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cellent, et les menaces de Neptune, et l'expérience du passé, le forcent de rentrer dans le port de Drepanum, d'où il étoit parti. La ville qui commande ce port, aujourd'hui Trapani del Monte, étant fort élevée, Aceste, du lieu où il est placé, reconnoît les vaisseaux troyens :

Et procul excelso miratus vertice montis

Bientôt il félicite ses amis sur leur retour. On célébre des jeux, et le rocher dont il est parlé dans la joute navale se reconnoît facilement sur nos grandes cartes de Sicile, et est évidemment le Scoglio del Malconsiglio qu'on observe dans la rade de Trapani. Cet écueil est en pleine mer, à cinq cents toises environ de la pointe formée par le promontoire de Trapi, et à quinze cents toises du fond de la baie, ce qui répond à la désignation de Virgile:

Est procul in pelago saxum spumantia contra
Litora, etc.

La fondation d'Acesta, nommée depuis Egesta et Segesta, qu'un grand nombre d'auteurs attribuent à Énée, est le principal motif qui a engagé Virgile à employer le ministère de Neptune, afin de forcer son héros à débarquer de nouveau en Sicile :

Interea Æneas urbem designat aratro.

Fazellus a, dit-on ('), reconnu les ruines de Segesta au sud-ouest d'Alcamo, dans un lieu nommé Barbara, et sur les bords de la rivière Bartolemeo, que l'on considère par cette raison comme le Crimisus ou Crinisus Fluvius; mais Barbara ne se trouve point sur les cartes les plus modernes et les plus détaillées, quoiqu'il soit inscrit sur la carte générale de l'Italie de d'Anville. Je dois dire, au reste, que la topographie de la Sicile semble encore dans un grand état d'imperfection; car la position de Barbara, telle qu'elle est (') Amico, t. II, p. 168; Cluverius, Sicilia antiqua, p. 260.

indiquée dans d'Anville, ne concorde pas bien avec les distances données par l'itinéraire et la table pour Segesta. Denys d'Halicarnasse dit que les Troyens, lors de leur séjour en Sicile, érigèrent aussi un autel à Vénus sur le sommet du mont Élymus, et qu'ils fondèrent la ville d'Élyma (1). Fazellus a découvert les ruines d'Élyma sur une hauteur du côté oriental du golfe où étoit Segesta, à mille pas du rivage, dans un lieu nommé encore aujourd'hui par les habitants Alymata ou Ralymata (2). Cluverius (3) n'est pas de ce sentiment; il nie l'existence d'une ville nommée Élyma; il corrige le texte de Denys d'Halicarnasse, et veut lire Eryca, contre l'autorité des manuscrits. Cet excellent critique ne montre pas dans cette circonstance le jugement et la sagacité qui lui sont ordinaires, et le plus fâcheux est qu'il a entraîné dans son erreur notre grand géographe d'Anville, qui a omis sur sa carte de l'Italie ancienne Elyma civitas, dont l'existence est bien démontrée, et dont la position a été déterminée par Fazellus avec autant de probabilité que peut l'être celle d'un lieu pour lequel les anciens ne nous fournissent aucune mesure. Après la fondation d'Ægesta Virgile fait mention de celle du temple érigé à Vénus sur le mont Éryx, qui étoit célèbre dans l'antiquité.

Tum vicina astris Erycino in vertice sedes
Fundatur Veneri Idaliæ; tumuloque sacerdos,
Ac lucus late sacer additur Anchisco.

Le mont Éryx est nommé aujourd'hui mont de SantoJuliano, et il est, après l'Etna et le Nébrode, le plus élevé de la Sicile (4). Il a six cent neuf toises d'élévation (5); il est escarpé du côté de Trapani, qui est bâti sur son penchant.

(') Dionysius Halicarn., lib. I, t. I, p. 41, edit. Hudson.

(2) Amico, t. II, p. 240; Fazellus decas, lib. VII, cap. v. (3) Cluverius, Sicilia antiqua, lib. II, cap. 1, p. 244.

(4) Amico, p. 246.

(5) Borch, Lettres sur la Sicile, p. 207.

C'est sur le terre-plain qui forme le sommet de ce mont, et où se trouve aujourd'hui la citadelle de Saint-Julien, qu'étoit le fameux temple de Vénus Érycine. «Qui n'admireroit, « dit Diodore de Sicile, la gloire de ce temple (')? Il y en a qui ont acquis de la célébrité, mais les révolutions les ont

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« souvent abaissés. Quant à celui-ci, quoiqu'il tire son origine des siècles les plus reculés, il est le seul dont les hon<«<neurs, bien loin de diminuer, aient toujours été en aug<«< mentant; car, après ceux que lui rendit Éryx, Énée, étant << abordé en Sicile, en allant en Italie, décora ce temple « d'un grand nombre d'offrandes, comme étant consacré à « sa mère. Les Sicaniens ensuite honorèrent la déesse pen«dant plusieurs générations, et ornèrent continuellement « son temple de magnifiques présents. Les Carthaginois, « s'étant rendus maîtres de cette partie de la Sicile, eurent « pour la déesse un respect singulier. Enfin les Romains, « s'étant emparés de l'ile entière, surpassèrent tous les au« tres peuples par les honneurs qu'ils lui rendirent, et cela « avec raison; car, faisant remonter leur origine à cette « déesse, et attribuant à cette cause les heureux succès qui « accompagnoient toutes leurs entreprises, ils tâchoient de « reconnoître cet accroissement de fortune par des graces <«<et des honneurs aussitôt qu'ils étoient arrivés au mont « Éryx, ils mettoient de côté les marques imposantes de « leurs dignités, pour ne s'occuper que de jeux, de la société « des femmes, ne croyant pouvoir se rendre agréables à la « déesse qu'en se conduisant de la sorte. » Ce temple étoit plein d'eslaves sacrées, comme les appelle Strabon (2): c'étoient des femmes consacrées au culte de Vénus, et données au temple par les Siciliens et les étrangers pour accomplir leurs vœux. L'argent qui provenoit de leur commerce avec quiconque les payoit étoit réservé pour l'entretien du tem

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:

(1) Diodor. Sicul., lib. IV, § 83, p. 326; Larcher, Mémoire sur Vénus, p. 189.

(2) Strabo, lib. VI, p. 272.

ple et le service du culte de la déesse. Cependant elles n'étoient tenues de donner qu'une portion de ce qu'elles recevoient; car, quoique esclaves, elles pouvoient se racheter lorsqu'elles étoient en état de payer leur liberté; témoin Agonis de Lilybée, qui étoit affranchie de Vénus Erycine, et dont les biens excitèrent la cupidité de Verrès ('). Peu de temps après l'époque où Diodore de Sicile et Virgile écri voient, la dévotion se ralentit. La philosophie et l'incrédulité avoient fait des progrès, et Strabon nous apprend que de son temps ce temple étoit presque désert, et qu'on n'y voyoit plus ce grand nombre de femmes vouées à la divinité du lieu. Sous Tibère, ce temple étoit déja en ruine; et, comme cet empereur se croyoit parent de Vénus, parcequ'il étoit entré dans la famille Julia, il entreprit de le rétablir('): cette restauration ne fut achevée que sous le règne de Claude (3). Par la suite, des ruines de ce temple on construisit une église à la vierge Marie, qui fut long-temps la principale paroisse; ce ne fut que dans le troisième siècle qu'une autre église, bátie sous l'invocation de saint Julien, fit donner au lieu le nom qu'il conserve aujourd'hui (1).

Énée se rembarque, et de Drepanum (Trapani) il se dirige droit sur l'Italie, en passant près de l'ile d'Ustia, dont Virgile ne parle pas, et en laissant à droite les îles du redoutable Éole. En approchant de la côte d'Italie, le pilote Palinure tombe dans la mer, et, par sa mort, donne son nom au promontoire et au port, qui le conservent encore aujourd'hui.

Cumque gubernaclo, liquidas projecit in undas
Præcipitem, etc.

(') Larcher, Mémoire sur Vénus, p. 189; Cicero, Divinat. in Quint. Cœcilium, 317.

(2) Tacit., Annal., lib. IV, § 43.

(3) Sueton., in Claud., 325.

(4) Amico, et Statella, Lexicon topographicum Siculum, t. II, p. 249, in-4o, Catane, 1769.

Cependant nous devons remarquer que nos cartes générales de l'Italie moderne donnent le nom de Palinuro au cap, tandis qu'au contraire les différents points de ce petit promontoire portent différents noms, parmi lesquels on ne trouve pas celui de Palinuro ('): c'est le port qui a conservé ce nom, et sur le rivage se trouve encore une église nommée Santa-Maria di Palinuro. Denys d'Halicarnasse fait aborder les Troyens dans ce port. Les anciens ont souvent parlé du promontoire et du port, mais plus souvent du premier. Virgile ne parle ni de l'un ni de l'autre dans ce livre; il indique seulement que Palinure périt sur le rivage d'Italie; mais, dans le livre suivant, Palinure descendu aux enfers raconte à Énée qu'il a été jeté sur la côte près d'Heleia ou Velia, qu'on place à Castello - a - Mare - dellaBrucca, et il prie Énée d'aller dans cette ville lui donner la sépulture:

Injice, namque potes, portusque require Velinos;

mais la Sibylle répond pour Énée, et promet à Palinure, pour le consoler, que les peuples du lieu où il a péri lui érigeront un monument qui perpétuera éternellement son nom sur ces rivages:

Et statuent tumulum, et tumulo solemnia mittent,
Æternumque locus Palinuri nomen habebit.

A une grande lieue au nord du port Palinure, à un mille au midi de la ville de Pisciotto et à plus de trois lieues de Castello-a-Mare-della-Brucca, où l'on met Vélia, la carte de Zannoni, déja citée, place sur la côte, parmi des rochers, et près d'une église nommée il Soccorso, un monument appelé encore aujourd'hui le tombeau de Palinure, Sepolcro di Palinuro.

En continuant de longer les côtes d'Italie, la flotte des

(1) Voyez Zannoni, carte du royaume de Naples, feuille 24, et dans les anciennes épreuves, feuille 23.

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