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Culmina perque hominum volvantur perque deorum.
Audiit exanimis, trepidoque exterrita cursu,
Unguibus ora soror fœdans, et pectora pugnis,
Per medios ruit, ac morientem nomine clamat:
« Hoc illud, germana, fuit? Me fraude petebas?
Hoc rogus iste mihi, hoc ignes aræque parabant?
Quid primum deserta querar? comitemne sororem
Sprevisti moriens? Eadem me ad fata vocasses:
Idem ambas ferro dolor, atque eadem hora tulisset.

His etiam struxi manibus, patriosque vocavi
Voce deos, sic te ut posita, crudelis! abessem?
Exstinxti me, teque, soror, populumque, patresque
Sidonios, urbemque tuam. Date volnera lymphis,
Abluam, et, extremus si quis super halitus errat,
Ore legam. » Sic fata gradus evaserat altos,
Semianimemque sinu germanam amplexa fovebat
Cum gemitu, atque atros siccabat veste cruores.

Illa, gravis oculos conata adtollere, rursus (63)
Deficit. Infixum stridit sub pectore volnus.

1

Et livre au fer tranchant, aux dévorantes flammes,
Les temples, les palais, les enfants, et les femmes.
Sa sœur tremblante accourt à ce tumulte affreux;
Et, meurtrissant son sein, arrachant ses cheveux,
Vers la reine expirante elle vole et l'appelle:

« Didon, il est donc vrai, tu me trompois, cruelle!
Quoi! ce bûcher fatal, ces autels, et ces feux,
N'étoient donc de ta mort que les apprêts pompeux?
Élise en tous les temps partagea ta fortune;
D'où vient que cette mort ne nous est pas commune?
Par d'aussi durs mépris peux-tu payer ma foi?
Didon, j'aurois du moins expiré près de toi!
Oui, la même douleur auroit, à la même heure,
Précipité nos jours dans la sombre demeure!
Ma main a donc dressé ce bûcher odieux!
Ma voix pour ton trépas invoquoit donc les dieux!
Et, par un piège affreux, ta cruelle prudence,
Pour assurer ta mort, s'assuroit mon absence!
Oui, Didon, tu perds tout par ce noir attentat,
Et toi-même, et ta sœur, et la ville, et l'état.
Courez, secondez-moi : de l'onde la plus pure
Que j'étanche son sang et lave sa blessure;
Et sur sa bouche encor s'il erre un vain soupir,
Que ma bouche du moins puisse le recueillir ! »
Vers le bûcher funèbre à ces mots élancée,
Et serrant dans ses bras sa sœur presque glacée,
Elle arrête son sang, la réchauffe. A ses cris,
Didon rouvre en mourant ses yeux appesantis;
Sa force l'abandonne; au fond de sa blessure,
en bouillonnant forme un triste murmure.

Son

sang

Ter sese adtollens cubitoque adnixa levavit;

Ter revoluta toro est, oculisque errantibus alto
Quæsivit cœlo lucem, ingemuitque reperta.

Tum Juno omnipotens, longum miserata dolorem, Difficilisque obitus, Irim demisit Olympo, Quæ luctantem animam nexosque resolveret artus. Nam, quia nec fato, merita nec morte peribat, Sed misera ante diem, subitoque adcensa furore, Nondum illi flavum Proserpina vertice crinem Abstulerat, Stygioque caput damnaverat Orco. Ergo Iris, croceis per cœlum roscida pennis (€4), Mille trahens varios adverso sole colores, Devolat, et supra caput adstitit: «Hunc ego Diti Sacrum jussa fero, teque isto corpore solvo. » Sic ait, et dextra crinem secat; omnis et una Dilapsus calor, atque in ventos vita recessit.

Trois fois, avec effort, sur un bras se dressant,
Trois fois elle retombe, et d'un œil languissant,
Levant un long regard vers le céleste empire,
Cherche un dernier rayon, le rencontre, et soupire.
Alors Junon, plaignant son pénible trépas,
Et de sa longue mort les douloureux combats,
Pour arracher son ame à sa prison mortelle,
Fait descendre des cieux sa courrière fidèle ;
Car l'affreux désespoir ayant, avec le temps,
Par une mort précoce abrégé ses instants,
N'ayant point mérité son trépas par un crime,
La déesse qui règne au ténébreux abîme
Ne l'avoit point encor dévouée à la mort,
Ni coupé le cheveu d'où dépendoit son sort.
Sur son aile brillante, au soleil exposée,
Peinte de cent couleurs, humide de rosée,
Iris descend des cieux, s'arrête sur Didon:
« Je coupe le cheveu réservé pour Pluton,
C'en est fait; de tes jours ainsi finit la trame;
Des chaînes de ton corps je dégage ton ame,
Lui dit-elle. A ces mots, sa secourable main
Tranche, avec le cheveu, son malheureux destin.
Proserpine l'attend sur la rive infernale;

Sa chaleur s'évapore, et son ame s'exhale.

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NOTES

DU LIVRE QUATRIÈME.

Ce livre est peut-être celui de toute l'Énéide qui a valu à son auteur le plus d'admirateurs et de critiques; d'admirateurs, par les grandes beautés qu'il renferme, et de critiques, par l'extrême supériorité qu'il paroît avoir sur des chants dont le sujet est moins intéressant, mais dont la poésie est peut-être plus admirable. L'intérêt qui l'anime, et la perfection des détails, sont faits pour toucher toutes les classes de la société, et sur-tout celles qu'on ne sauroit émouvoir que par le tableau des grandes passions. Mais Virgile, forcé par le plan de son ouvrage de séparer Énée de Didon, a jeté malgré lui quelque défaveur sur son principal personnage; et les huit derniers livres ont dû souffrir de ce défaut inévitable: Énée a été accusé d'ingratitude, de perfidie, et de superstition. Le poëte latin, favori de Mécène, et courtisan d'Auguste, en employant le merveilleux de sa religion, ne s'est peut-être pas assez rendu compte de ce que pouvoient perdre un jour d'intérêt la puissance des Romains, leurs dieux, et leurs oracles; tandis que les peintures qu'il a faites d'un amour malheureux devoient produire une impression à jamais durable. Les femmes surtout se passionnent difficilement pour les intérêts politiques d'un grand peuple de l'antiquité; mais elles, se mettent facilement à la place d'une amante abandonnée. Les oracles, Junon, Jupiter, et leurs ordres souverains n'égalent pas à leurs yeux une des larmes de l'amour malheureux. Virgile auroit pu éviter une partie de ces inculpations, en mettant dans la bouche d'Énée des expressions plus touchantes de

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