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Le jour, il veille assis sur le palais des rois;
Et, de là répandant son effrayante voix,
A l'univers surpris incessamment raconte
La vérité, l'erreur, et la gloire, et la honte.
Parmi cent bruits divers, la déesse, en son cours,
D'Énée et de Didon publioit les amours.

« Un Troyen, disoit-elle, est entré dans Carthage;
Un secret hyménée à la reine l'engage;

"

Et tous deux, oubliant le soin de leur grandeur,
Se livrent sans remords à leur coupable ardeur.
Par de pareils récits l'agile messagère
Court d'Iarbe jaloux redoubler la colère.
Fier de devoir le jour au monarque des dieux,
Sur cent autels de marbre il lui portoit ses vœux.
Là de nombreux taureaux, couronnés de guirlandes,
Chaque jour sous le fer expiroient en offrandes;
Là cent lampes brûloient autour de ses autels,
Et, veillant en l'honneur du roi des immortels,
D'un culte filial assidu témoignage,
De leur clarté pieuse éternisoient l'hommage.
On dit que, plein de
rage, à la face des dieux,
Son courroux exhala ce discours furieux:

<< Dieu du Maure! ô mon père ! ô souverain du monde!
Sans doute c'est en vain que ton tonnerre gronde;
Et, perdus dans les airs, tes foudres impuissants
D'un frivole murmure épouvantent nos sens!
Une femme exilée erre ici sans asile;
Par pitié je lui cède un rivage stérile;
Et c'est elle aujourd'hui qui rejettė ma main !
L'amour est pour Énée, et pour moi le dédain!

Et nunc ille Paris, cum semivifo comitatu,

Mæonia mentum mitra, crinemque madentem Subnixus, rapto potitur; nos munera templis Quippe tuis ferimus, famamque fovemus inanem. »

Talibus orantem dictis, arasque tenentem
Audiit omnipotens, oculosque ad moenia torsit
Regia, et oblitos famæ melioris amantis.

Tum sic Mercurium adloquitur, ac talia mandat:
« Vade age, nate, voca Zephyros, et labere pennis (34);
Dardaniumque ducem, Tyria Carthagine qui nunc
Exspectat, fatisque datas non respicit urbis,
Adloquere, et celeris defer mea dicta per auras.
Non illum nobis genetrix pulcherrima talem
Promisit, Graiumque ideo bis vindicat armis;
Sed fore qui gravidam imperiis belloque frementem
Italiam regeret, genus alto a sanguine Teucri
Proderet, ac totum sub leges mitteret orbem.
Si nulla adcendit tantarum gloria rerum,
Nec super ipse sua molitur laude laborem;
Ascanione pater Romanas invidet arces?
Quid struit? aut qua spe inimica in gente moratur?

Nec prolem Ausoniam, et Lavinia respicit arva?

Naviget. Hæc summa est; hic nostri nuntius esto (35). »

Dixerat. Ille patris magni parere parabat

Imperio; et primum pedibus talaria nectit *

Et tandis que, fidéle aux lois de ma naissance,
Au pied de tes autels chaque jour je t'encense,
D'un peuple efféminé ce chef voluptueux,
Qui des parfums d'Asie embaume ses cheveux,
Jouit de sa conquête, et comble ses outrages!
Dieu puissant! est-ce là le prix de mes hommages? »
Ainsi parloit Iarbe, appuyé sur l'autel.

Jupiter l'entendit; et, son œil immortel

Se tournant vers les lieux où, pleins de leur tendresse,
Ces amants s'oublioient dans une molle ivresse :
« C'est trop perdre, dit-il, de précieux moments :
Va, cours, vole, mon fils, sur les ailes des vents;
Va du héros troyen réveiller le courage.
Quelle indigne langueur le retient dans Carthage!
Deux fois du fer des Grecs par Vénus préservé,
Est-ce là le destin qui lui fut réservé?
Est-ce là ce guerrier et ce héros sublime,
Qui devoit, de Teucer rejeton magnanime,
Fonder ces murs sacrés, berceau du peuple-roi,
Et faire au monde entier reconnoître sa loi?
Si, de ces hauts destins étouffant la mémoire,
L'amour lui fait trahir l'intérêt de sa gloire,
Pourquoi priver son fils de l'honneur immortel
De fonder près du Tibre un empire éternel!
Chez un peuple ennemi qu'attend-il? qui l'arrête?
Pourquoi du Latium négliger la conquête?
Qu'il parte; je le veux, je l'ordonne. » A sa voix,
Le messager des dieux vole accomplir ses lois.
Il attache d'abord ses brodequins dociles,
Qui, soutenant son vol sur leurs ailes agiles,

Aurea, quæ sublimem alis, sive æquora supra,
Seu terram, rapido pariter cum flamine portant.
Tum virgam capit: hac animas ille evocat Orco
Pallentis; alias sub Tartara tristia mittit;
Dat somnos adimitque, et lumina morte resignat:
Illa fretus agit ventos, et turbida tranat

Nubila. Jamque volans apicem et latera ardua cernit
Atlantis duri, cœlum qui vertice fulcit;
Atlantis, cinctum adsidue cui nubibus atris
Piniferum caput et vento pulsatur et imbri ;
Nix humeros infusa tegit; tum flumina mento
Præcipitant senis, et glacie riget horrida barba.

Hic primum paribus nitens Cyllenius alis Constitit; hinc toto præceps se corpore ad undas Misit, avi similis, quæ circum litora, circum Piscosos scopulos, humilis volat æquora juxta.

*

Haud aliter terras inter cœlumque volabat,

* Litus arenosum Libyæ, ventosque secabat. * Materno veniens ab avo Cyllenia proles.

Ut primum alatis tetigit magalia plantis, Enean fundantem arces ac tecta novantem

Conspicit; atque illi stellatus iaspide fulva'

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Au-dessus des vallons, des montagnes, des mers,
Plus vite que les vents lui font fendre les airs.
Ensuite il prend en main sa baguette puissante,
Qui maîtrise à son gré la Parque obéissante,
Rouvre, quand il lui plaît, les portes du tombeau,
Imprime de la mort le redoutable sceau,
Ote ou rend le sommeil, fend les sombres nuages,
Et fraie au dieu sa route à travers les orages.
Il part, vole, et déja se découvre à ses yeux
L'Atlas, l'énorme Atlas, antique appui des cieux.
Sous d'éternels frimas ses épaules blanchissent;
De bleuâtres glaçons ses cheveux se hérissent;
Son front couvert de pins, de nuages chargé,
Par l'orage et les vents est sans cesse assiégé;
Et cent torrents, vomis de sa bouche profonde,
Font retentir ses flancs du fracas de leur onde.
A peine il a touché le mont majestueux,
Mercure, suspendant son vol impétueux,
Sur son aile immobile un instant se balance,
Puis vers le bord des mers rapidement s'élance;
Là, tel qu'auprès des eaux, des rochers poissonneux,
Glisse l'agile oiseau sur des bancs sablonneux;
Tel, en quittant l'Atlas, noble auteur de sa mère,
Le dieu baisse son vol, et, d'une aile légère
Planant entre la terre et l'espace des airs,
Effleure mollement le rivage des mers.

Ses pieds ailés à peine ont touché le rivage

Où d'humbles toits font place aux pompes de Carthage :

Il voit le chef troyen de ces grands monuments

Diriger les travaux, poser les fondements.

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