlum omne ciebo.
Diffugient comites, et nocte tegentur opaca;
Speluncam Dido dux et Trojanus eamdem
Devenient: adero, et, tua si mihi certa voluntas,

Connubio jungam stabili, propriamque dicabo (28).
Hic Hymenæus erit. » Non adversata petenti
Adnuit, atque dolis risit Cytherea repertis.

Oceanum interea surgens Aurora relinquit (29).
It portis jubare exorto delecta juventus.
Retia rara, plagæ, lato venabula ferro,
Massylique ruunt equites, et odora canum vis.

Vénus s'en aperçoit : « A vos vœux je souscris,
Dit-elle; mais un doute agite mes esprits:
Jupiter consent-il qu'oubliant l'Italie,

Le Troyen dans Carthage au Tyrien s'allie?
C'est à vous de gagner le cœur de votre époux;
S'il y consent, Vénus est d'accord avec vous.
A mon but, dit Junon, je saurai le conduire.
Mais il est un projet dont je dois vous instruire.
Demain, dès que l'Aurore allumera le jour,
Nos amants vont chasser dans les bois d'alentour;
Là, tandis qu'à la hâte on déploiera les toiles,
Dans les cieux, à ma voix, la nuit tendra ses voiles;
De noirs torrents de pluie épanchés dans les airs,
Et le bruit du tonnerre, et le feu des éclairs,
D'Énée et de Didon disperseront la suite;

Vers un antre voisin tous deux prendront la fuite:
J'y conduirai l'Hymen; et, si tels sont vos vœux,
J'y joindrai ces amants par les plus tendres nœuds.-
A la reine des dieux est-il rien qu'on refuse?
J'y consens,» dit Vénus, souriant de la ruse.

L'Aurore enfin se lève et sort du sein des flots.
Aussitôt, arrachée aux douceurs du repos,
De jeunes Tyriens une brillante élite
En foule hors des murs vole et se précipite,
Les chevaux africains aussi prompts que l'éclair,
Les filets, les épieux armés d'un large fer,
Tout est prêt; et des chiens qui palpitent de joie
L'instinct intelligent flaire déja sa proie.
Sous son noble fardeau prêt à prendre l'essor,
Le coursier de Didon, brillant de pourpre et d'or,

Reginam thalamo cunctantem ad limina primi
Pœnorum exspectant; ostroque insignis et auro
Stat sonipes, ac frena ferox spumantia mandit (3o).

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Tandem progreditur, magna stipante caterva,
Sidoniam picto chlamydem circumdata limbo;
Cui pharetra ex auro, crines nodantur in aurum,
Aurea purpuream subnectit fibula vestem.
Nec non et Phrygii comites, et lætus Iulus,
Incedunt. Ipse ante alios pulcherrimus omnis
Infert se socium Æneas, atque agmina jungit.

Qualis, ubi hibernam Lyciam Xanthique fluenta
Deserit, ac Delum maternam invisit Apollo,
Instauratque choros, mixtique altaria circum
Cretesque Dryopesque fremunt, pictique Agathyrsi;
Ipse jugis Cynthi graditur, mollique fluentem

Fronde premit crinem fingens, atque implicat auro;

Contient, fier et soumis, l'ardeur qui le consume,
Et ronge, en frémissant, son frein blanchi d'écume.
Tous les grands de l'état, à la fête appelés,

Autour du seuil royal déja sont assemblés :
Tous de leur souveraine attendent la présence.
Au milieu de sa cour la reine enfin s'avance:
A peine on aperçoit son front majestueux,
Tous les rangs ont ouvert leurs flots respectueux.
Pour elle se courbant en agrafe brillante,
L'or rassemble les plis de sa pourpre flottante;
L'or couvre son carquois; l'or, en flexibles nœuds,
Sur son front avec grace assemble ses cheveux;
Et l'aiguille savante, imitant la peinture,
De sa mante royale embellit la bordure.
Ascagne cependant, qu'enchante ce beau jour,

Et les seigneurs troyens, viennent grossir sa cour.
Seul plus brillant qu'eux tous, leur roi marche à leur tête,

Et semble seul l'objet et le dieu de la fête.

Tel, quand des Lyciens quittant le long hiver,
Et le Xanthe lui-même à son amour si cher,
Apollon vient revoir son île maternelle;
Lorsque, renouvelant sa fête solennelle,
Maures, Scythes, Crétois, célèbrent l'immortel,
Et sautent en cadence autour de son autel:

Lui, dans tout l'appareil de sa dignité sainte,

D'un pas tranquille et fier, sur les hauteurs du Cynthe,

Au milieu des parfums, et des chants, et des vœux,

Il marche; au gré des vents flottent ses longs cheveux; Le laurier immortel, serpentant avec grace,

De son feuillage vert mollement les embrasse,

T. IV. ÉNÉIDE 11.

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